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les diverses conclusions de M. Sauze, et malgré la tendance de certains esprits à reconnaître dans ces conclusions une infirmation positive de ses idées, il établit, au contraire, que M. Sauze est souvent trop absolu dans sa manière de formuler sa pensée et qu'il ne prouve nullement que M. Piétra Santa soit dans l'erreur. Puis, suit une longue statistique établissant des cas d'aliénation mentale, presque tous fort curieux et tendant à prouver ceci :

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Qu'il faut, de toute nécessité, admettre une fréquence plus grande d'aliénations mentales dans les prisons soumises au régime cellulaire. » C'est ainsi du moins que conclut M. de Piétra Santa en se résumant.

Nous ne reviendrons pas sur le rapport lu à l'Académie de médecine, concernant les premières études du docteur Piétra Santa, et qui se trouve en appendice à la fin de sa brochure : nous nous tairons aussi sur les pages élogieuses de plusieurs journaux, encourageant ses premiers efforts. Nous l'avons dit et nous nous plaisons à le répéter: Le livre de M. Piétra Santa est à la fois l'œuvre d'un homme courageux et indépendant, d'un philosophe profond, d'un écrivain émérite. C'est un ouvrage digne de figurer à côté des meilleures publications contemporaines, et à ce titre, la Société de Poligny doit des remerciements à l'auteur de lui avoir fait hommage de cette œuvre, et des encouragements pour le mérite réel dont elle est empreinte.

Aujourd'hui que la question pénitentiaire est tranchée en faveur de l'emprisonnement par quartiers, nous devons reconnaitre, à l'honneur de M. de Piétra Santa, que nul n'a combattu le système cellulaire avec plus de persévérance, de conviction et de talent. Ses nobles efforts n'ont donc pas été infructueux: un plein succès a été la récompense de ses travaux. GUYÉTANT, capitaine au 82me.

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Dans le rapport fort remarquable qu'il adressait à l'Empereur au mois de juin de l'année dernière, dans l'éloquent discours qu'il prononçait, quelques semaines plus tard, à la distribution des prix du Concours général, et plus récemment encore dans l'allocution, empreinte d'une chaleureuse conviction, qu'il adressait, le 8 février dernier, aux élèves des Associations polytechnique et philotechnique de Paris, M. Rouland, alors Ministre de l'instruction publique, insistait vivement sur l'urgente nécessité d'établir en France l'enseignement professionnel, commercial et industriel, et de créer des établissements où les jeunes gens qui ne se destinent pas aux carrières libérales, pussent recevoir le genre d'instruction, essentiellement utilitaire et pratique, qui convient à leur ap

titude. On ne saurait nier que jusqu'à ce jour, sauf dans un petit nombre de villes industrielles qui avaient créé des établissements spéciaux et dans un but d'intérêt local, cet enseignement n'ait été trop laissé dans l'ombre ou dans l'oubli. Il y avait là une lacune à remplir. Il faut, à notre époque, sans négliger l'éducation morale et littéraire qui constitue, avant la fortune, la valeur réelle de l'homme dans la société, développer aussi le sens pratique et former des agronomes, des commerçants, des artistes et des industriels, comme dans l'enseignement secondaire on prépare, pour l'avenir, des candidats pour les professions libérales et pour les différentes administrations du Gouvernement.

Nous applaudissions alors à l'heureuse et féconde initiative de M. Rouland, et nous faisions des vœux pour voir introduire et se développer en France, à l'instar de la Suisse et de l'Allemagne, l'enseignement professionnel que nous appelons l'enseignement de l'avenir.

Assurément, nous rendons aux lettres grecques et latines, que nous avons enseignées pendant plus de dix ans, l'hommage senti qu'elles méritent. Nous reconnaissons l'heureuse et féconde influence de l'éducation littéraire sur le développement moral et intellectuel de l'enfant ; mais personne ne peut contester que, en matière d'instruction, dans l'intérêt de notre agriculture et de notre industrie nationale, il ne soit nécessaire de satisfaire à des besoins nouveaux, à des exigences nouvelles. Donc, sans négliger l'éducation morale et religieuse, non plus que les études grammaticales, philologiques, littéraires et historiques, il faut faire une large part :

A l'agriculture, par un enseignement élémentaire et théorique, qui donne des notions variées et suffisantes, et soit une espèce d'initiation à l'observation des phénomènes agricoles et à la culture pratique de la vie des champs;

Aux professions commerciales, par l'étude de la correspondance et de. la rédaction usuelle, de la comptabilité, de notions de droit commercial, de la géographie moderne et des langues vivantes;

A l'industrie, par l'étude des sciences mathématiques appliquées, de la mécanique, de la chimie, de certaines branches de l'histoire naturelle et du dessin industriel, non-sculement pour la reproduction des machines, mais encore pour tout ce qui a rapport aux impressions sur étoffes.

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Il va sans dire qu'on devra se livrer de la manière la plus suivie et la plus approfondie à l'étude de notre belle langue française que, suivant la noble expression de Charles-Quint aux Etats de Bruxelles, on doit plus que jamais, de nos jours, appeler la langue d'Etat, et qui sera la langue cosmopolite de l'avenir et l'instrument des relations internationales entre tous les peuples du monde civilisé.

Avant de clore ces lignes, rendons un juste hommage à l'habile et éloquent homme d'Etat qui, le premier, a officiellement reconnu et constaté la nécessité d'établir en France l'enseignement professionnel, à Son Exc. M. Rouher qui vient, lui aussi, de donner une nouvelle consécration à cet utile projet, en adressant un rapport à l'Empereur et en nommant une Commission pour étudier les questions qui s'y rattachent, surtout à ces hommes dévoués et laborieux,- que nous regrettons de ne pouvoir nommer, par crainte de porter ombrage à leur modestic,

- à ces pionniers de l'enseignement, qui ont lutté si longtemps et si vaillamment, pour faire triompher une institution, dont personne aujourd'hui n'ose contester l'utilité et l'importance.

INDUSTRIE.

Statistique des Fromageries franc-comtoises.

(Extrait du Bulletin de la Société d'agriculture du Doubs).

L'Annuaire du Doubs pour 1859 renferme une statistique complète de la production dont il s'agit, dans les départements du Doubs, du Jura et de l'Ain.

En l'an xi, la fabrication des fromages produisait déjà dans nos communes une valeur de près de 1,600,000 fr.

L'extension des prairies et des cultures fourragères, en favorisant l'accroissement du bétail, a permis de développer cette fabrication; tandis qu'elle était autrefois le privilège exclusif des cantons montagneux, elle se trouve aujourd'hui répandue dans nos diverses régions culturales, et elle est partout une source d'aisance et de bien-être.

De 1846 à 1850, le chiffre de la fabrication s'est élevé de 3,600,000 kilogr. à 4,470,000.

La dernière statistique a fait ressortir un total de 4,800,000 kilogr.; mais les prix étaient singulièrement en hausse, et sur beaucoup de points la moyenne de 70 fr. les 50 kilog. a été facilement admise.

C'est en définitive une valeur de 5,700,000 fr. qui a été créée au bénéfice de nos campagnes.

Les quatre arrondissements ont participé inégalement à cette fabrication; voici les chiffres de la statistique :

Arrondissement de Besançon,

de Baume,

de Montbéliard,
de Pontarlier,

1,157,745 kilog.

605,474

544,324

2,503,395

On remarque de suite que l'arrondissement de Baume s'est laissé distancer dans la voie du progrès. Le chiffre de 605,000 kilog. est tout-àfait insuffisant par rapport à ses étendues de prairies, à son climat et à son effectif en bestiaux. Il y a eu, sous l'influence de diverses causes, une certaine hésitation, un certain découragement dont les cultivateurs se relèvent actuellement, et il est permis d'espérer pour l'avenir de meilleurs résultats.

Le département du Jura a fabriqué, également en fromages de Gruyère, 4,587,000 kilog., savoir :

Arrondissement de Lons-le-Saunier,

de Dole,

de Saint-Claude,

de Poligny,

1,139,267 kilog. 130,427 1,007,234

2,310,724

Le Jura fait un genre de fromage désigné sous le nom de Septmoncel ou persille.

C'est dans l'arrondissement de Saint-Claude que se façonnent princi

palement ces espèces de fromages. La dernière statistique porte la fabrication de cet arrondissement à 205,000 kilog.

L'Ain a fourni 885,000 kilog. de Gruyère et 507,000 de persillé.

POÉSIE.

Aux Sœurs de Charité,

PAR MADAME GENEVIÈVE BOURGEOIS, MEMBRE CORRESPONDANT.

Cueillez, cueillez des fleurs, heureuses jeunes filles,
Composez des bouquets de rose, de lilas,
Mêlez-y le parfum des superbes jonquilles;
Hâtez-vous, leur fraîcheur, hélas! ne dure pas!
Au souffle du zéphir vous les voyez éclore,
Briller quelques instants, se faner et mourir :
Ainsi de la beauté la fleur se décolore,
Sans laisser ici-bas le moindre souvenir.
Enfants, laissez germer dans vos âmes candides,
Ces vertus qui seront une égide à vos maux.

Le monde est plein d'écueils; ses sentiers sont rapides,
Ne venant aboutir qu'au marbre des tombeaux.
L'ange qui vous conduit sur la pente glissante,
Aplanit sous vos pas les cailloux du chemin;
Vous tend, si vous souffrez, une main bienfaisante,
Relève votre front flétri par le chagrin.

Il vous montre le ciel, et le mot sacrifice
S'échappe de sa bouche! Ah! sans vous étonner,
Croyez à la bonté d'un Dieu, roi de justice,
Qui ne saura jamais qu'aimer et pardonner.
Pauvres femmes, il faut vous armer de courage :
Votre devise, à vous, est abnégation!
Les soupirs et les pleurs, voilà votre apanage;
Mais Dieu mit dans vos cœurs la résignation.
Le pauvre en vous voyant se rattache à la vie;
L'espoir revient soudain au captif exilé;
I rêve à son pays, à sa mère chérie,
Et c'est vous, chastes sœurs, qui l'avez consolé.
Oh! poursuivez toujours une tâche si belle;
La gloire vous attend, aimez, aimez encor!

Aux cieux vous recevrez la couronne immortelle,
Quand votre âme vers Dieu prendra son noble essor.

ÉCONOMIE INDUSTRIELLE.

La Probité commerciale,

PAR M. BENOIT,

Vérificateur des poids et mesures à Saint-Claude, membre correspondant.

I.

Le commerce est la transmission, sous certaines conditions, du producteur au négociant et de celui-ci au consommateur, des produits de

l'agriculture, des arts et de l'industrie. Il est né de la nécessité. L'inégalité avec laquelle les dons de la nature sont distribués sur la terre, a occasionné le premier trafic entre les hommes. Le désir de se procurer les commodités dont on manquait lui a fait prendre des forces et de l'accroissement. La cupidité, le luxe et surtout le goût l'ont porté au plus haut point de perfection.

L'ordre et la stabilité sont les principaux besoins qu'éprouve le commerce et les plus grands biens que lui procure l'administration. Dans un Etat civilisé, il importe qu'une police vigilante, personnifiant la loi, garantisse la sûreté des personnes et des choses, que la marchandise circule en paix, que la répression des infractions, qui affectent les relations commerciales, entretienne la confiance publique. Dès lors, l'exactitude des poids et mesures est la première garantie que le Gouvernement doit au commerce. Celle qui vient ensuite, c'est la fidélité dans les ventes sous le rapport de la salubrité, de la qualité ou de la nature de la chose vendue.

En France, l'autorité n'a jamais décliné cette tâche honorable. Depuis quelques années surtout, de sérieuses et importantes mesures ont été adoptées pour assurer à tout acheteur la quantité réelle de marchandise qu'il demande et qu'il paie, pour prévenir la falsification des instruments de pesage et de mesurage, et pour empêcher qu'aucune vente à faux poids ou à fausses mesures n'échappe à la connaissance des tribunaux correctionnels. L'interdiction de vendre des substances alimentaires altérées, gâtées ou nuisibles a été tout récemment l'objet d'une loi spéciale que l'administration s'applique aussi à faire observer trèsstrictement.

Ce redoublement de surveillance n'a pas été prescrit sans motif. Depuis l'Empire, le commerce de la France a pris des développements incommensurables. Le pays a été sillonné de chemins de fer qui le mettent en rapide communication avec tous les points. L'application de la vapeur à l'industrie, en multipliant indéfiniment l'activité productive, a facilité admirablement l'essor des échanges. Les voyages, devenus plus faciles et plus fréquents, ont notablement augmenté la consommation, et les progrès de la civilisation ont fait surgir de nouveaux et innombrables besoins auxquels le négoce a dû pourvoir. En s'élargissant ainsi, le champ de la spéculation introduisait nécessairement dans les affaires une avidité plus intense et par conséquent plus suspecte. L'intérêt général de la société faisait donc un devoir au législateur de mettre la sécurité du trafic en rapport avec les exigences de cette situation née de la force des choses.

Cependant, nous pouvons le dire, en dépit de la menace d'une condamnation sévère et de tout un arsenal de prescriptions administratives, le règne de la probité commerciale éprouve quelques difficultés à se généraliser. Un fiévreux amour du lucre contribue à entrainer de nombreux négociants dans les sentiers fangeux de la spoliation, et, circonstance regrettable, les artificieuses pratiques que leur suggère la cupidité ne les mettent que trop souvent à l'abri de poursuites judiciaires, ou du moins, ne permettent pas toujours de découvrir et d'arrêter au début leurs lucratives mais bien coupables habitudes. Mais, par bonheur, les manœuvres sordides, quelle que soit l'adresse

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