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mentent les nombreuses salines de l'Est et la magnifique fabrique de produits chimiques de Gouhenans (Haute-Saône).

D'un autre côté, la plupart des couches marneuses de cet étage, renfermant souvent du gypse en quantité considérable, peuvent devenir une source de richesse pour notre agriculture.

Mais si le terrain des marnes irisées a son utilité, il présente aussi de graves inconvénients. La plupart des sources qui sortent de ce terrain sont chargées de sulfate de chaux et de sels de magnésie qui les rendent à peu près impotables.- La cuisson des légumes y devient souvent impossible, et souvent elles sont impropres au savonnage du linge. D'un autre côté, elles semblent exercer sur la santé une triste influence : la plupart des habitants des contrées keupériennes sont atteints de goitres souvent monstrueux, et cela quelles que soient les autres conditions d'hygiène dans lesquelles se trouvent placées les localités qu'ils habitent. Les villes de Salins, Arbois, Poligny, le village de Grozon surtout, fournissent des exemples trop nombreux du fait que nous venons de signaler.

Le terrain des marnes irisées occupe dans le Jura deux positions distinctes.

Dans les chaines à ploiement, on le voit quelquefois former des dépressions qui entourent les voûtes centrales formées par le muschelcalk; d'autres fois, lorsque celui-ci n'affleure pas, les marnes irisées occupent habituellement l'axe des grandes vallées liaso-keupériennes qui forme le fond des cirques jurassiques.

Dans les chaînes à plateau, on le voit dessiner au pied des talus liassiques des terrasses qui se reconnaissent de loin à leurs vives couleurs, et dont le pied du Jura, dans les arrondissements de Poligny et de Lonsle-Saunier, fournit de nombreux exemples. (A suivre).

ÉCONOMIE INDUSTRIELLE.

La Probité commerciale,

PAR M. BENOIT,

Vérificateur des poids et mesures à Saint-Claude, membre correspondant.

(Suite).
III.

On dit proverbialement que les petites mesures ne reviennent pas aux grandes. On veut exprimer par là que les vendeurs perdent sur le détail des marchandises qu'ils ont achetées en gros, attendu

que, faisant

ordinairement le trait ou ce qu'on nomme la bonne mesure, ils se trouvent avoir vendu moins de marchandise qu'il ne leur en a été livré réellement.

Ce proverbe n'est pas absolu. Il faut bien se garder surtout de le supposer applicable dans la pratique des mesures de capacité. En effet : Près des parois des vascs, les graines prennent un certain arrangement, d'après lequel il résulte une perte de place parfaitement appréciable. Ainsi, deux demi-litres de graine, mesurés à l'aide du demi-litre, font un volume un peu moindre qu'un litre de cette graine mesurée d'un seul coup dans le litre. La raison en est que la paroi du litre occasionne moins de vides que celle de deux demi-litres, la surface intérieure du litre étant moins grande que les surfaces réunies de deux demi-litres. On trouve ainsi, par expérience, que sur 10 litres de millet mesurés dans le litre, on a 5 décilitres de moins que si on les mesurait en une seule fois dans le décalitre.

La perte dont il s'agit est d'autant plus grande que la graine est plus grosse. L'expérience prouve effectivement qu'en mesurant des pois, les parois produisent une perte de 75 centilitres en prenant 10 fois le litre au lieu d'une fois le décalitre.

Remarquons encore que les résultats diffèrent d'autant plus sensiblement que la dissemblance entre la capacité des deux mesures sur lesquelles on expérimente est plus grande. C'est ainsi, par exemple, qu'après avoir mesuré un hectolitre de millet en une seule opération avec l'hectolitre, si l'on vient à le mesurer par détail au moyen du décalitre, on trouvera, en apparence, 2 litres 50 centilitres de trop; mais si l'on mesure à l'aide du litre, on trouvera 5 litres. En expérimentant avec des pois, la première erreur serait de 3 litres 75 centilitres; la seconde serait de 7 litres 50 centilitres.

De là il résulte qu'un marchand qui vend au litre de la graine qu'il a achetée au décalitre, gagne même en la vendant au même prix; s'il achète à l'hectolitre et qu'il vende au litre, son gain sera encore augmenté.

En ce qui touche les liquides, l'espace inoccupé près des parois est non-seulement, comme pour les matières sèches, proportionnel à la paroi totale, y compris le fond et l'ouverture du vase, mais il peut encore, comme l'expérience le démontre, être augmenté par des bulles d'air adhérentes à la surface intérieure de la mesure ou logées dans le corps même du liquide, si celui-ci n'a pas été versé lentement dans la mesure pour permettre à l'air qu'elle renferme de s'en échapper entiè

rement.

Les intérêts des commerçants sont donc loin d'être compromis de ce côté, puisque, d'ailleurs, ils vendent généralement par petites fractions la marchandise qui leur a été livrée et mesurée par unités plus grandes. Toutefois, la maxime énoncée plus haut pourrait bien être quelque peu vraie en ce qui concerne les mesures de pesanteur, lors même que le marchand ne ferait pas le trait, et qu'il disposerait d'une balance douée d'une très-grande sensibilité. Voici ce qui l'établirait :

On sait que, pratiquement, il n'est guère possible de donner aux poids ainsi qu'aux mesures de commerce une valeur rigoureusement exacte. Aussi la loi a-t-elle dù tolérer, pour chacun des instruments de

pesage et de mesurage, une certaine erreur, qui est toujours en plus et toujours en raison inverse de la grandeur de l'appareil. Ce qui fait que le total des tolérances, sur plusieurs poids, est plus élevé que la tolérance sur le poids qui, à lui seul, aurait même pesanteur. C'est ainsi que, la tolérance en plus sur 4 kilog. étant de 1 gramme, et la tolérance en plus sur un poids de 10 kilog. étant de 6 grammes, dix poids de 1 kilog. peuvent peser ensemble jusqu'à 10 kilog. 10 grammes, tandis que dans aucun cas, le poids de 10 kilog. ne peut valoir plus de 10 kilog. 6 grammes. De sorte qu'un marchand qui a acheté 10 kilog. de sucre, par exemple, peut perdre 4 grammes en les revendant par fractions de 1 kilog. Son déficit pourrait être de 14 grammes s'il détaillait le sucre en livrant 1 hectog. à la fois seulement, l'excès tolérable sur ce dernier poids étant de 2 décigrammes.

Il n'en est pas tout-à-fait de même des mesures de capacité, parce que l'erreur dont il est question est à peu près insignifiante par rapport à celle qui résulte, en sens inverse, de l'influence des parois dans l'usage de ces mesures. Du reste, ce n'est pas, pour les poids non plus, celte légère défiance qui pourrait conduire le spéculateur à des mécomptes sérieux. Il aurait plus de raison, selon nous, de s'alarmer de la perte résultant du trait quand la balance n'a pas une mobilité suffisante à sa suspension. Ainsi, s'il possède une balance seulement sensible à 17200 du poids d'une portée, en la chargeant d'un poids de 50 kilog., par exemple, il se verra obligé, pour donner le trait, d'ajouter à 50 kilog. de marchandise, un complément qui sera, dans le cas particulier, de 50/200 ou de 250 grammes. Ce sera donc autant de marchandise non comptée que le vendeur livrera sans en recevoir le prix.

Quoi qu'il en soit, pourrait-on, pour amoindrir sinon annuler cette sorte de déficit, pour revenir à son compte, suivant l'expression usitée, et, en même temps, pour ne pas éloigner la clientèle en la mécontentant par des livraisons empreintes d'un certain air de mesquinerie, pourrait-on se croire autorisé à soustraire sur les ventes successives unc quantité quelconque de marchandise, soit en faussant clandestinement l'opération du pesage ou du mesurage, soit en augmentant frauduleusement, avant cette opération, le poids ou le volume de la marchandise au détriment de sa valeur ou de sa qualité et quelquefois de ses propriétés hygiéniques ou de sa salubrité. Il suffit de poser cette question pour faire voir dans quelle lourde méprise on tomberait en la résolvant affirmativement. Personne n'en doutera, la confirmation d'une pareille énonciation serait, à la fois, une fâcheuse injure au sens commun, à la raison humaine et aux droits généraux de la Société. Regrettable outrage à la probité commerciale, ce serait, en outre, le coup le plus fatal porté à l'une des trois bases principales et primitives de l'ordre social actuel la propriété. L'adoption pure et simple de cette doctrine enfin, ne serait ni plus ni moins que la consécration du vol le plus manifeste, élevé à la hauteur d'un droit au profit du trafic exclusivement.

Ici, négociants, c'est encore l'honneur et la conscience, appuyés sur l'expérience et la perspicacité, qui vous aideront à vous maintenir fermement dans les limites assignées par la justice et par l'équité. Votre véritable intérêt pourra aussi exercer une influence salutaire sur votre conduite dans la circonstance. D'abord, tout marchand expérimenté doit

pouvoir, à l'occasion, déterminer avec autant de dextérité que de précision ce qu'il y a de perte ou de déchet sur le poids ou sur le volume de telle ou de telle denrée, puis savoir tenir compte de ce déchet quand il a à établir son prix de vente pour réaliser un certain bénéfice. Ensuite, pesant et mesurant sans parcimonie comme sans profusion, il lui incombe d'observer rigoureusement dans les comptes qui découlent naturellement de cette action, les précieux enseignements de la plus stricte probité commerciale, sans négliger, comme corollaire, d'apporter, dans toutes ses relations avec les acheteurs, des procédés marqués au coin de la plus exquise urbanité.

Honnêtes commerçants! vous faites bonne mesure et bon poids, mais vos prix étant fixés en conséquence, dans une juste proportion, les intérêts de chacun sont sauvegardés, l'honneur est intact, la conscience sans reproche, et, si la convenance de votre accueil correspond à la franchise de vos allures, vous avez indubitablement droit à la confiance publique, par suite à un résultat largement rémunérateur. Au reste, pénétrez-vous-en bien l'esprit, agir autrement, ce serait plus qu'un délit, ee serait une énorme faute, comme disait Talleyrand, car, en définitive, vous livrer à la fraude ce serait vous confier aux chances périlleuses d'une effroyable loterie défiant toutes les combinaisons. Les manipulations dont vous vous permettriez une habitude aussi douce et aussi productive qu'illicite, ne pourraient-elles pas très-bien, en effet, se découvrir un jour ou l'autre, puis vous attirer des tracas, des poursuites; amener l'abandon, soulever des répugnances à votre endroit; vous occasionner des pertes et vous entrainer finalement, vous et votre famille, dans un irrémédiable naufrage? Laissant de côté les petits moyens, c'est donc à l'économie, à l'ordre et au travail seulement que vous devez demander le secret de diriger votre négoce avec succès. Les fortunes durables sont l'ouvrage du commerce loyal. Ici, le gain, lent parfois, est assuré, permanent, au jour la journée; les chutes violentes et sans remède sont rares pour ne pas dire impossibles; les pertes sont toujours médiocres, faciles à prévenir et à éviter : tout dépend du calcul, de l'intelligence et de la circonspection.

IV.

Les établissements de pesage et de mesurage publics sont des bureaux où, sous l'approbation et la surveillance de l'autorité, les citoyens sont libres de faire peser et mesurer les marchandises et les denrées, moyennant une rétribution juste et modérée, payable par moitié entre l'acheteur et le vendeur.

Avant 1789, le droit de peser et de mesurer était presque partout un attribut exclusif de la puissance publique. Ce droit appartenait aux seigneurs ou au domaine de l'Etat. Alors personne ne pouvait avoir chez soi des poids au-delà d'une certaine pesanteur, des instruments de mesurage au-dessus d'une certaine contenance. De telle sorte que les marchandises excédant un poids ou un volume déterminé, devaient être pesées ou mesurées par les employés des bureanx spéciaux de pesage et de mesurage.

L'article 17 du décret du 45-28 mars 1790 abolit cet état de choses. Depuis cette époque, les citoyens ont pu peser et mesurer dans les mai

sons particulières les denrées et les marchandises, à la charge de se servir de mesures et de poids étalonnés et légaux. Le droit de peser et de mesurer fut également accordé aux commerçants vendant dans leurs magasins, leurs boutiques ou leurs maisons de commerce, comme dans les foires, les halles et les marchés, mais aussi sous la réserve de n'employer que des instruments de pesage et de mesurage conformes aux prescriptions de la loi.

Le décret prémentionné prescrivait, en outre, que, dans les marchés, il y eût un bureau des poids publics; puis, le 27 brumaire an VII et le 7 brumaire an IX, le Gouvernement posait les premières règles concernant l'organisation de ces établissements; toutefois, il n'en exigeait la création dans les marchés qu'autant que les autorités locales lui en faisaient elles-mêmes la demande. Mais la loi du 29 floréal an X, introduisant un nouvel ordre de choses, investit l'administration supérieure de la faculté de désigner elle-même les communes où l'ouverture des bureaux de pesage et de mesurage publics était nécessaire et obligatoire.

Suivant le législateur, cette institution devait accélérer l'usage des nouveaux poids et mesures, concourir à la propagation du système cimal, et faire renaître, dans les transactions, la confiance qui en est la base. Or, si ces espérances ne se sont point encore réalisées, n'est-il pas permis d'en induire que c'est parce que les bureaux de pesage et de mesurage publics sont encore très-peu nombreux aujourd'hui? Il convient donc ici d'en faire ressortir de nouveau l'utilité. Mais l'expérience ayant démontré que, de l'établissement d'un bureau de ce genre dans une commune, on est de plus en droit d'attendre, entr'autres avantages, des progrès notables dans l'économie agricole et un accroissement important dans les revenus communaux, nous serons heureux, dans cette étude sur la probité commerciale, d'avoir l'occasion de plaider, en même temps, la cause de l'agriculture, celle de l'augmentation des produits municipaux, ainsi que celle du développement de notre système légal des poids et mesures.

1° Propagation du système décimal. Les lois ont eu promptement raison de l'habitude et des erreurs populaires. Tous les anciens poids et mesures usuels ont totalement disparu du commerce pour faire place, à peu d'exception près, à des instruments de pesage et de mesurage établis en conformité des règlements nouveaux. Voilà où en est arrivée à présent la partie matérielle du système métrique. L'autorité administrative a le droit d'être fière de cette situation.

Ce que nous appellerons la partie morale de ce système a fait aussi quelques progrès, grâce à un certain enseignement qui en est donné, depuis 1840, dans les écoles publiques; mais il faut bien le reconnaitre, cet enseignement, à cause de son imperfection et de son insuffisance même, n'a pas, à ce point de vue, triomphé partout de l'ignorance, de la routine et des préjugés.

Si, dans les différents services administratifs, aux sièges des grandes compagnies industrielles et dans tout le haut commerce, le système décimal est franchement appliqué en toutes ses parties; si, dans la tenue des livres, dans l'expédition des factures, dans la rédaction des actes publics et privés, on voit, depuis quelque temps, figurer exclusivement

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