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plonge dans la cuve ou dans le tonneau (1), la fermentation du moût aéré est incomparablement plus active que celle du moût non aéré, et la différence varie avec l'intensité de l'aération. Et il est digne d'attention que l'aération peut avoir lieu et produire des effets au moins aussi sensibles, alors même qu'on l'effectue pendant la fermentation, lorsque le liquide est déjà chargé d'acide carbonique et de levure alcoolique.

« L'aération du moût à des degrés divers se présente donc comme l'un des moyens les plus propres à influer sur la durée et l'achèvement complet de la fermentation.

« Dans les localités où la vendange n'a lieu qu'en octobre, il arrive fréquemment, et particulièrement dans les meilleures années, que le vin reste doux après la fermentation tumultueuse. Ce vin un peu sucré est sujet aux altérations, et il n'est pas rare de le voir fermenter insensiblement pendant trois ou quatre ans.

«< On peut dire que dans tous les cas, à moins qu'il ne s'agisse de vins liquoreux, il est utile que la fermentation se termine dès l'origine. Pour atteindre ce but, l'aération du moût, convenablement appliquée, scra peut-être un moyen aussi efficace que facile à mettre en pratique. N'aura-t-elle pas des inconvénients cachés? Nuira-t-elle à la couleur que l'on recherche dans les vins, à leur goût, à leur bouquet? Trouverat-on au contraire sur ce point de nouveaux avantages? C'est ici que doit intervenir cette alliance à laquelle je faisais allusion tout-à-l'heure des essais industriels tentés par les propriétaires intéressés, et des indications de la science. Remarquons d'ailleurs, qu'avantageuse ou nuisible, l'aération est une circonstance obligée de la vinification. Elle mérite donc à tous égards la plus sérieuse attention, alors même que l'on ne sortirait pas des usages habituels, parce qu'elle y intervient déjà présentement, à l'insu des praticiens, et dans une mesure abandonnée au hasard des circonstances et des coutumes locales.

« Une autre conséquence facile à déduire des faits que j'ai exposés, c'est que le vin doit contenir des principes éminemment oxydables. M. Boussingault a reconnu depuis longtemps que le vin ne renfermait pas du tout de gaz oxygène en dissolution, et il avait même espéré se servir de la connaissance de ce fait pour déceler l'addition de l'cau ordinaire au vin. Malheureusement, dès le lendemain, le vin ne contenait plus d'oxygène libre. Ces faits ont été confirmés récemment et étendus par M. Berthelot, qui ne connaissait pas les observations de M. Boussingault, publiées en 1859 dans une de ses leçons du Conservatoire des Arts et Métiers à laquelle j'assistais.

« Ce que je tiens à faire observer à ce sujet, c'est que l'existence dans le moût du raisin de matières qui absorbent l'oxigène de l'air, qui l'absorbent encore après que la fermentation a commencé, entraine inévitablement celle de principes semblables, plus ou moins modifiés par la fermentation, dans la composition du vin lui-même. C'est pour ce motif que l'on ne trouve pas d'oxygène dissous dans les vins conservés en vase clos. Si le vase qui renferme le vin n'est pas fermé, le vin se charge de gaz oxygène, et l'air du vin est même plus riche en oxy

(1) Je ne prétends pas cependant qu'il soit indifférent d'employer l'un ou l'autre de ces deux modes d'aération.

gène que l'air atmosphérique, comme il arrive pour l'air dissous dans l'eau. Il y a cependant une circonstance où le vin exposé au contact de l'air ne contient pas d'oxygène libre: c'est lorsque sa surface est recouverte en tout ou en partie de Mycoderma vini, ou fleurs de vin.

« L'oxygène de l'air qui se mêle au vin exposé au contact de l'air, ne s'absorbe donc pas aussi promptement qu'il se dissout. Sous ce rapport, le moût de la vendange est plus oxydable ou dissout moins vite l'oxygène, puisque ce gaz disparait au fur et à mesure de sa dissolution, quand le moût est en repos au contact de l'air.

<< Si l'on étudie les gaz du moût, pendant et après la fermentation, on reconnaît, comme on devait s'y attendre, que la liqueur est saturée de gaz acide carbonique sans mélange d'aucun autre gaz quelconque. Dans une expérience faite sur du vin nouveau, pris sur place, dans le tonneau même où la fermentation avait eu lieu, j'ai trouvé par litre 1,481 de gaz carbonique. Le vin était à la température de 7 degrés.

« Mais dès que le moût a fermenté dans la cuve et que le vin est mis en tonneau, les choses changent complètement. Les parois du tonneau donnent lieu à une évaporation active, variable avec l'épaisseur des douves, avec l'état du tonneau, avec la nature du vin, et enfin avec la cave, son exposition et la distribution de ses courants d'air.

« Des effets d'endosmose de gaz et de vapeurs ont lieu constamment à travers le bois, et je crois pouvoir démontrer que c'est par l'action de l'oxygène de l'air pénétrant lentement dans le tonneau que le vin se fait, et que sans l'influence de l'oxygène, le vin resterait à l'état de vin nouveau, vert, acerbe et non potable.

« Analysons, en effet, les gaz dissous dans un vin qui a été mis en tonneau depuis quelques mois ou depuis quelques années. Les analyses auxquelles je fais allusion ont été et doivent être effectuées sur place au moyen d'un procédé que je décrirai ailleurs (pour ne pas allonger trop cette communication), et de façon à ne pas mettre le moins du monde le vin en contact avec l'air atmosphérique. Voici les résultats généraux de ces déterminations. Il y a absence constante de gaz oxygène. La raison en a été donnée tout-à-l'heure. On trouve de l'acide carbonique en porportions variables. Cela doit être, puisque, après la fermentation, le vin était sursaturé de ce gaz. Mais ce qu'il faut principalement remarquer, c'est que le vin renferme toujours de l'azote, dont la proportion est, dans tous les cas, sensiblement la même, de 16 centimètres cubes environ par litre. Or, ce gaz ne peut avoir été emprunté qu'à l'air atmosphérique, puisque nous avons reconnu que le vin, à l'origine, ne contenait en dissolution que du gaz acide carbonique pur. Si le vin s'est saturé de gaz azote, c'est qu'il s'est également saturé d'air, avec cette circonstance importante toutefois que l'oxygène correspondant à l'azote ne restant pas libre, et se combinant avec les principes du vin, un renouvellement incessant de l'oxydation doit avoir lieu.

« On comprendra dès lors l'intérêt qu'il y aurait à déterminer cette proportion d'oxygène que le vin absorbe sans discontinuité pendant le long intervalle de son séjour en tonneau, et ultérieurement en bouteille, bien que, dans ce dernier cas, l'absorption soit à peine sensible. J'espère arriver directement à ce résultat. Mais je puis dès à présent donner de

cette absorption un minimum qui accusera l'influence considérable de l'oxygène de l'air dans la vinification.

<< Če minimum est fourni par la connaissance de la vidange qui s'établit naturellement dans tous les tonneaux, vidange que l'on peut mesurer exactement par l'ouillage. Or, il résulte, tant des mesures que j'ai prises dans le Jura, confirmées par des renseignements qui m'ont été fournis par l'habile tonnelier-chef du Clos-Vougeot, qu'une pièce de Bourgogne de 228 litres se vide par évaporation de plus de 10 litres par année, et le liquide évaporé est remplacé par de l'azote et de l'acide carbonique.

L'oxygène de plus de 10 litres d'air se fixe done chaque année sur le vin de la pièce. Et, comme on conserve le vin en pièces le plus souvent trois ou quatre ans avant de le mettre en bouteilles, et quelquefois bien plus longtemps, il est facile de calculer que, dans cet intervalle, chaque litre de vin absorbe de 30 à 40 centimètres cubes de gaz oxygène pur.

<< Mais je le répète, ce n'est là encore qu'un minimum éloigné de l'absorption de l'oxygène. Il y a, en effet, un échange continuel des gaz de l'intérieur du tonneau avec l'air atmosphérique, pendant que la vidange par évaporation s'effectue. Nous pouvons en avoir une preuve dans la diffusion de l'acide carbonique. J'ai dit tout-à-l'heure qu'un litre de vin nouveau pris à la température de 7 degrés avait donné près de 1 172 litre de gaz carbonique dissous. Le même vin, vieux de deux années, n'ayant subi que deux soutirages en mars et en juillet, sans collage, ne renfermait plus par litre que 200 centimètres cubes de gaz acide carbonique. Cette différence donne une idée de la diffusion continuelle des gaz dissous dans le vin, à travers les parois du tonneau. La proportion d'oxygène fixée pendant que le vin se fait, sur les principes oxydables empruntés au moût de raisin, est donc certainement bien supérieure à 30 ou 40 centimètres cubes par litre.

« Il ne me paraît pas possible de douter que c'est cette oxydation qui fait vieillir le vin et qui lui enlève ses principes acerbes, et provoque en grande partie les dépôts des tonneaux et des bouteilles. Des expériences directes m'ont prouvé, en effet, que l'oxygène vieillit le vin nouveau, l'adoucit, lui enlève de sa verdeur, et que, concuremment, il s'y forme des dépôts abondants. D'autres essais qui n'ont encore, il est vrai, que trop peu de durée, tendent à établir que le vin nouveau conservé dans des vases hermétiquement clos ne se fait pas et dépose très-peu. Cependant l'action de l'oxygène, pour être efficace, doit être lente et ménagée. Si on l'exagère, on tombe dans les phénomènes signalés par M. Berthelot, qui a bien vu le côté nuisible de cette action de l'oxygène.

« La comparaison de ce qui arrive à un même vin conservé en grands ou en petits tonneaux offre une preuve convaincante, quoique indirecte, des observations précédentes. Plus on exagère les dimensions des futailles, plus le vin met de temps à vieillir.

« Si je ne me trompe, les faits dont je viens d'entretenir l'Académie suggéreront des idées nouvelles sur les méthodes à suivre pour conserver ou pour vieillir les vins, sur l'action des courants d'air dans les caves, sur l'influence des tonneaux neufs ou vieux, plus ou moins propres à l'évaporation. Je crois qu'ils donneront également l'explication de l'influence

des voyages sur le vin. C'est là évidemment, à cause de l'agitation, un moyen de modifier beaucoup les conditions de l'aération du vin et de l'endosmose des gaz. Nul doute également que la mise en bouteilles a principalement pour effet de diminuer, dans une grande mesure, l'aération du vin et d'allonger beaucoup, par là même, la durée de sa confection, ce qui, dans le langage ordinaire, s'appelle conservation du vin. << Pendant que le vin se fait en tonneau ou en bouteille, sous l'influence de l'oxygène de l'air, il arrive souvent que des altérations spontanées se manifestent sans causes apparentes bien déterminées. J'étudierai ces altérations ou maladies des vins dans une prochaine communication. >> (A suivre).

LA GÉOLOGIE DU JURA,

ETUDE PAR M. JUST PIDANCET.

(Suite).

ÉTAGE MOYEN OU GYPSIFÈRE.

Cet étage est caractérisé par un grand développement de marnes, qui sont généralement d'un rouge lie de vin et qui renferment, comme roches subordonnées, des gypses anhydres et hydratés, en couches régulières, se continuant sur d'assez grandes étendues, et aussi en rognons ou amas plus ou moins volumineux.

Il repose en stratification concordante sur notre groupe dolomitique inférieur, et se trouve couronné supérieurement par notre banc dolomitique supérieur, qui est sur quelques points plus ou moins transformé en gypse saccharoïde.

Cet étage semble présenter son maximum de développement dans les environs de Salins, où son étude est facilitée par de magnifiques carrières à ciel ouvert, qui permettent d'observer toute la série des différentes assises qui le constituent. Aussi cette localité nous fournitelle le type de notre description, qui sera rendue plus claire au moyen de la figure suivante, représentant la coupe théorique des différentes assises keupériennes qu'on peut observer à découvert dans les localités salinoises.

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