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l'action prolongée de l'air sur le jus des fruits du sorbier des oiseaux, M. Pelouze y a trouvé une matière sucrée qu'il propose d'appeler sorbine. Cette matière est intéressante par la composition, par la beauté, la régularité de ses cristaux, par son action sur la lumière polarisée, par sa grande analogie avec les sucres proprement dits, dont cependant elle diffère en ce qu'elle ne produit pas la fermentation alcoolique.

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Il se passe donc au sujet du sorbier quelque chose d'analogue à ce qui eut lieu à l'occasion de l'asphodèle. MM. Clerget et Jacquelain annonçaient n'avoir trouvé dans les tubercules de cette liliacée, ni sucre ni fécule, et M. Duplat, pharmacien en chef de l'hôpital de Blidah, vint ensuite déclarer qu'il y avait decouvert 20 p. 010 de sucre et de glucose. De part et d'autre cependant, ces habiles chimistes obtenaient de cette même plante des quantités assez notables d'alcool.

Quant au sorbier, l'expérience avait cependant démontré depuis longtemps que les fruits bien écrasés donnent un jus qui fermente promptement et constitue une liqueur vineuse, d'un goût acide, peu agréable, mais utilisée en certains pays à l'instar du cidre.

Ce désaccord entre les faits pratiques et les données de l'analyse chimique,demandait une solution que l'expérimentation seule devait fournir d'une façon péremptoire.

L'essai de M. Pelouze pouvait d'ailleurs n'être pas très-concluant, car ce chimiste s'était borné à abandonner à lui-même et au contact de l'air, le jus de sorbes, afin d'en obtenir la fermentation spontanée; et il est permis d'admettre qu'un tel procédé doit être inefficace pour opérer la transformation du principe sucré. Deux conditions me semblaient au contraire des plus nécessaires en pareil cas : l'une, l'addition d'une matière fermentescible, afin d'exciter et de compléter ce travail chimique; l'autre, la soustraction du liquide au contact de l'air, afin de prévenir une acidification inévitable et des plus regrettables.

En se conformant scrupuleusement à ces deux points, M. Pelouze serait peut-être arrivé à un tout autre résultat.

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Voici ce que viennent de me produire des sorbes cueillies à la fin de l'automne dernier des baies, à la quantité de 38 kilog., ont été mises entières dans un petit tonneau, avec le soin de les arroser par cinq ou six couches avec quelques litres de baissière (restes du vin, près la lie; boues de tonneaux après les soutirages); puis le tonneau fut hermétiquement fermé et roulé de temps à autre, afin de bien mélanger toute la masse et de l'imbiber, dans tous les points, du liquide fermentescible. Au bout de trois mois, les baies furent retirées entières, complètement intactes, et déposées dans la cucurbite. On obtint à la distillation, et après le mélange des produits de plusieurs opérations, 5 litres 25 cent. d'eau-de-vie à 55° c., à la température de 11° c.

S'il est permis de calculer d'après cet essai, 100 kilog. de baies produiraient 13 litres 80 cent., soit en chiffres ronds 14 litres d'eau-de-vie à 55°, rendement bien supérieur à celui de la distillation des marcs de raisin dans notre Jura.

L'alcool de sorbier est incolore, d'une odeur sui generis un peu fade, d'une saveur moins prononcée que l'odeur, et qui disparaitra avec l'âge : elle est d'ailleurs presqu'entièrement effacée par la rectification. Sa flamme a une coloration d'un blanc à peine bleuâtre.

La sorbe étant jusqu'ici restée sans utilisation, n'a aucune valeur commerciale; son eau-de-vie serait done obtenue à très-bon marché, si l'on se borne à la fabriquer à proximité des bois montagneux où l'arbre à grives est presque toujours en abondance.

La récolte des baies n'offre d'ailleurs aucune difficulté; elle doit se faire à la fin de l'automne, avant l'époque à laquelle les oiseaux les recherchent avidement. Notre premier plateau du Jura offre une quantité considérable de sorbiers, que l'on appelle peute ou pute dans l'idiome local; c'est donc pour nos contrées une ressource en alcool qu'il ne faudrait pas dédaigner.

Sans doute l'exploitation n'en saurait être tentée sur une grande échelle; mais dans notre région vignoble, où les appareils distillatoires existent en grande quantité, il serait bon de s'habituer à tirer parti d'une foule de matières végétales restées jusqu'ici sans emploi, et dont P'utilisation, ne fût-ce que pour la consommation domestique, donnerait encore des produits avantageux.

La pulpe de la sorbe distillée contient des sels; elle fournirait un engrais d'une certaine valeur; elle renferme une matière colorante abondante, qui permettrait sans doute de l'appliquer, comme l'écorce de l'arbre, au tannage et à la teinture en noir.

Les pépins des sorbes sont émulsifs, et donneraient une quantité notable d'huile.

Nous avons déjà dit que le bois blanchâtre, compact de cet arbuste, est recherché des graveurs, des ébénistes, des tourneurs, qui en font des manches et montures d'outils.

Bien que fermentés et distillés, les fruits du sorbier trouveraient peutêtre une application en médecine on sait qu'en Allemagne on fait macérer les baies dans l'eau miellée pour amortir leur acerbité; Ray (catal. plant., p. 279) les dit purgatives et émétiques; Bergius les vante contre les calculs rénaux; on prétend que leur suc, amené à consistance sirupeuse, guérit la strangurie et les hémorrhoïdes; les Arabes (1) les emploient contre la dyssenterie.

Volà donc un arbre qui mérite bien d'ètre tiré de l'oubli, et pour en revenir à l'eau-de-vie qu'il fournit abondamment, ce sera une bonne ressource dans les années de disette de la vigne, où les vins et les alcools sont rares et hors de prix. Rectifiée, elle augmenterait la masse des alcools consommés pour la parfumerie, les teintures médicinales, les vernis, la conservation des matières organiques et l'éclairage. Elle peut donc demander ses lettres de naturalisation dans la famille toujours croissante des produits de la distillation, à côté des eaux-de-vie de topinambour, d'asphodèle, d'arbousier, de dattes, etc., qui ont fait leur apparition à l'avant-dernière Exposition universelle de 1855.

(1) Voyez mon ouvrage sur les ressources que la matière médicale arabe peut offrir aux pharmacopées française et algérienne, 1859, p. 31,

ARBORICULTURE.

Cours professé à Poligny, en 1862,

PAR M. DU BREUIL,

MEMBRE HONORAIRE DE LA SOCIÉTÉ.

(Suite).

La fin du mois d'octobre est l'époque la plus favorable pour la transplantation. Au mois de mars suivant, de petites racines se seront déjà développées par une végétation latente. Les arbres auront pris possession du sol. Ils résisteront donc mieux aux premières sécheresses du printemps que s'ils avaient été plantés au mois de mars. Cependant, c'est au printemps qu'il faudrait opérer la transplantation si le sol du jardin était très-humide, parce que, dans ce cas, les racines seraient exposées à pourrir pendant l'hiver.

Quelle que soit la nature du sol, le nœud de la greffe doit être au moins d'un centimètre hors de terre. Si la greffe était enterrée, des racines vigoureuses naîtraient bientôt sur le noud, les autres racines disparaîtraient et la greffe vivrait d'elle-même; l'arbre se serait affranchi, et sa végétation trop puissante retarderait beaucoup sa mise à fruits. En général, le collet de la racine doit affleurer le sol : ce n'est que dans un terrain très-sec qu'il doit être enterré. Le pêcher et le prunier font exception à cette règle. Il est nécessaire, non seulement que le collet, mais que la griffe de leurs racines soit visible à la surface du sol, sauf à les paillassonner pour les garantir de la sécheresse. C'est que, pour ces deux espèces, un excès d'humidité produit, sur leurs racines, des champignons qui les font souvent périr en vingt-quatre heures.

Habillage. Les arbres qui arrivent de la pépinière doivent, avant d'être plantés, subir une opération que l'on appelle habillage. Pour les racines, elle consiste à couper net tout ce qui est mutilé, en les conservant cependant le plus longues possible. L'entaille doit se faire en dessous, de manière que la partie coupée repose sur le sol. Les radicelles nouvelles naissant sur le bord de l'entaille pourront ainsi s'enfoncer directement dans le sol dans leur position naturelle. Les racines seront ensuite trempées dans une bouillie épaisse d'engrais et d'argile mélangés, puis saupoudrées de cendres. Ainsi pralinées, elles se trouveront entourées d'une couche mince d'un terrain extrêmement fertile et trèsfavorable au premier développement des radicelles.

La tige ne doit jamais être conservée entière avec toutes ses branches; car, si les racines puisent dans le sol les éléments nécessaires au développement des bourgeons et des feuilles, ceux-ci élaborent la sève qu'ils ont reçue et la renvoient aux racines pour former de nouvelles radicelles. L'arbre est malade dès que l'équilibre n'existe plus entre ces deux organes essentiels : il faut donc, puisqu'on a diminué l'étendue des racines, diminuer dans la même proportion l'étendue de la charpente. Il suffit ordinairement de supprimer un tiers de la longueur des branches et de la tige.

De la taille. Tous les arbres du jardin étant plantés avec les soins que nous venons d'indiquer, devront être encore soumis pendant plu

sieurs années aux opérations de la taille, dont M. Dubreuil expose les principes généraux.

La taille, dans le jardin fruitier, se pratique en deux saisons: il y a la taille d'hiver et la taille d'été.

La première a pour but de conserver à l'arbre une forme déterminée, de faire développer tous les boutons, de manière à obtenir des rameaux à fruits régulièrement espacés, de maintenir ces rameaux très-courts, pour que les fruits profitent mieux de la sève, et enfin, d'éviter l'intermittence des récoltes en économisant la sève, pour qu'elle suffise à nourrir les fruits de l'année et à former des boutons à fleurs pour l'année suivante.

C'est pendant le repos de la végétation, de novembre en mars, que la taille d'hiver a lieu. La taille en automne, cependant, a quelques inconvénients: les gelées peuvent fendre l'extrémité des rameaux taillés et faire descendre la cicatrice jusqu'à 20 centimètres au-dessous de la section. Ce sera donc de la fin de février au commencement d'avril que cette opération devra se pratiquer de préférence, mais toujours avant que les boutons ne soient développés, pour ne pas épuiser les arbres par des pertes de sève.

La taille d'été a pour but de faire développer en boutons à fleurs les boutons qui occupent la base des bourgeons : elle se pratique pendant tout le cours de la végétation.

(A suivre).

E. BLONDEAU, membre fondateur.

APICULTURE,

Soins à donner aux Abeilles pendant l'hiver, PAR M. BAUD, DU FIED (JURA), LAURÉAT ET CORRESPOND DE LA SOCIÉTÉ.

1° Ne les tenir enfermées que quand il y a de la neige; laisser un petit passage pour une abeille ou deux, afin que la souris ne puisse entrer dans la ruche. On bouche hermétiquement cette ouverture quand il y a de la neige, par le moyen d'une petite cheville en bois faite exprès, afin que les abeilles ne puissent sortir et se perdre sur la neige, sur laquelle elles ne sauraient se relever. Ce serait des ouvrières de moins pour le printemps, et précisément les plus actives, les plus laborieuses. 2o Maintenir sur chaque ruche une capote vide, en ayant eu soin d'ôter la bonde, afin que la transpiration de la ruche, pleine d'abeilles et de provisions, s'évapore à travers la capote. Il faut avoir soin de bien luter la capote sur le fond de la ruche, afin que les insectes n'y pénètrent pas. Cette manière de capotage est la santé des bonnes et pesantes ruches.

Quant aux ruches que l'on craint de voir manquer de provisions pour l'hiver, on y place des capotes pleines à moitié, au tiers ou au quart, selon les besoins. Ruches et capotes servent à deux fins aux nécessités de la ruche, pour nourriture, et en même temps à l'évaporation de la transpiration ou humidité. J'ai toujours choisi cette méthode depuis. bien longtemps comme la plus avantageuse à la santé des abeilles, et à leur entretien et conservation.

3° Ne marchez jamais fort et avec secousses auprès de vos ruchiers quand la terre est gelée ou qu'il y a de la neige gelée, ainsi qu'en tout temps, lorsque les abeilles ne sortent pas, surtout en hiver: car la moindre secousse ôte les abeilles de leur état d'engourdissement; elles tombent alors sur le tablier, tremblottent un instant et meurent. Si le froid n'est pas assez intense pour occasionner la mort, il y a provocation à la famine, les abeilles se vengeant sur leur provision et mangeant trois fois autant. Excitez du mouvement, surtout en hiver; mettez l'oreille contre la ruche, vous entendrez un fort bruissement et espèce de rongement; c'est qu'alors les abeilles dévorent leurs provisions. Depuis quarante années que je m'occupe d'apiculture, j'ai toujours vu que bien que très-pesantes à l'entrée de l'hiver, les ruches les plus exposées aux cahots ou secousses, ou dérangements, se sont hivernées très-rarement. C'est pourquoi, surtout en hiver, je me suis résigné à une grande prudence dans les visites que je rends à mes abeilles. A l'approche du rucher, je marche le plus doucement qu'il m'est possible; si je visite l'intérieur de l'abeiller, je tache que ce soit plutôt par le dégel; j'évite le trop fort battement des portes et ne donne aucune secousse au rucher. Après avoir longtemps observé bon nombre de ruchers, l'exposition de ceux dans lesquels les abeilles prospéraient le mieux, j'ai acquis la certitude que dans les ruchers qui sont près des routes, des chemins, ressentent, quoiqu'un peu éloignés, les chaos des voitures, ou qui sont liés à d'autres corps de bâtiments, les abeilles s'en vont en gros. De même, pour les ruchers qui ne sont pas dans les mêmes conditions, quoique éloignés des grandes voies, et qui subissent des cahots, sccousses de la part des gens qui les fréquentent, ou passent souvent autour; les abeilles s'en vont en détail.

Deux mots sur la liberté de l'abeille en hiver laissez, tant qu'il n'y a pas de neige, le petit passage libre, afin que l'abeille soit toujours au courant de la température. Car alors il est rare qu'elle cherche à sortir pendant le grand froid; tandis que si elle est renfermée, elle cherchera toujours à sortir; étant trop échauffée en travaillant à se pratiquer un passage, elle massacrera sa provision

VITICULTURE.

Leçons de M. le Professeur DU BREUIL, à Poligny, en 1862.

(Suite).

La greffe s'emploie, en Maine-et-Loire et dans l'Hérault, par exem, ple, pour remédier à la lenteur de production de certains plants. A Poligny, elle devrait être pratiquée pour transformer le fin plant; au lieu de l'arracher, on aurait avantage à le greffer avec du maldoux qui ne convient pas au mème terrain.

Pour greffer, on choisit en janvier les plus gros sarments, les plus vigoureux, armés d'an talon: on les enterre le long d'un mur, au Nord; ainsi couchés, leur végétation reste stationnaire. Dès que la vigne

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