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pierrement des routes.

Nous renvoyons ceux de nos lecteurs qui désireraient de plus amples détails sur les localités conchyliennes de la Haute-Saône, à la statistique géologique de ce département, que l'on doit à M. Thirria, un des pères de la géologie jurassique.

Dans le Jura oriental (cantons suisses de Soleure, d'Argovie, etc.), le terrain conchylien acquiert un grand développement, tout en conservant les caractères pétrographiques que nous avons indiqués pour celui de la Haute-Saône.

Après avoir formé les petits plateaux qui bordent la vallée du Rhin directement, en face de la Forêt-Noire, il s'enfonce sous les formations keupérienne et liassique du plateau oolithique qui s'étend au pied septentrionnal des chaînes du Jura et vient dans celles-ci donner d'importants affleurements. Là, souvent on voit ses couches contournées dessiner des voûtes gigantesques qui occupent l'axe des chaînes et qui en forment quelquefois les sommités les plus importantes. Les chaînes de Valdemburg, de la Geissfluh, du Farnerberg, du Lægerberg, etc., fournissent de beaux exemples de ce mode d'affleurement, qui a été étudié et décrit pour la première fois par le célèbre professeur Merian.

La faune de cette région semble beaucoup plus riche que celle du muschelcalk du Jura français; on trouvera dans les ouvrages de MM. Merian, Gressly, d'Orbigny, la nomenclature des espèces qui ont été observées dans ce terrain.

Le muschelcalk manque complètement dans les Jura bernois, neufchatelois, vaudois et dans le département de l'Ain, où ses affleurements sont masqués par les terrains plus récents.

Le terrain du muschelcalk passe d'une manière insensible aux marnes irisées qui le recouvrent; ce passage semble généralement s'effectuer par des alternances de minces couches de dolomie schistoïde avec des marnes plus ou moins schisteuses.

Ce terrain, qui acquiert son maximum de développement dans la Souabe, a encore une épaisseur très-considérable dans les chaînes du Jura oriental; sa puissance doit diminuer rapidement à mesure qu'on s'avance vers le Sud-Ouest; nous avons vu, en effet, qu'elle était déjà assez faible dans l'arrondissement de Dole. Cette diminution si rapide indique que ce terrain doit se trouver à l'état rudimentaire à une faible distance des environs de Dole. Son absence dans la Côte-d'Or (tunnel de Blaizy) semble justifier notre hypothèse.

(A suivre).

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Etudes sur l'Emprisonnement cellulaire

et la Folie pénitentiaire,

par le docteur de piétra santa,

Médecin P. Q. de S. M. l'Empereur, membre honoraire.

La question de la Réforme pénitentiaire n'est pas une question nouvelle; sans doute, ce thème si vaste, qui touche à la fois à l'hygiène, à la morale, à la législation, à la philosophie, a fourni bien souvent ample matière à des écrits et à des discussions aussi savantes que passionnées. Nos chambres parlementaires, sous le dernier règne, ont retenti de brillants débats, et quand la France adoptait le système pénitentiaire dit français, M. Duchatel, alors Ministre de l'Intérieur, se faisant l'organe du Gouvernement, laissait tomber du haut de la tribune cette magnifique déclaration de principes :

«Notre pensée n'est pas de soumettre les détenus à une séparation complète, à une solitude absolue; nous voulons séparer les condamnés de la société de leurs pareils, les tenir éloignés des mauvais exemples et des mauvaises relations; mais nous voulons en même temps multiplier autour d'eux des relations morales et honnêtes. »

C'était donc l'introduction en France du système cellulaire. L'idée nous était venue d'Amérique : elle eut vite des partisans, comme toutes les idées de novation; bien des hommes politiques, se couvrant du masque de la philantropie, y trouvèrent un marche-pied pour arriver au pouvoir et escalader les degrés qui mènent à la popularité. Puis de la théorie on arriva à la pratique des maisons cellulaires s'élevèrent, et bientôt, non loin de l'ancienne Bastille, on vit surgir Mazas.

L'emprisonnement cellulaire succédait donc à l'emprisonnement par quartiers c'est-à-dire, isolement absolu de jour et de nuit, travail, lecture, promenade, visite des employés de la maison.

En théorie, c'était superbe! Mais l'expérience vint peu-à-peu démontrer que dans la pratique le nouveau système ne répondait pas aux magnifiques espérances que l'on avait conçues. C'est du moins là ce qui résulte de plusieurs observations, aussi longues que prudentes et judicieuses, faites par des hommes spécialement attachés aux nouveaux établissements pénitentiaires.

Parmi ceux qui ont poussé le plus loin leurs investigations, qui ont expérimenté avec le plus de persévérance et qui ont suivi le plus assidûment les phases diverses auxquelles est presqu'invariablement soumise la vie du prisonnier en cellule, nous devons remarquer M. le docteur de Piétra Santa, médecin par quartiers de S. M. l'Empereur et médecin en chef des Madelonnettes.

Déjà, en 1853, M. le docteur de Piétra Santa avait livré à la publicité ses premières études sur le système pénitentiaire, et il était arrivé à

cette conclusion :

་་

«La première application du système cellulaire, faite en France, dans les conditions les plus favorables d'installation, d'organisation, de sarveillance administrative, a fourni des résultats déplorables au point de

vue du nombre des aliénations mentales, du nombre des suicides! »> La conclusion était terrible, et il y avait alors un certain courage à la formuler; car l'engouement qui avait accueilli le système américain n'était pas encore dissipé : de pareilles révélations pouvaient être dangereuses, et l'auteur de ces révélations pouvait redouter la désapprobation de personnes éminentes, bien connues par leur amour pour le système cellulaire. Mais encouragé par le patronage puissant du prince libéral et éclairé qui, dans sa haute bienveillance, a daigné accepter naguère celui de l'humble et naissante Société de Poligny, M. Piétra Santa poursuivit ses études et soumit leurs résultats à l'Académie de médecine. La Commission, chargée d'en faire l'examen, conclut en ces termes, par l'organe de M. le docteur Collineau :

« Votre Commission pense que l'emprisonnement cellulaire, dont la première idée n'est pas française, dont l'application généralisée n'est pas dans nos mœurs, disons plus, est antipathique à notre caractère national, est contraire chez nous aux principes de l'hygiène; — qu'en thèse générale, l'emprisonnement cellulaire de Mazas, ou de toute autre prison du même genre, exerce sur la santé des détenus une influence d'autant plus fâcheuse que la détention doit être plus prolongée, etc. »

C'était donc confirmer les déclarations du docteur de Piétra Santa : mais le docte aréopage, par excès de prudence, ne voulut point encore se prononcer sur une si grave question, et renvoya les travaux de M. de Piétra Santa à plus mûr examen.

C'est à ce moment qu'un des membres de cette Académie, M. Lélut, adressa ses propres travaux sur la matière à M. le secrétaire perpétuel. « M. Lélut était alors, dit le docteur Piétra Santa, la personnification éclatante des idées contraires aux nôtres, dès lors nous l'avons combattu avec des faits authentiques, des chiffres incontestables, évitant et les affirmations brusques et les épithètes hasardées. » Et en effet, les travaux de M. Lélut, le savant aliéniste, tendaient à des conclusions diamétralement opposées à celles de M. de Piétra Santa: moins de malades, moins de morts, moins d'aliénés, moins de suicidés dans les prisons cellulaires que dans les prisons en commun. En présence d'une infirmation aussi positive de ses idées, que devait faire M. le docteur des Madelonnettes? Entrer en lice de nouveau avec des chiffres et des faits incontestablement prouvés pour arguments. Aussi, concentrant ses observations sur une prison cellulaire type, Mazas, le voyons-nous, en 1858, publier sa fameuse brochure, dont un exemplaire a été adressé par ses soins à la bibliothèque de la Société de Poligny,

Cette brochure, intitulée Mazas, est à la fois l'œuvre d'un médecin, d'un philosophe et d'un écrivain distingué. Il est difficile d'apporter plus le dignité dans la discussion, plus de logique dans l'argumentation, plus le science et de profondeur dans les jugements exprimés, plus de pureté et de netteté dans le style. On reconnait là l'œuvre d'un homme consdiencieux et sincère dans ses convictions, qui vient courageusement et énergiquement plaider une question de haute philosophie sociale.

«La vie d'un homme, quel qu'il soit, dit-il dans son introduction, es chose sacrée, et lorsque nous nous trouverons en présence d'un systène qui conduit fatalement à la folie ou à la mort, nous nous croirons endroit de déclarer ce système mauvais et de réclamer son abandon ou

sa modification profonde. » C'est là son point de départ. Où va-t-il ensuite? Il esquisse à grands traits, dans le chapitre des considérations générales, l'historique du système d'emprisonnement cellulaire, établit les phases qu'il a subies, nous fait assister à son introduction en France, tout en expliquant avec un grand bonheur d'esprit et un tact infini l'incroyable engouement qui accueillit la réforme pénitentiaire, « sur laquelle tant d'hommes avaient fondé, dit-il, toute une réputation de philanthropie! » Maintenant suivons le à la prison Mazas. La description qu'il en fait est précise; rien n'est oublié; comme nous, il admire le génie de l'architecte qui se révèle à chaque pas par d'habiles et ingé. nieuses combinaisons. Mais une première difficulté apparaît: commest l'administration de la prison peut-elle diriger 4400 prisonniers réunis sur un seul point, soumis au même régime, marchant sous la mêne discipline? Et puis le système français est-il appliqué réellement? La lecture est une ressource pour un nombre bien limité de prisonniers: la promenade de trois quarts d'heure par jour est insuffisante au point de vue hygiénique. Le travail n'est pas général : 300 à peine sur 1100 ont de l'ouvrage. Et cependant le travail est le correctif obligé de ce mode de détention! les visites ont une efficacité minime: «l'effet moralisateur obtenu par les visites, dit l'auteur de la brochure, se traduit, dans les meilleures conditions, par la possibilité de converser pendant 47 minutes par mois avec chaque détenu! » Puis il ajoute : « L'exercice réel, véritable, sérieux, influent du culte, c'est-à-dire la religion agissant sur l'âme par l'intermédiaire des sens, est impossible à Mazas. » Enfin il reconnait que le système de ventilation et d'aération, si simple, si efficace en théorie, laisse beaucoup à désirer dans l'application.

Toutes ces propositions diverses sont établies d'une façon irréfutable : les preuves abondent; le raisonnement est plein de sens. Maintenant, laissons le docteur Piétra Santa établir son système comparatif entre les trois prisons la Force, Mazas, les Madelonnettes, pour ce qui regarde les maladies et la mortalité dans ces trois établissements pendant des périodes successives et arrivons au chapitre de la Folie.

Ici, l'auteur se trouve en pleine contradiction avec M. Lélut. Tous deux présentent des chiffres, des résultats numériques. Qui a raison? Qui a tort? Sans nous prononcer, et en cela nous ne faisons, nous qui ne sommes pas académicien, qu'imiter la prudente réserve de la prudente Académie de médecine, nous pouvons affirmer que les judicieuses observations qu'émet successivement M. de Piétra Santa sont autant d'arguments en sa faveur, qui méritent d'être pris en considération. Ce qu'il y a de certain, c'est que « le moment où le détenu voit se ferme sur lui la porte de la cellule, produit une impression profonde; cett solitude, l'aspect de ces murs, ce silence absolu l'effraient et le con fondent. >>

Mais voici le moment d'aborder « la question si délicate et si contrversée des suicides. » Ici encore il faut procéder avec des chiffres àla main: c'est ce que fait M. Piétra Santa, il combat encore les statistiques de M. Lélut par d'autres statistiques: ici il s'étend longuement et acc raison sur l'âge, la profession, la nature des préventions et des condannations, le degré d'instruction des suicidés, et il arrive à des résulats excessivement curieux et intéressants. Ce chapitre du suicide est rai

ment remarquable. L'auteur de la brochure termine en répondant aux objections qui ont été faites à ses conclusions. La principale est qu'il est indigne de jeter pêle-mêle, dans une même prison, des hommes simplement prévenus ou délinquants, au milieu de criminels pervers et mis au ban de la société, qui les repousse comme des monstres. Mais le fait existe-t-il réellement dans les prisons par quartiers? C'est là ce que nie énergiquement M. le docteur de Piétra Santa. Et à l'appui de de ses dénégations il cite l'exemple des Madelonnettes, où les prévenus, les condamnés et les politiques forment trois catégories distinctes et distinctement réparties dans l'établissement. Sans doute, puisque le législateur a admis la diversité dans la criminalité, il faut admettre la diversité dans la pénalité! Eh bien! le système cellulaire répond-il aux vues du législateur? Sauf la différence dans le temps de la détention, tous les détenus d'une prison cellulaire ne subissent-ils pas moralement la même peine? L'innocent comme le coupable, le prévenu comme le condamné, ne sont-ils pas astreints au même régime, aux mêmes règles, aux mêmes obligations? A ce point de vue, nous nous rangeons hardiment à l'avis du docteur Piétra Santa la législation est incomplète quant à ce qui a trait à la pénalité. Nous pourrions bien aussi, sans crainte de nous compromettre, penser comme M. de Piétra Santa sur la question des préventions. Est-ce d'une saine morale, oui ou non, de laisser gémir dans une prison, un temps toujours trop long, un malheureux que la justice bientôt rendra à la lumière, à la liberté, à sa famille, à la société, après l'avoir reconnu innocent?

Qu'il me soit permis, à cette occasion, de faire une courte digression. Après la paix de Villafranca, me trouvant à Milan avec mon régiment, je fus désigné d'office pour défendre quelques militaires prévenus devant le Conseil de guerre siégeant dans cette ville. L'un d'eux venait de faire trois mois de prison préventive. En cas de culpabilité, le maximum de la peine ne comportait pas, d'après le Code militaire, plus de trois mois d'emprisonnement: l'homme fut acquitté. Il fut reconnu innocent, et il avait passé trois mois en prison!

Nous voudrions, comme M. le docteur de Piétra Santa, voir ces abus disparaître. Nous voudrions aussi, comme lui, qu'une gradation plus complète des peines correspondit à la différente nature de délits et de crimes. La philosophie le réclame : - Il faudra donc, dit l'auteur de la brochure, établir des distinctions, non plus seulement selon la nature des délits, mais encore selon les aptitudes psychologiques. Et il ajoute, sous forme de conclusions, que l'on doit reconnaître comme vérités fondamentales:

1° Que la criminalité matérielle ne correspond pas toujours à la criminalité morale;

2o Que la diversité dans les peines est en harmonie avec l'esprit de la législation, le bon sens, la nature intime de l'homme;

3° Que l'espérance est l'élément moralisateur par excellence.

Profondes vérités, en effet! que l'on devrait inscrire sur le frontispice de toutes nos prisons.

Avant de terminer, nous dirons que le chapitre intitulé: de la Folie pénitentiaire, n'est autre chose qu'une réponse au mémoire de M. Sauze, médecin à Marseille, publié sur ce sujet. M. de Piétra Santa examine

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