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qu'il possédait dans la Haute-Bourgogne, et dont le plus riche et le plus considérable était celui de Poligny. Otton eut à souffrir les désastres d'une guerre que lui firent des prétendants à la succession du duc Henri, et surtout Robert, roi de France, neveu du duc défunt. Enfin, ses ennemis signèrent un traité par lequel ils cédaient à Otton le comté de Dijon pour en jouir pendant sa vie. Délivré de ces guerres, il s'empressa de rendre grâces à Dieu et des faveurs qu'il en avait reçues en Bourgogne et des périls auxquels il avait échappé en Italie. Dans cette vue, d'accord avec Rainaud Ier, l'ainé de ses fils, il s'adressa au célèbre Odilon, abbé de Cluny. Il lui fit agréer le projet de fonder une abbaye sous la protection de son château de Grimont, à la place qu'occupait la petite chapelle qu'il avait donnée à Warnier, dans le vallon de Vaux ou dans la vallée sous Poligny, comme on l'appelait alors que la ville était bâtie sur le rocher de Grimont et qu'elle dominait par conséquent Vaux et son monastère. Il y établit Warnier. Odilon, qui faisait alors rebâtir les cloîtres de Cluny avec une rare magnificence, ne négligea rien pour donner de la splendeur au monastère de Vaux.

Lorsque l'église fut terminée, Gaucher de Salins, archevêque de Besançon, parent d'Otton-Guillaume, vint en personne la consacrer; il la dédia à Dieu le Père et la mit sous la protection de la Sainte Vierge, des apôtres saint Pierre et saint Paul et de saint Nicolas, confesseur. Otton dota le monastère d'une partie de ses terres qui étaient considérables. Il mourut en 1026, et fut inhumé dans l'abbaye de Saint-Bénigne qu'il avait fondée à la même époque que le monastère de Vaux.

Rainaud Ier profita d'une visite que lui firent Rodolphe III, roi de Bourgogne, et Ermengarde, son épouse, pour obtenir d'eux que le monastère serait donné aux religieux de Cluny, qu'ils l'occuperaient, qu'ils auraient le droit de posséder les biens dont il avait été doté et ceux qui lui seraient donnés à l'avenir, soit par le comte Rainaud lui-même, soit par d'autres vassaux du royaume de Bourgogne, et qu'ils pourraient conserver ce qu'ils avaient déjà acquis à Salins et à Grozon (charte datée de la Loye, en 1029).

Rainaud Ier mourut le 3 septembre 1057.

Une autre charte du monastère de Vaux nous apprend qu'en 1031 il y eut une famine si grande en France, que beaucoup d'hommes furent réduits, pour calmer la faim qui dévorait leurs entrailles, à manger des racines et même de la terre. Le même acte rapporte encore qu'une famille de Poligny, Odon, Adeburge, sa femme, et Roger, leur fils, cédèrent aux religieux de Cluny, établis à Vaux, sous la direction du vieux moine Warnier, deux esclaves, la mère et la fille, des noms de Dimanche et Ermenburge, et le serf Ingelbald, moyennant un mauvais cheval et quelque chose de retour.

Dix ans environ après sa fondation, le monastère de Vaux possédait déjà, près d'Arbois, la terre de Glénon, appelée aujourd'hui Vauxi, et ses dépendances, qui comprenait une vigne en Corcelle ou Courcelles, donnée par Ermentrude, qui la tenait d'Alton-Diacre, ce que l'on voit par un acte de donation daté de 969; les villages de Molain et de Besain, le lieu de la Mathe, un domaine à Pupillin, la Pêcherie de Gevry, plusieurs quartiers de muire aux salines de Salins et de Grozon, des fonds et des fermes à Poligny et à Arbois, la terre de Miéry, excepté cepen

dant les terres de Gauthier et d'Amaury qui appartenaient au roi; la moitié du village de Plasne; des vignes à Salins, qui venaient de l'impératrice Béatrix, et l'usage dans la forêt de Moidon; la forêt dite Devens, sur le territoire de Poligny, et qui avait été convertie en vignoble d'une étendue de cinq cents arpents environ, et une autre forêt appelée Vaivre, qui comprenait les parties désignées sous les noms d'Outrebois, de Dan-Rainaud et de Champs-Rouges, qui étaient alors les seules plantées en vignes. Le prieuré de Vaux percevait encore, il y a cent ans environ, une dime au Champart.

L'archevêque Hugues Ier, de Salins, en accordant, à la prière de SaintOdilon, en 1033, à l'abbaye de Cluny, les droits de l'autel à Vaux, lui céda encore les églises de Molain et de Miéry avec les dimes et les oblations; enfin, il lui donna droit à ce qu'on appelait une berne ou chauderée de sel dans les salines de Grozon, à la charge d'un cens annuel d'un muid de sel envers ses successeurs. Odilon s'arrogea alors la suprématie sur le monastère de Vaux; par condescendance pour OltonGuillaume et son fils, il avait bien voulu laisser le moine Warnier à la tête de l'abbaye de Vaux avec le titre d'abbé, mais après la mort de ce moine, il ne lui donna point de successeur et conserva la direction immédiate du monastère.

Saint-Hugues, successeur d'Odilon, dont la pensée constante avait été de faire de Cluny un chef d'ordre, se garda bien de placer un abbé à Vaux, il en resta l'administrateur suprême, et c'est à ce titre qu'il fit confirmer, en 1069, par Guillaume Ier, tous les dons faits par Rainaud Ier, son père, et Otton-Guillaume, son aïeul; il obtint même de ce prince et de la comtesse Etiennette de Vienne, son épouse, le don d'un domaine considérable sur le territoire de Chaussenans, tant en nature de bois que sous le nom de Champ-Venier. L'autre partie de Chaussenans formait le canton et hameau de Champ-Reignard. Ce lieu, qui faisait partie de la paroisse de Vaux, possédait une chapelle dédiée à sainte Anne. Le prieur de Vaux, qui avait obtenu par concession la justice ordinaire du prévôt de Poligny, y faisait aussi administrer la haute justice. Les religieux avaient le droit de couper, dans les forêts situées sur la montagne, au-dessus de Poligny, et qui faisaient partie des biens communaux de la ville, tout le bois qui leur était nécessaire pour leur chauffage, la réparation de leurs cloîtres et de leur église et la construction de leurs maisons. Saint-Hugues eut même l'adresse de faire décider, par le comte Guillaume, que dans le cas où ses moines et leurs sujets se rendraient coupables de quelques délits, le prévôt de Poligny serait obligé de faire une concession amiable; que si cependant l'accord ne pouvait s'établir, le prince seul aurait le droit de juger en dernier ressort. Lorsqu'il en eut obtenu la confirmation, Saint-Hugues n'hésita pas à demander au pape Grégoire VII, qui y accéda vers l'année 1076, une bulle qui réduisait Vaux à l'état de simple prieuré dépendant de Cluny.

Etienne Ier, régent du comté de Bourgogne pendant la minorité de Guillaume-l'Allemand, son neveu, étant sur le point de partir pour Jérusalem (1100), dispensa les hommes du prieuré de toute chevauchée, de répondre au cor et au cri du châtelain de Poligny, et même de contribuer aux réparations du château de Grimont; il accorda en outre au prieur la justice sur les sujets de son priéuré..

Rainaud III confirma toutes ces libéralités et ajouta des domaines à Poligny et dans la contrée des Varasques, et l'exemption de la juridiction de son prévôt de cette ville, en 1145.

Guillaume Ier d'Arguel, archevêque de Besançon, n'avait pas de domaines à donner à Vaux, mais il avait des églises, et il s'en montra prodigue; il concéda vers l'année 1116, au prieur Narduin et à ses religieux, les églises de Frontenay, de Mantry, de Monay, la dime et de grands revenus dans ces pays, et des amendes de soixante sous et moins sur les hommes et les meix, en conformité des intentions d'Alton, donateur; les églises de Sens, de Saint-Bénigne, ou Saint-Barain, de Tourmont, la chapelle de Romans (lieu détruit depuis longtemps) et leurs dépendances.

Tous ces dons furent confirmés en 1120 par Guy de Bourgogne, élu pape en 1119 sous le nom de Calixte, cousin de Rainaud Jer et de Guillaume, archevêque de Vienne. Le prieur Narduin, infatigable dans son zèle, ne se contenta pas d'obtenir de ce pape cette confirmation, il se fit céder par Guillaume de Bourgogne, frère du comte Rainaud III et fils du comte Etienne, la terre de Seigny.

Seigny ou Seigney n'offre plus aujourd'hui que des ruines, près de la forêt de Poligny, entre les villages du Fied et du Puits-Carreau. Cette contrée fut détachée de la seigneurie de Mirebel pour en gratifier le monastère. Guillaume consentit à ce que l'on y édifiât une église, que le monastère en perçût les dîmes, le quart des redevances appelées les taches, et qu'il jouît pleinement de cette terre, excepté de ce qui pourrait être adjugé par sentence de l'officialité à l'abbaye de Château-Chalon. Le prieur Narduin fit ratifier cette donation en 1125, par l'archevêque Anseric, auquel il venait de prêter six marcs d'argent hypothéqués sur la terre de Blandans. Le prieur et les moines de Vaux donnèrent la terre de Seigny en fief à une famille noble de Poligny, qui en prit le nom en 1261. La dime que le monastère avait retenue a été abandonnée ensuite au curé du Fied.

Béatrix, fille de Rainaud III, épouse de l'Empereur d'Allemagne, Frédéric Barberousse, était trop pieuse pour ne pas protéger un établissement fondé par ses ancêtres. Dans un voyage qu'elle fit au comté de Bourgogne, en 1183, cette princesse étant à Quingey, reçut la visite du prieur Thiébaud. Sur l'invitation de ce religieux, non seulement elle confirma le monastère de Vaux dans la possession de tous ses biens, mais encore elle défendit à son prévôt de Poligny et à ses sergents de troubler les moines, leurs serviteurs et leurs grangers, et de les assigner devant eux, le prieur ayant seul le droit de les juger, et statua qu'à l'égard des autres sujets du pricuré, le prévôt de Poligny ne pourrait les appeler à son tribunal que sur la réquisition et en présence des plaignants.

Otton, fils de l'empereur Frédéric, écoutant de perfides conseillers, avait jugé à propos de s'emparer de la moitié de la forêt de Devens, qui faisait partie de la dotation primitive du pricuré, et de tolérer que les officiers et mème tous les soldats du château de Grimont y coupassent tout le bois qui leur était nécessaire. Quelques mois après la mort d'Otton, arrivée en 1202, le prieur Thiébaud II alla porter ses plaintes à la comtesse palatine, sa veuve, fille de Thiébaud, comte de Blois et

d'Alix de France, fille du roi Louis-le-Jeune, au moment où cette princesse se trouvait à Poligny, revenant de faire hommage du comté de Bourgogne, au nom de ses filles mineures, à l'empereur Philippe, son beau-frère. Thiébaud allégua que le produit de la forêt avait été employé non à l'usage du prince, mais à celui des officiers et de la garnison de Poligny. Accédant à sa demande, Marguerite le fit réintégrer dans la possession de la forêt usurpée et lui remit tous les droits qu'elle ou sa fille Béatrix pouvait y avoir. En témoignage de reconnaissance, les moines firent remise à la comtesse de mille sols estevenants qui leur avaient été légués par le comte Otton, et promirent de célébrer perpétuellement dans leur église l'anniversaire d'Otton et de sa veuve.

Vers l'année 1226, les princes de Chalon et de Vienne formèrent une coalition formidable contre Otton de Méranie; ce prince, pour leur résister avec quelque chance de succès, avait fait construire un château et un bourg sur le rocher de Montrond, sans trop se préoccuper des dommages qui pourraient en résulter pour les religieux de Vaux qui possédaient les églises et une partie des territoires de Besain et de Molain. Pour apaiser leurs réclamations incessantes, il leur donna d'abord l'église où chapelle qu'ils avaient fait édifier dans le château de Montrond, sur une colline au midi du village, des revenus qui y étaient attachés, de toutes les dîmes du bourg et du village situé au-dessous du château, une maison pour leur usage, une autre maison pour loger leur facteur, et la moitié de tous les profits de la justice et de l'éminage, ajoutant encore les meix et les fiefs dont ils avaient la propriété. Il n'excluait de leur donation que le four et le moulin dont il avait déjà disposé en faveur de Bouchey et de ses héritiers. Mais toutes ces concessions importantes n'avaient pu encore satisfaire les moines; pour ne plus entendre leurs plaintes, Otton et Béatrix, son épouse, se virent forcés de leur céder définitivement la jouissance de toute la contrée de Devens, plantée en vignes et en bois; auparavant ils n'avaient joui que du vignoble qui ne formait que la moitié à peu près de cette contrée.

La concession de Devens nous montre que ces princes n'avaient pas encore ratifié la remise qui en avait été faite auparavant au prieuré par Marguerite de Blois, au nom de Béatrix, sa fille. La donation de l'église de Montrond donna lieu à l'établissement d'un prieuré en cet endroit, dépendant de celui de Vaux, dont le titre a été consérvé longtemps. Pour tous ces dons, Otton et Béatrix chargèrent seulement les religieux de Vaux de célébrer à perpétuité, dans leur église, leurs anniversaires et l'office entier des morts pour le repos de leurs âmes.

Jean de Châlon, l'Antique, sire de Salins, donna au prieuré, en 1248, à titre d'aumône et à titre d'échange, sa terre ou domaine de Barretaine, avec ses dépendances, qu'il prit sous sa protection sans exiger d'indemnité; il n'en reçut que vingt-un journaux de terre au voisinage de Sellières, la remise d'un cens de cinq sols qu'il lui devait, quelques redevances sur le village du Petit-Champagny, et la promesse d'un anniversaire perpétuel. Il ne faut pas comprendre sous la dénomination de Barretaine le pays qui porte aujourd'hui ce nom, car le monastère de Vaux n'y a jamais rien possédé, excepté les dîmes accordées par MM. de Beaurepaire, de l'Aubespin et autres, dans l'avant-dernier siècle. Barretaine indique ici le lieu appelé le Recept.

En 1264, Gérard de Vorai, clerc, fit don de tous ses biens au prieuré. Le comte palatin Otton V, après avoir confirmé, au mois d'août 1280, tous les dons faits par ses prédécesseurs au prieuré, décida que dans le comté, son bailli présent et futur devait toujours jurer, avant de tenir ses secondes assises à Poligny, de respecter les privilèges de cette maison, et, par une seconde charte du mois d'avril 1293, il défendit à ses prévôts de Poligny et de Toulouse et à tous ses autres châtelains, maires ou sergents du comté, d'ajourner devant eux aucun des sujets du prituré, réservant ce droit seulement à son bailli de Bourgogne. Le prince accorda cette faveur pour le repos de son âme et de celles de ses prédécesseurs, et, « mesmement, dit-il, pour aucuns griefs que nous entendons avoir faits à la dite église de Vaux et pour plusieurs biens que nous avons reçus de la dite église et de ses hommes. >>

Philippe-le-Long et Jeanne, son épouse, par une charte signée à Gray, en mai 1315, ratifièrent purement et simplement les libéralités des comtes de Bourgogne envers le prieuré, sans en ajouter de nouvelles.

En 1330, Philippe-le-Long, en accordant sa fille aînée à Eudes, duc de Bourgogne, lui avait promis le comté de ce nom pour la dot de cette princesse. La reine, de son côté, avait fait un testament dans lequel elle avait institué la duchesse de Bourgogne son héritière universelle. Marguerite, mariée au comte Louis de Flandre, et Isabelle, épouse de Guy, dauphin du Viennois, sœurs de la duchesse, mécontentes de cette disposition, entrèrent aussitôt en guerre contre elle et le duc Eudes IV, son mari. Plusieurs des principaux pays se Jiguèrent en faveur de Marguerite et d'Isabelle et armèrent. La guerre fut terminée par la médiation du roi de France, Philippe VI, moyennant dix mille livres de rente qui furent accordées à chacune des sœurs de la duchesse, et assignées sur les salines de Salins et sur les terres dont plusieurs avaient été possédées par Hugues de Bourgogne, leur grand-oncle.

Sur la fin de l'année 1334, les troubles recommencèrent, soit que le duc de Bourgogne différât d'exécuter les traités, soit soit pour d'autres causes; ils continuèrent l'année suivante pour ne cesser qu'en 1336. Guy de Villafrancon, bailli d'Aval, chatelain de Poligny, s'était emparé du château de Montrond, au nom du duc, et y avait mis une garnison composée de gentilshommes et de bourgeois de cette ville; il traita les barons et les seigneurs avec hauteur, indisposa la noblesse et les gens d'église. Enfin, les vexations qu'il infligea aux nobles et à leurs sujets firent éclater leur mécontentement: une ligue se forma entre Jean de Chalon, baron d'Arlay, Henri, sire de Montfaucon, le marquis de Bade et le sire de Faucogney. Les confédérés déclarèrent la guerre au duc de Bourgogne, le 14 avril 1336, brûlèrent dès le lendemain la ville de Salins et celle de Pontarlier. Poligny fut mis en état de défense, mais les environs eurent à souffrir de grands désastres de cette guerre qu'on appelait la guerre de Châlon. Le prieuré de Vaux eut le sort de beaucoup de villages et d'abbayes, il fut mis en cendres par les soldats de Jean de Châlon et du sire de Montfaucon.

C'est sans doute pour réparer ce désastre que la comtesse Marguerite de Flandres, après avoir confirmé, en 1374, tous les dons faits au prieuré par ses prédécesseurs, concéda au prieur la justice haute, moyenne et basse sur tous les domaines et les sujets du prieuré, à Besain,

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