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ARBORICULTURE.

Cours professé à Poligny, en 1862,

PAR M. DU BREUIL,

MEMBRE HONORAIRE DE LA SOCIÉTÉ.

(Suite).

Culture spéciale du Poirier. - Le poirier est le plus important des arbres fruitiers. Après avoir indiqué les terrains dans lesquels il prospère le mieux, ses principales variétés et les différents procédés de multiplication, M. Du Breuil donne la description des trois principales sortes de greffe la fente anglaise, la couronne perfectionnée et l'écusson Vitry.

Ces détails font l'objet de la 4 leçon. La 5 et la 6° sont employées à l'étude des formes de la charpente.

On a imaginé, dit M. Du Breuil, un nombre considérable de formes différentes. Pour l'amateur, c'est le domaine de la fantaisie: il peut se livrer à tous ses caprices; mais pour le jardinier qui cherche à obtenir des fruits au meilleur marché possible, le nombre des formes se trouve restreint dans un cercle très-limité.

Les grandes formes les plus usuelles sont : la palmette Verrier, pour l'espalier; le vase ou gobelet, le cône ou pyramide et la colonne, pour le plein vent. La palmette Verrier peut aussi se placer en plein vent comme bordure d'un carré.

L'expérience a démontré que la palmette Verrier doit couvrir une surface d'environ 18 mètres carrés. Si le mur contre lequel elle est palissée a 3 mètres de hauteur, le diamètre de la palmette sera de 6 mètres, et la hauteur de 3 mètres sera occupée par 9 étages de branches espacées de 30 centim. Si l'on admet que l'on obtienne un étage tous les ans, il faudra donc 9 ans pour que la tige principale de l'arbre ait atteint le sommet du mur; mais les branches latérales inférieures qui s'étendent horizontalement à 3 mètres de chaque côté de la tige, pour se relever verticalement comme les branches d'un candélabre, exigeront encore 4 ans pour atteindre la même hauteur. La surface de 18 mètres carrés ne sera donc couverte qu'au bout de 13 ans. Il en faudra encore 3 pour que les fruits se développent au sommet de ces branches : ainsi, le produit maximum d'une palmette Verrier ne pourra s'obtenir qu'après 16 années d'attente. C'est trop long.

Le même inconvénient se présente avec les autres grandes formes. Elles demandent encore plus de temps au jardinier pour la taille d'hiver, et surtout pour la taille d'été. Nous devons cependant admettre une exception pour la forme en colonne. Le seul reproche que l'on puisse faire aux arbres cultivés sous cette forme, lorsqu'ils sont plantés à de grandes distances, c'est de s'élever à une si grande hauteur avant leur mise à fruits, que la taille régulière et la récolte en deviennent presque impossibles. M. Du Breuil cite l'exemple d'un arbre en colonne qui était parvenu à la hauteur de 15 mètres. On avait dù renoncer à cueillir ses fruits; on les laissait tomber d'eux-mêmes, mais ils se meurtrissaient et l'on ne récoltait ainsi que des fruits impropres à être conservés. Nous

ajouterons qu'il est très-difficile et très-coûteux d'abriter ces grandes formes contre les intempéries du printemps.

Frappé de ces inconvénients, M. Du Breuil eut l'heureuse idée de planter les arbres en colonne assez rapprochés les uns des autres pour que les racines de chacun d'eux ne pussent prendre qu'un développement très-limité. Ces arbres, perdant ainsi de leur vigueur, se mettent à fruit dès qu'ils ont atteint la hauteur de 3 mètres.

La forme à colonne ainsi modifiée a été nommée cordon simple vertical, par M. Du Breuil.

Nous avons vu que cette dernière forme, palissée en contre-espalier double, était la seule adoptée pour le plein vent, par M. Du Breuil, et qu'il l'employait pour tous les arbres (poirier, pêcher, abricotier, prunier, cerisier, etc.) admis dans le jardin fruitier.

C'est sur le poirier cultivé en cordon vertical simple, que nous appliquerons le mode de taille des arbres à fruits à pépins, exposé par M. Du Breuil, dans sa 7e leçon.

Taille du Poirier. Are année. Plantation. Après avoir choisi la plate-bande destinée aux poiriers, on a dù planter au mois de novembre, au pied de chacune des lattes verticales du contre-espalier, un sujet d'un an de greffe et n'ayant encore qu'une baguette, en se contentant d'en rogner l'extrémité pour faciliter la reprise, comme nous l'avons dit en parlant de l'habillage. Chaque tige sera palissée contre sa latte.

Il ne faut pas tailler les poiriers pendant la première année de la plantation. On laissera croitre ces arbres en toute liberté, pour que leurs racines se constituent vigoureusement, pour qu'en terme de jardinier, ils se fassent bon pied. Ce ne sera donc qu'au deuxième mois de février, après la plantation, que commenceront les opérations de la taille. (A suivre). E. BLONDEAU, membre fondateur.

SYLVICULTURE.

Reboisement des montagnes,

M. Bel, membre correspondant à Orgelet, a développé les trois questions suivantes; la 1re est celle-ci : « des deux procédés de reboisement, le repiquage et le semis, lequel doit le mieux et le moins lentement atteindre le but?» Il se range du côté du semis et cite, à son appui, l'expérience de M. l'inspecteur des forêts de Clermont, qui, après avoir commencé par la plantation, y dût renoncer et revint au semis, qui lui fournit des sujets plus vigoureux, et dont l'éclaircissement procure d'ailleurs des bénéfices considérables par suite de nombreuses demandes de replants ces sommes provenant de la vente de ces derniers sont ensuite consacrées à étendre les semis. C'est ainsi que le Puy-de-Dôme peut compter aujourd'hui plusieurs mille hectares de la plus belle venue. La 2 question a trait au choix judicieux d'essences propres aux différents sois. Dans le Jura, les pins réussissent bien, tels que le sapin, le picéa (1), mais moins bien que le mélèze. Ainsi, il y a quelques 20 ans,

(1) Qu'on appelle abusivement épicea.

furent

semées des graines de pin dans les clairières des forêts de M. le Prince d'Aremberg. Les reprises ayant été un peu rares, il y fut jeté des graines de mélèze cette dernière essence a devancé les pins. Le mélèze a d'ailleurs un grand avantage sur les autres arbres résineux, c'est que perdant ses feuilles, la neige n'en peut casser les branches comme elle fait de celles de pins.

3e question: « Nous serait-il permis, ajoute notre honorable correspondant d'Orgelet, de dire quelques mots des résultats que donne l'exploitation en coupe blanche, des vieux quarts de réserve, et surtout des forêts de sapins? Baume-les-Dames ayant vendu la superficie d'un bois de hêtres séculaires, il n'y revint que du tremble. A une coupe blanche d'une antique forêt de sapins, à Vercel (Doubs) et dans les forêts de Clairvaux, succédèrent des myriades de framboisiers et de petits hêtres. D'où venaient les graines de ces nouvelles productions? Du sol, sans aucun doute; les défauts de chaleur et l'ombre avaient empêché les conditions de leur germination. Tant que ces dernières ne sont pas données, les semences dorment, mais ne périssent pas. C'est ce qu'attestent les deux faits que voici :

Après chaque coupe de nos bois d'affouage, les semences de fraisiers recouvrent la surface, et en disparaissent au fur et à mesure que le taillis grandit, pour y renaitre ensuite aussi serrés que vingt-cinq ans auparavant.

En 1822, fut creusé à travers un riche finage du territoire de Baumeles-Dames, partie du canal du Rhône au Rhin; les bords de hallage se couvrirent l'année suivante de jolis pois roses inodores, dont les grains avaient dû rester bien des siècles à 3 ou 4 mètres de profondeur.

VITICULTURE.

Leçons de M. le Professeur DU BREUIL, à Poligny, en 1862.

(Suite).

Les cépages doivent être enterrés plus ou moins profondément, et suivant la nature du sol. Si un plant craint la sécheresse, il faudra, en effet, l'enfoncer de 45 à 50 centim.; si le terrain est compact et humide, à 30 centim. au plus.

Dans un vignoble un peu étendu, des chemins doivent être ménagés pour faciliter le passage des attelages, le transport des engrais et la récolte des raisins sur tous les points, en voiture. On y arrive en faisant des carrés réguliers des jallons permettent de chainer les extrémités des lignes de plantation; 80 centim. suffisent entre les ceps, on en marque la place, et on met les lignes à un mètre de distance.

Modes de plantation. L'important ici est de développer vigoureusement et rapidement les racines; il convient donc d'appliquer de suite les engrais, et c'est ici que leur transport par les chemins ménagés dans la vigne, permet de les distribuer facilement et avec régularité.

Les crossettes se placent au plantoir (la taravelle en fer, usitée en

Saintonge, fait un trou de 7 à 8 centim. de diamètre, lorsque l'étrier arrive contre le sol). Dans le trou, on dépose la crossette à 30 ou 45 centim. de profondeur; l'ouvrier qui suit dépose dans chaque trou des engrais pulverulents (terreau, guano, crottins desséchés, bouses, mélangés avec de la terre, mais autant que possible additionnés d'un quart de cendres de bois, lessivées ou non); enfin, un troisième ouvrier tasse fortement ces matières contre le sarment avec un fouloir.

On utilise avec autant d'avantages les engrais liquides (matières fécales, sang, tourteaux, purin, étendus d'eau); il suffit alors d'en arroser le pied du cep.

Si l'on veut planter des sarments enracinés de deux ans, un ouvrier fait un trou de 40 centim. de longueur, ayant une direction oblique, de 40 centim. de côté, profond de 30 à 45 centim. : l'ouvrier qui suit projette sur le fond de ce trou de l'engrais pulvérulent; un troisième ouvrier introduit dans ce trou le plan enraciné, qui est ainsi couché, recouvert à nouveau d'engrais, puis de terre.

La plantation terminée, on ne doit laisser sortir de terre qu'un ou deux boutons, suivant leur rapprochement. Il est bon d'enterrer le sommet du sarment ou de la crossette jusqu'au commencement de juillet, parce que le bois couvert de terre se ramollit plus aisément, les racines se forment plus promptement, le développement du jeune plant est mieux assuré.

On soustraiera les jeunes sujets à la sécheresse, par des binages rapidement exécutés au moyen d'instruments mus par un cheval. Pour 20 francs, on peut faire de cette manière trois binages sur un hectare pendant un été.

Des vides se forment-ils dans la plantation? on les comble par des plants enracinés et fortement fumés, afin de rattraper les sujets voisins et d'obtenir une production plus rapide dans la même vigne. C'est pourquoi il est de toute nécessité d'établir et d'entretenir une pépinière dans un des coins de la propriété.

La plantation à neuf d'une vigne doit-elle se faire par le moyen de crosseltes ou de sujets enracinés? Il y a ici divergence d'opinions. Si les plants enracinés ont deux ans, s'ils sont bien soigneusement déplantés et préservés de la sécheresse, ils donnent des résultats plus rapides que les crossettes; dans le cas contraire, ils pourrissent en terre, ne donnent que du vieux bois et végétent très-lentement.

L'année suivante, quand deux bourgeons sont sortis, il convient de s'occuper de donner une forme au cep; car la souche a toujours un développement en rapport avec la nature du plant. La souche est-elle trop serrée et le plant vigoureux? alors on a beaucoup de bourgeons effilés. Il faut d'ailleurs que la souche ait une forme qui ne gêne pas la culture du sol par tous les temps.

A Poligny, par exemple, on néglige les binages d'été, parce que le feuillage est abondant et qu'il se répand dans tous les sens; cette forme de buisson est donc très-fautive.

Le cep doit avoir une forme telle que le soleil arrive sur les bourgeons et les grappes, la chaleur de cette lumière étant nécessaire pour saccharifier le suc et aoûter le bois. C'est une condition avantageuse que Foa e encontre pas dans le Jura.

Les grappes doivent aussi être suffisamment rapprochées du sol, et d'autant plus qu'on s'approche du Nord; le sol, en effet, leur renvoie alors plus complètement la chaleur qu'il a acquise pendant le jour, et pendant la nuit la surface du terrain chauffe encore la grappe. Il est juste de dire qu'à Poligny les raisins sont assez près du sol.

(A suivre).

E. B.

BIBLIOGRAPHIE.

Le petit Livre du devoir, l'Agriculture
des enfants,

Par M. DEFRANOUX, rédacteur en chef de la Ferme, membre de la Société d'émulation des Vosges (Paris, éditeur : HUMBERT).

L'instruction et l'éducation sont deux sœurs jumelles que, dans nos établissements d'instruction publique, on ne sépare pas. Pour les développer simultanément, des hommes de cœur et d'intelligence se sont mis à l'œuvre. Dans leurs ouvrages, les uns ont adopté la forme anecdotique, et les autres se sont servis de l'aphorisme, à la façon du Bonhomme Richard, modeste pseudonyme du vertueux Franklin.

Parmi les premiers, citons avec une sympathie toute personnelle, et s'il est permis de le dire, avec une gratitude scolaire pour leur avoir fait souvent des emprunts dans le choix varié de nos lectures et de nos devoirs de classe, MM. Eugène Rendu, H. Barrau et N. Javet, et en première ligne, parmi les femmes, Mues Z. Carraud, l'auteur de la Petite Jeanne et des Lettres de famille.

Parmi les seconds, citons M. Defranoux, si justement renommé pour ses Prédications agricoles, pour sa publication du journal la Ferme, et pour son livre intitulé: le petit Livre du devoir.

sur

Dans ce dernier ouvrage, la morale ne peut revêtir des formes plus simples, plus modestes et plus propres à la faire aimer et à en graver les préceptes dans la mémoire de l'enfance et de la jeunesse. On croirait, à cette lecture qui n'a rien de pénible, parce que chaque phrase renferme une idée morale exprimée d'une manière nette et concise, tout accessible aux intelligences les moins avancées, on croirait, dis-je, entendre les conseils éclairés et pleins d'expérience de la vie d'un père à ses enfants. Nous voudrions voir cette excellente œuvre répandue dans nos écoles rurales, expliquée par l'instituteur, et donnée comme sujet de lecture courante.

Nous recommandons, au même titre, dans l'intérêt du progrès agricole, l'Agriculture des enfants, publiée par le même auteur. C'est là surtout que cette science féconde, dégagée des formules abstraites et scientifiques, se présente sous la forme la plus capable de permettre aux enfants de se l'approprier.

Ajoutons que M. Defranoux, si avantageusement connu dans notre Jura, où il a occupé de hautes fonctions administratives, consacre les loisirs d'une studieuse retraite à des publications qui intéressent au plus haut point l'agriculture. Aussi, M. Rambaud, avocat, rapporteur du dernier Concours de la Société d'émulation des Vosges, lui a-t-il dé

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