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La mort de ce savant, qui, avec une persévérance inouïe et un goût d'une sùreté remarquable, a fait de la Bibliothèque doloise un véritable Muséc de livres rares et précieux, sera vivement sentie non-seulement par ses compatriotes, mais encore par tous ceux avec lesquels ses fonctions le mettaient en relation. D'une complaisance rare envers les personnes qui avaient comme lui le goût des beaux livres, M. Pallu n'hésitait jamais, quels que fussent le jour et l'heure, à se déranger de ses occupations particulières pour faire les honneurs de sa belle collection aux étrangers qui lui en témoignaient le désir. Sa Bibliothèque, c'était sa vie; trouver des livres rares, des manuscrits précieux, les acheter pour enrichir le dépôt qui lui était confié, dùt-il y contribuer de sa bourse, c'était sa passion.

Les deux volumes du Catalogue, rédigés par M. Pallu, où figure une collection complète des auteurs francs-comtois d'origine ou d'adoption, suffisent à faire l'éloge de leur auteur.

La ville de Dole a un devoir de pieuse reconnaissance à remplir faire placer son buste dans une des deux salles, théâtre, pendant tant d'années, de ses pacifiques exploits. Ne pas le faire serait de l'ingratitude.

Considérations anatomiques et physiologiques du derme chevelu,

PAR M. E. TOURNIAIRE,

pharmacien chimiste à Neuilly, Membre correspondant.

La peau, qui constitue le sens du tact, se présente à nous sous l'aspect d'une vaste membrane jetée, suivant la pittoresque comparaison d'un anatomiste, à la manière d'un voile, sur les dernières limites du domaine de l'organisation. Deux couches superposées la composent : l'une, profonde, a reçu le nom de derme ou chorion; l'autre, superficielle, est appelée épiderme ou cuticule.

Parmi les parties que l'on rencontre dans la peau, il en est seulement deux dont nous ayons à nous occuper ici : ce sont les poils et leurs organes producteurs, les follicules pileux.

Le follicule pileux, désigné aussi sous le nom de bulbe, forme une excavation qui reçoit la racine du poil; placé sous l'épaisseur du derme et quelquefois un peu au-dessous, il présente une forme conoïde dont la petite extrémité répond à l'épiderme, et la plus volumineuse aux cellules adipeuses sous-dermiques. Le follicule pileux est constitué par deux tuniques, l'une interne et l'autre externe (1).

(1) Cette division du bulbe en deux lames ou feuillets a été faite pour la première fois, au XVII® siècle, par M. P. Thirac, professeur de l'Ecole de Montpellier.

La tunique interne est rougeâtre, mince, molle, et semble n'ètre qu'un prolongement du corps muqueux de la peau. La tunique externe ou fibreuse est d'un blanc mat; elle est une dépendance du derme, dont elle partage la texture et les propriétés.

Plusieurs anatomistes ont décrit ou seulement indiqué les vaisseaux et les nerfs du bulbe. Je dois entre tous nommer: Lacruw, Winslow, Boerrhave, Withof, Gauthier; les recherches de Beclard, de Holler, de Bichat, celles de Rudolphi et de M. Androl fils ne confirment point les opinions émises par les premiers (1). Aujourd'hui cependant, la présence d'artérioles, de veinules et de filaments nerveux, se perdant dans Ja tunique externe des follicules pileux, ne peut plus ètre révoquée en doute. Ces organes ont été parfaitement bien décrits et désignés par Simon; aperçus, il est vrai, très-difficilement chez l'homme, on les voit d'une manière distincte dans plusieurs espèces animales. Les parois du follicule sont séparés de la racine du poil par une liqueur de nature onctueuse, et qui a été observée pour la première fois par Heusinger. L'abondance de ce liquide intra-folliculaire varie suivant le développement du poil. C'est pourquoi le follicule affecte tantôt une forme arrondie et tantôt une forme cylindrique ou tubuleuse. Le bulbe à forme arrondie ne présente aucun appareil sécréteur, le liquide déposé dans sa cavité est exhalé par les parois. Le bulbe à forme tubuleuse possède au contraire deux petites glandes, que les anatomistes allemands ont été les premiers à appeler glandes pilifères, et dont l'existence a été longtemps, mais bien à tort, contestéé en France. Un examen attentif, à l'aide du microscope, le démontre sans difficulté.

DU POIL.

Le poil présente à la partie inférieure de sa racine un renflement, que Malpighi a décrit sous le nom de capitulum pili, Henle sous celui de bouton du poil, et que Ludwig Ledermuller, Krause, Gurth ont appelé bulbe du poil.

La structure du poil est composée de deux couches, l'une externe et l'autre interne. La première, ou la substance corticale, se présente sous l'aspect de fibres longitudinales et de circulaires. Celles-ci semblent être destinées à relier les premières entre elles. La seconde, ou substance médullaire, forme la partie centrale de la tige. Cette substance se compose de noyaux de cellules irrégulièrement entassés dans le canal constitué par l'enveloppe externe. A ces noyaux se trouve mêlée une

(1) Les planches anatomiques de Paul Mascagni représentent le bulbe des cheveux d'un fœtus humain avec un réseau de vaisseaux sanguins et lympathiques qui l'entoure.

quantité variable de pigmentum, de telle sorte que la colonne qu'ils constituent par leur agglomération offre, en général, une couleur plus ou moins sombre, qui permet de distinguer nettement l'une de l'autre les deux substances. C'est surtout sur les poils noirs et bien développés qu'on peut étudier la situation et les dimensions respectives de ces deux substances, ainsi que leurs caractères propres. On voit alors trèsbien, 1° dans le tiers central, une substance d'un brun sombre, d'une consistance molle et d'apparence granuleuse; 2o de chaque côté, une substance d'un jaune clair, ferme et d'apparence fibreuse; 3° et au-dessus de ces deux substances, des fibres transversales anastomosées entre elles (SAPPEY, Traité d'anatomie, tome II, page 506.)

Les poils commencent à paraître au milieu de la vie intra-utérine; ils sont alors soyeux, incolores et à peu près également courts dans toutes les parties du corps. A la naissance, de tous les poils les cheveux sont ceux qui présentent le plus de longueur; et tandis que les uns ne se développent qu'à l'âge de puberté, ceux-ci continuent à croître assez rapidement. Les limites de cet accroissement ne sont pas encore connues. Ainsi il est des personnes chez lesquelles la barbe descend plus bas que la poitrine, et l'on a vu des individus dont les cheveux atteignaient la partie moyenne des jambes. M. Rayer cite l'exemple d'un Piémontais, âgé de 28 ans, doué d'une constitution athlétique, dont la chevelure redressée avait quatre pieds et demi de circonférence. On a prétendu que le système pileux continuait son accroissement sur les cadavres non encore en putréfaction, et que la vitalité s'y conservait longtemps après que les signes de la vie ont cessé de se montrer. Cette opinion nous paraît contestable, et nous ne croyons pas que les faits sur lesquels on s'est appuyé pour l'émettre aient été bien observés. Parmi ces faits, il en est un cependant qui mérite d'être rapporté. Lors de l'exhumation de Napoléon à Sainte-Hélène, les assistants virent avec surprise qu'il avait le visage couvert d'une barbe épaisse et longue d'une ligne environ. Or, il est relaté dans le procèsverbal du décès, que l'Empereur avait été rasé le jour même de sa

mort.

En tenant compte de la rétraction des tissus, par suite de la disparition des principes humides qu'ils contiennent, ne peut-on pas expliquer ce phénomène, tout mécanique, par sa ressemblance avec celui que présentent ces roseaux qui semblent devenir plus longs du dessèehement de l'étang dans lequel ils sont implantés?

La couleur des poils offre des différences suivant l'âge, les saisons, les climats, les individus.

Tous les physiologistes ont fait entrer la couleur des cheveux parmi les caractères des tempéraments. En effet, ils offrent des indices multipliés de la manière d'être de l'homme, de son énergie, de sa façon de sentir, et par conséquent de ses facultés intellectuelles. Semblables aux plantes et aux fruits, qui répondent au terroir qui les produit, ils répondent à notre constitution physique et morale sans la moindre dissimulation. La diversité du pelage et du poil des animaux démontre assez combien celle des cheveux doit être expressive chez l'homme. Que l'on compare la laine de la brebis avec la fourrure du loup, le poil du lièvre avec celui de l'hyène; que l'on examine sérieusement et attentivement les plumes des diverses espèces d'oiseaux, et l'on ne pourra se refuser à la conviction que ces excroissances sont caractéristiques, qu'elles peuvent aider à différencier les inclinations de chaque animal.

Pour établir cette corrélation des cheveux avec le tempérament, il est nécessaire de les considérer au point de vue de leurs qualités, de leur quantité, de leur implantation et surtout de leur couleur. Il y a trois grands types relativement à la couleur des cheveux le rougefeu, le blond et le noir. Les cheveux roux caractérisent, dit-on, un homme souverainement bon ou souverainement méchant. Cette couleur paraît former un des principaux signes d'un mode particulier de constitution d'où dépend, en général, un caractère physique et moral assez défavorable, et dont les principaux attributs sont des passions ordinairement plus véhémentes que généreuses (1).

Le blond et toutes ses nuances, second type de la couleur des cheveux, se rencontrent le plus ordinairement avec le tempérament sanguin, artériel et lymphatique. Dans cette classe, les individus ont le teint vermeil, la physionomie animée, la taille avantageuse, les formes douces, l'embonpoint médiocre. Ce sont ces cheveux d'un jaune doré ou d'un blond tirant sur le brun, qui reluisent doucement et qui se roulent facilement et agréablement, que Lavater désigne sous le nom de chevelure noble. Bons, généreux et sensibles, les hommes de ce tempérament sont ordinairement doués d'une conception prompte, d'une mémoire heureuse, d'une imagination vive et riante; ils sont plus propres aux brillantes productions de l'esprit qu'aux sublimes conceptions du génie.

La couleur des poils varie donc depuis le blond le plus clair jusqu'au noir le plus foncé, en offrant toutes les nuances intermédiaires. Duvet soyeux à la naissance, ils deviennent habituellement de plus en plus foncés à mesure que l'individu approche davantage de l'âge adulte.

(1) Traité de Physiognomonie de LAVATER et Annotations, tome II.

Après l'âge viril, ils blanchissent, ce qui paraît résulter d'une décoloration de la matière colorante qu'ils reçoivent. Un arrêt de développement est la cause probable du phénomène observé chez les Albinos. En effet, le pigmentum manque chez le fœtus jusqu'à une époque trèsavancée de la vie intra-utérine; si donc l'évolution fœtale est entravée avant l'époque où ce pigmentum doit se former à la peau, on comprend qu'un état d'organisation qui n'aurait dû être que transitoire devienne permanent.

Cette coloration blanche des poils peut être la suite d'une vive émotion ou être déterminée par une maladie, témoin, entre autres excmples, un seigneur italien qui, condamné à mort par François de Gonzague, duc de Mantoue, obtint sa grâce parce que ses cheveux avaient blanchi en peu d'heures, ce qui paraît tenir du prodige. A l'article Canitie, nous parlerons du blanchiment prématuré des poils par causes pathologiques. Cependant, disons tout d'abord que plusieurs observateurs ont rapporté des cas dans lesquels on a vu les cheveux changer complètement de couleur, de blonds devenir noirs, et de bruns devenir rouges. M. Rayer cite des vieillards chez lesquels les cheveux, blancs depuis longtemps, reprirent la couleur qu'ils avaient eue pendant la jeunesse des individus (1).

Enfin, la profession exerce une influence marquée sur la couleur du système pileux: on voit beaucoup de mineurs qui présentent des barbes bleues, ainsi colorées par l'influence des terrains qu'ils sont occupés à fouiller. Il n'est pas rare de rencontrer des ouvriers qui travaillent le cuivre, avec des cheveux verts. On assure que ces exemples sont trèsfréquents à Ville-Dieu, dans le département de la Manche. Hâtons-nous de dire que ces colorations accidentelles ne sont pas le résultat d'un travail intérieur, mais bien le fait des dépôts successifs d'oxide métallique sur les tiges capillaires.

Les poils sont dépourvus d'irritabilité et de sensibilité, mais ils transmettent l'impression des corps extérieurs, par suite de leur implantation immédiate sur la papille du bulbe pilifère. Le mouvement qui se produit quelquefois résulte seulement de celui qui est imprimé à la peau qu'ils recouvrent. L'humidité possède la propriété de gonfler leurs tissus, et détermine leur allongement; la chaleur sèche, en leur faisant perdre une partie de cette humidité, les raccourcit. On sait que Saussures a fondé sur ces phénomènes la construction de son instrument appelé hygromètre à cheveux. Le système pileux dépolarise la lumière, et

(4) RAYER, Maladie de la peau, tome III, page 730.

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