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d'un vocabulaire commercial, de quelques lettres de commerce et d'un recueil de termes techniques, forme le complément de ce petit ouvrage qui, nous n'hésitons pas à le dire, facilitera singulièrement la lecture des textes et la conversation aux élèves de nos établissements, et aux personnes désireuses d'apprendre une langue qui devient tous les jours, au point de vue des intérêts industriels et commerciaux, d'une utilité indispensable.

Cet ouvrage a été généralement adopté à Mulhouse à l'Ecole professionnelle, au Collège et dans toute les Institutions.

POÉSIE.

Léon BOURGEOIS.

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Super flumina,

IMITATION PAR M. J.-E. PEtit, de salins, MEMBRE CORRESPONDANT.

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Sur les fleuves lointains de la Babel impie
Nous nous sommes assis et tous pris à pleurer :
Malheureux de nous rappeler

Les beaux jours de Sion, les flots de la patrie!

Aux saules suspendus, nos instruments divins,
Les harpes d'Israël s'abaissaient vers les ondes,
Et sur nos misères profondes,

Au gré des vents poussaient des sons tristes et vains!

De nos foyers déserts, de nos sillons antiques,
Les barbares! ceux-là qui nous ont arrachés,
Qui nous ont conduits enchaînés,

Nous disaient : chantez-nous quelqu'un de vos cantiques!

Hélas! quand tant de maux font fléchir nos genoux !
Etendus dans la poudre et flétris par la guerre,
Hélas! comment chanterons-nous

Les hymnes du Seigneur sur la terre étrangère!

Cité du Dieu vivant, son temple, ses autels,
Jérusalem! si jamais je t'oublie,

Si je cesse un seul jour, dans mes vœux immortels,
De saluer de loin ta splendeur rétablie !

Qu'en ce jour funeste, ô Sion!

Mon bras, soudain séché, laisse tomber ma lyre,
Ma langue, avec effort, essaie un dernier son,

Et

que de tous mes sens s'empare un noir délire

Souviens-toi d'Israël, de ton peuple brisé,
Seigneur, quand Esau, dans ce jour plein d'alarmes,
Jour de cris, de sang et de larmes,
Battait, battait des mains sur ton temple embrasé !

Dans l'excès affreux de leur rage,

Abimez, criaient-ils, cette vile cité,

Et qu'aux enfers, par cet orage,

Culte, hymnes, habitants, tout soit précipité!

Ah! fille de Babel, tu comblas la mesure!
Qui pourra, malheureuse, égalant tes forfaits,
Pourra te rendre, avec usure,

Tous les maux que tu nous a faits!

Que le même malheur retombe

Sur toi, sur Babylone, et que tous tes enfants
Brisés contre la pierre et privés d'une tombe,
Soient foulés sous les pieds des coursiers triomphants!

Hosannah,

PAR MADAME L.-M. GAGNEUR, DE BRÉRY.

I.

Coeli enarrant gloriam Dei.

Le jour s'éteint, la nuit tombe et répand ses voiles,
Au ciel monte la lune et brillent les étoiles.
Dans ce vallon désert, sur ces rocs nus, tout dort ;
Nul mouvement, uul souffle.... un silence de mort....
Mais recueillons nos sens, écoutous. O mystère!
Des profondeurs du sol j'entends un bruit sortir,
Bruit étrange, d'abord faible comme un soupir,
Un murmure de vague, un battement d'artère:
Puis il s'étend, grandit sans cesse, éclate enfiu
En lyriques accords, en large symphonie.
Ce sont les ferments de la vie

Que la terre élabore, organise en son scia;
C'est le souffle inconnu par lequel tout s'attire,
Se repousse, se meut, s'aime, vit et respire.
Vers Tatôme j'entends Fatôme graviter,
Le feu central, ce cœur du globe, palpiter;
J'entends le grain germer, l'œuf éclore, la source
Se former goutte à goutte, et la terre, en sa course
flaletante, chercher les baisers du soleil.
Ce bruit s'accroît encor, dans les plaines profondes
De l'éther il s'élance; et ces milliers de inondes
Composent un concert immense et sans pareil.
Quelle est cette musique incffable, infinie?
C'est le saint Hosannah qui s'élève en tout lieu;
C'est l'hymne universel chantant la loi de Dieu :
Amour, luxe, bonheur, essor libre, harmonie !

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Cet oiseau qui fend l'air et jette à l'horizon
D'un cri vif et joyeux les notes fugitives;

Ce ruisseau qui chuchotte en caressant ses rives;
Le grand ciel bleu, des fleurs le calice entr'ouvert;
Bruits, parfums et couleurs forment un doux concert.
Quelle est cette éloquente et fraîche symphonie ?
C'est le saint Hosannah qui s'élève en tout lieu,
C'est l'hymne universel chantant la loi de Dieu :
Amour, luxe, bonheur, essor libre, harmonie.
III.

Une épaisse atmosphère écrase la poitrine,
S'appesantit sur l'âme à travers un brouillard
De miasmes, de gaz, un soleil gris, blafard,
Laisse à peine entrevoir sa figure chagrine;
Entre de sombres murs à peine un coin du ciel
S'offre aux regards de l'homme; un luxe artificiel,
Un luxe effréné heurte une horrible misère :
C'est une ville.... houle humaine, fourmilière
Entassée et confuse.... Ecoutons! quels sanglots,
Quels blasphemes, quels cris de haine et de démence!
Une joie insultante y mêle ses grelots.

C'est un bruit infernal, une mêlée immense.

En vain je cherche un homme en ce ramas hunain,
L'homme, type achevé de beauté, d'harmonie.
- Pourquoi ce désaccord dans le concert divin?
O douleur de l'Eden l'humanité bannic

Gémit, victime encor du mal originel.

Cueillons, cueillons les fruits de l'arbre de science:
Cherchons la loi de Dieu, le royaume du ciel!
Le péché, le serpent, le mal, c'est l'ignorance.

IV.

O merveilles des cieux, soleils, vastes flambeaux,
Foyers de vie et de lumière :

Brise, fleur parfumée, oiseaux des bois, ruisseaux,
Admirable nature, ô splendeurs de la terre,
Célébrez l'Hosannah à toute heure, en tout lieu,

Pour que l'humanité, sauvée et rajeunie,

Apprenne et réalise enfin la loi de Dieu :
Amour, luxe, bonheur, essor libre, harmonic.

ARCHÉOLOGIE.

Les Clès du Jura,

PAR M. GINDRE, de molAIN, MEMBRE FONDATEUR.

On trouve, sur le premier plateau du Jura, des réservoirs d'eau appelés, suivant les localités diverses, clès ou abreuvoirs. Ces clès ne se rencontrent guère que dans les lieux privés de cours d'eau, de lacs ou de fontaines en nombre suffisant pour tous les besoins domestiques; ainsi, il en existe à Lamare, aux Faisses, à Champvaux, à Chamole, à

Besain, à Molain, à Montrond, à Chilly, à Ivory, etc. Tout autorise à attribuer à la main de l'homme la création de ces abreuvoirs : dans certains endroits, par exemple, le sol des clès étant d'une nature très-perméable, on a dù prendre de l'argile sur d'autres points pour les rendre capables de retenir les caux; ailleurs, comme à Ivory, on en cite dont le fond est pavé. En général, ces clès, de forme circulaire ou elliptique, sans issue d'écoulement comme sans source pour les alimenter, sont placées à proximité des villages ou dans leur intérieur, et de manière à recevoir les eaux des chemins au moment des pluies. Le diamètre moyen de ces lacs en miniature n'est guère inférieur à douze ou quinze mètres, et la profondeur, au point médian, en dépasse rarement deux. Que les peuples qui les ont établis aient profité d'une dépression de terrain, d'un bétoire, ou qu'ils les aient creusés, en ayant soin de conduire plus loin les matériaux du déblai, toujours est-il qu'on ne voit pas de lévée ou bourrelet sur leur périmètre, et que l'abord en est facile pour les animaux. Il semble que le nombre des abreuvoirs, sur notre plateau, a été autrefois plus considérable qu'il ne l'est actuellement; on en aurait une semi-preuve dans ces climats du nom de Clésiaux, qu'on remarque quelquefois à plusieurs centaines de mètres des clès. Naturellement, le nombre des citernes ou des puits ayant décuplé dans nos localités rurales depuis 50 à 60 ans, la quantité des abreuvoirs a dù subir une diminution notable, et la culture s'est vraisemblablement emparée de la place de plusieurs de ces clès devenues enfin inutiles.

La destination de ces clès ne me parait pas un instant douteuse. Je les considère comme des citernes à l'état rudimentaire, où les pasteurs de la Séquanie trouvaient de l'eau pour eux et leurs troupeaux. Je sais que dans la Haute-Marne, où existent des réservoirs semblables aux nôtres, on les nomme Camp-de-César, Camp-des-Romains, etc., et qu'un savant, M. de Saint-Ferjeux, en attribue l'établissement à quelques-unes des nations du Nord qui prirent part à la grande invasion des barbares et qui, dans les contrées d'où elles étaient parties, avaient l'habitude de creuser la terre pour y placer leurs habitations; mais il me semble que, pour ceux du Jura, cette opinion est insoutenable en présence de certains faits. Ne serait-il pas, en effet, souverainement ridicule de supposer que ces barbares soient allés chercher de la terre glaise à des distances plus ou moins grandes pour rendre imperméable le sol de leurs demeures, sol disposé, du reste, en pente convergeant vers un point central, et qu'ils aient enlevé les matériaux de creusage, plutôt que de les laisser autour de la cavité pour augmenter la hauteur de l'abri qu'il cherchaient à se procurer? Dans l'absence à peu près complète de traditions à cet égard, je tiens à constater que sur le premier gradin des monts Jura, on n'a jamais nommé ces réservoirs autrement que clès ou abreuvoirs. Il n'est pas inutile non plus de faire remarquer un rapport de quasi identité entre le mot clès et le terme cales, que mon honorable collègue, M. Vionnet, de Grozon, n'a pas hésité à traduire, comme moi, par habitations ou demeures (1); le premier désignerait un accessoire indispensable des cales ou mapatia celtiques.

Ces clés du Jura doivent dater de très-loin. En attribuer l'entier éta

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blissement aux Romains serait en quelque sorte dire qu'avant l'arrivée des conquérants de la Gaule, le plateau en question n'était pas habitė, car, sans eau, point d'habitants possibles, et, à défaut de sources, point d'eau sans réservoirs pour recueillir celle qui tombe du ciel. Or, les dénominations éminemment druidiques qu'on rencontre sur ce plateau, les ex-voto, les tombelles antiques, et surtout un mylan ou médiolan, tout concourt à démontrer qu'il était peuplé bien avant d'être foulé par les soldats de Rome. Il est probable cependant que les Romains qui faisaient tant pour la commodité de leurs routes, qui les pavaient, qui y plaçaient des bornes milliaires, des mansions pour servir de gite et d'abri aux voyageurs, et des stations pour fournir des chevaux à ceux qui avaient à cet effet des lettres impériales; il est probable ou plutôt positif, dirai-je, que les Romains, dans le but de pourvoir à une des plus impérieuses nécessités de ceux qui voyagent, celle de se procurer de l'eau, ont construit, dans le voisinage des voies publiques, des abreuvoirs semblables à ceux qui existaient déjà; mais, je le répète, il me parait que l'on se tromperait fort en pensant qu'il n'y en avait pas avant eux. Il est vrai que, comme dans la Haute-Marne et les Vosges, on peut observer sur notre étage une certaine proximité entre les clès et les voies romaines, ce qui, au premier aperçu, tendrait à faire supposer qu'il y aurait tout au plus contemporanéité entre les réservoirs et ces dernières; mais M. Maud'heux, père, Président de la Société d'émulation des Vosges, dans une notice sur les mares ou réservoirs de son pays, notice aussi savante que bien écrite, et qui ouvre aux archéologues un nouvel et intéressant horizon, M. Maud'heux, dis-je, résout d'une manière simple et très-rationnelle ce problème du parallélisme des clès et des chemins romains (1). Partageant une opinion que j'ai émise dans un mémoire lu à la Société de Poligny, le 16 mai 1861, et intitulé : Dissertation sur le monosyllabe Ca, l'érudit président admet d'abord comme une hypothèse en faveur de laquelle militent les plus fortes présomptions, que les Gaulois fixaient leur séjour sur les points élevés, et conséquemment à l'écart des sources ou des cours d'eau, dans le but, en partie du moins, d'éviter les périls des surprises et des agressions. Les villes dont les commentaires de César racontent le siège, Bibracte, Gergovie, Alésia, Uxellodunum, étaient situées sur des hauteurs. Il fait ensuite cette remarque: que les voies romaines, qui remontent pour la plupart aux premiers siècles qui suivirent la conquête, laissent généralement de côté les vallées pour gravir sur les sommets « Elles furent dirigées, dit-il, par les hauteurs, parce que les populations gauloises occupaient ces hauteurs; elles passèrent à proximité des mares, parce « que les mares étaient contigues aux agglomérations gauloises. »

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Sous le rapport archéologique, pour l'étude de la carte gauloise, on ne saurait nier que les réservoirs ou clès aient une notable importance, et il serait à désirer qu'il fut fait une étude générale de ceux qui existent en France. S'il était en effet prouvé que les clès remontent pour la plupart aux temps celtiques, on aurait, par leur moyen, un critérium sur pour retrouver l'emplacement des centres ruraux chez nos aïeux. Il est un fait qu'il serait également utile d'élucider comme sur le premier

(1) Annales de la Société d'émulation des Vosges, année 1860.

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