Page images
PDF
EPUB
[merged small][merged small][merged small][merged small][ocr errors]

L'instinct de conservation, le premier éveillé dans l'homme, lui marque suffisamment qu'il doit vouloir son propre bien. C'est là une de ces évidences qu'il serait oiseux de s'attacher à démontrer. Mais ce bien, quel est-il? Comment le définir? Dans la généralité de l'abstrac

tion, l'etre et le bien ne sont qu'un. Suivre la loi qui a présidé à sa formation, aller à sa fin (2), c'est la notion la plus étendue et la plus juste du bien. Applicable à tout, à l'espèce et à l'individu, c'est le seul bien que nous puissions concevoir pour le minéral, pour la plante, pour l'animal; c'est le bien commun à l'orbe lumineux qui parcourt l'espace, et à l'infusoire imperceptible qui naît et meurt dans une goutte d'eau. Mais nous avons vu qu'il est en outre un bien particulier à l'homme; car les êtres dénués de sensibilité, de volonté ou de liberté, fatalement poussés vers leur fin, selon le rigoureux enchaînement de l'ordre physique, ne connaissent pas le bien moral qui n'est autre chose que le devoir accompli, tandis que l'homme, au contraire, et l'homme seul sur le globe, se voit investi de la dangereuse prérogative et de l'insigne puissance d'entraver ou de seconder la nature, de transgresser ou de suivre ses lois; puissance d'où dérive pour lui le devoir, c'est-à-dire, selon qu'il l'observe ou le viole, le bien ou le mal moral.

Tout autre bien est indigne de lui; il s'égare

en le poursuivant, souffre et s'altère en croyant jouir; il déroge à la noblesse de sa race et se dégrade soit qu'il désire, soit qu'il regrette des joies inférieures. Ce lui serait un signe certain de déchéance si, par impossible, il trouvait la satisfaction dans la servitude et le bonheur dans un moindre être. Ne subissons pas une telle abjection. Sachons nous élever par la connaissance au-dessus de nos instincts; au-dessus de la région sensible, aveugle, fortuite des faits où tout se produit confusément, comme à notre insu et malgré nous, pour entrer dans la région intellectuelle, claire et permanente, où l'enchaînement des causes nous apparaît et où nous nous concevons nous-mêmes comme un agent libre apportant son concours volontaire aux plans providentiels.

On ne saurait trop le répéter, l'homme est de condition libre. La liberté est le principe et la fin de la vie qui lui est propre. Plus il est libre, plus il est homme. Se soustraire à toutes les forces tyranniques, matérielles ou spirituelles, préserver, maintenir, accroître en lui cette liberté par laquelle il cesse d'être chose

et devient personne, c'est conséquemment son premier devoir envers lui-même; ajoutons le seul, car, bien compris, il renferme en soi tous les autres.

CHAPITRE V.

DES ORGANES.

« Une chose propre à l'esprit est de ne pouvoir exercer ses facultés que par des organes sains. » SAINT GRÉGOIRE.

L'étude de soi a conduit un penseur spiritualiste jusqu'à l'excès à définir l'homme ainsi : une intelligence servie par des organes.

Prenons acte de cette concession. C'est par les organes en effet que l'homme entre en rapport avec le monde extérieur et avec lui-même. De leur flexibilité, de leur délicatesse, disons de leur liberté plus ou moins grande (22), dé

« PreviousContinue »