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les a comme elle doit les avoir, sans limites et sans défauts; on le concevrait enfin comme la force, qui a tout fait et se fait voir en toutes choses. Il faudrait à ces attributs joindre ceux qu'ils supposent nécessairement, tels que l'éternité, l'immensité, la toute-puissance, etc. Ainsi apparaîtrait au bout de toutes les sciences, et révélé par leurs recherches; ce majestueux inconnu qui se fait sentir à tout le monde obscurément, tant qu'il n'est pas dégagé à force d'étude et de philosophie.

Il n'est pas besoin d'avertir, en finissant, que nous portons à toutes ces questions un trop profond respect pour croire les avoir traitées dans le peu de mots qui viennent d'y être consacrés; nous les avons plutôt adorées et indiquées avec religion aux esprits qui les recherchent. Nous ne voulions que les montrer dans leur ordre et leur enchaînement. Comme historien nous n'avions pas autre chose à faire.

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Je veux avant tout, dans ce Supplément, exprimer en quelques mots l'opinion, que j'ai aujourd'hui sur un ouvrage qui n'est plus pour moi comme si je venais de le faire hier, et dont je puis parler avec d'autant plus d'impartialité, que je ne me sens guères à son égard aucune des faiblesses de l'amour paternel. Je ne le renie pas, mais je n'en suis pas fier; je le vois, je crois, sans illu

sion.

Le premier défaut que j'y remarque c'est d'avoir

été composé pièces à pièces, et dans un ordre de succession qui a tenu de l'occasion beaucoup plus que de la logique. En effet, lorsque je débutai, je ne songeais pas à faire un livre, je ne faisais que des articles, et à mesure que j'avançais, je n'ajoutais pas en les liant un chapitre à un autre, mais un article à un autre article, commençant souvent par la fin, continuant par le commencement, finissant par le milieu, juxtapposant et ne construisant pas. Ce n'est qu'après quelque temps et quand je me vis par devers moi un assez bon nombre de matériaux, que je pensai à les réunir et, s'il était possible, à les coordonner dans un seul et même ensemble. Ce fut alors et après coup que je cherchai certains liens, que je comblai certains vides, et qu'avec une industrie parfois assez laborieuse je parvins à arranger le tout en une façon de système. Mon œuvre eut un air de livre; mais quoique j'aie fait et pu faire dans deux éditions successives, elle s'est toujours ressentie de son vice originel; conçue sans unité, elle est restée sans unité, et l'espèce de plan apparent à l'aide duquel j'ai tâché d'en joindre les diverses parties, n'est pas fait pour tromper un œil un peu exercé ; ce n'est guères qu'un raccord plus ou moins bien dissimulé. De là non pas précsiément des contrariétés et des dissidences, au moins quand au fonds des choses, mais des disproportions et des dissonances dans le mode d'exposition. Ainsi par exemple l'école théologique est traitée, je le crois, avec

plus de force et de relief que l'école sensualiste ; pourquoi? parce que entr'autres raisons, j'y suis arrivé plus tard, avec plus de maturité de jugement et de réflexion, avec un sentiment plus profond du crédit dont elle jouissait au moment où je l'abordais; tandis que pour l'école sensualiste sur laquelle d'abord je m'essayai, je me trouvai moins préparé, moins occupé d'ailleurs de son influence philosophique qui chaque jour décroissait; cela est si vrai que quand plus tard elle reprit entre les mains d'un de ses plus vifs réprésentans une nouvelle vigueur et un nouvel éclat, mieux instruit et plus animé, j'en discutai, je crois, la doctrine capitale, avcc plus d'élan et de profondeur. C'est pourquoi je préfère l'article de M. Broussais à celui de Cabanis; comme je préfère à leur tour ceux de MM. de Maistre et de Lamennais à ceux de Garat et de M. de Tracy.

Et la même diversité que présentent les idées, le style la présente aussi : il n'est pas tout de la même manière, non plus que de la même date. Il y a le style de l'homme, je devrais dire, du jeune homme, qui a plus souci de la forme, que de la pensée elle-même, et qui écrit la philosophie moins en philosophe qu'en littérateur. Et puis il y a aussi un autre style qui est mieux celui de la chose, qui est plus sérieux, plus approprié aux sujets auxquels il s'applique. Je m'explique bien ces oppositions; c'est qu'en moi le littérateur a précédé le philosophe, et que mes premières habitudes me

sont demeurées, alors même que j'essayais et que je commençais à en prendre d'autres. Il est sans intérêt pour le public de lui raconter comment s'est faite mon éducation de penseur; mais pour moi, quand en ma mémoire je la repasse et y réfléchis, je vois bien par quelles lectures, par quelles leçons, et par quelles impressions j'ai été successivement amené à ces diverses variations. Je me rappelle le temps, où, pauvre enfant mal instruit, je ne savais encore vraiment ce que c'était que penser, 'qu'exprimer sa pensée, et où cependant je voulais écrire, et le tentais de mon mieux ; je me rappelle, et c'est toujours avec une vive reconnaissance, le premier maître qui m'apprit à développer une idée et à modeler une phrase, et comment la phrase me plut à tourner et à arranger, souvent même aux dépens du fonds. Je me rappelle I'École Normale et ses incisives sévérités, le nouveau maître que j'y trouvai et qui pour moi, comme pour bien d'autres, fut un véritable instituteur de vie intellectuelle. Je passai sous cette discipline des jours qui ne furent pas perdus ; je commençai à philosopher; c'est à dire à me proposer des questions à résoudre, une méthode à employer, des systèmes à juger; j'écrivris moins pour écrire, et plus pour m'éclairer et me rendre compte à moi-même de mes opinions et de mes doutes; je passai à un exercice plus viril de l'esprit, je changeai de manière. Mais il dût arriver et il arriva que long-temps encore la première re

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