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puissance d'engendrer ne se borne pas non plus dans les femmes à la génération d'un seul enfant, il y en a beaucoup, qui en font jusqu'à plus d'une douzaine, et il y en a même eu plusieurs, et il y en a encore plusieurs, qui en font deux on trois d'une seule ventrée. Le Journal historique du Mois de Mai 1709 raporte que la femme d'un artisan de Londre mit au monde 3 garçons et 3 filles d'une même couche. On dit qu'une comtesse de Pologne, nommée Marguerite, enfanta d'une seule portée 56 enfans. Bien plus qu'une Comtesse de Hollande, nommée aussi Marguerite, s'étant moquée d'une pauvre femme, qui étoit fort chargée d'enfans, eut d'une seule ventrée autant d'enfans, qu'il y a de jours en l'an, savoir 565, qui furent tous mariés *.

Je ne parle pas de plusieurs espèces d'animaux, qui d'ordinaire font 10 ou 12 petits de leur espèce, d'une seule ventrée. Il paroit bien par tous ces exemples, et par l'expérience de ce que l'on voit tous les jours, que la puissance d'engendrer dans les hommes et dans les bêtes, ne se borne point à la génération d'un seul, mais qu'elle va beaucoup plus loin; pourquoi donc nos Christicoles veulent-ils borner si court, dans leur Dieu, une si douce, si charmante et si es-timable puissance que celle-là? Ils n'en sauroient donner aucune raison solide, et c'est en quoi aussi ils se rendent ridicules, et plus ridicules que n'étoient les païens, dans la croïance qu'ils avoient de la génération de leurs Dieux.

* Voïez sur cela les Annales de Hollande et de Pologne.

Mais pourquoi encore ne veulent-ils pas que la seconde, ni que la troisième personne de leur triple et unique Divinité aïent, comme la prémière, la puissance d'engendrer chacun un fils semblable à eux? Si cette puissance d'engendrer un fils est une perfection dans la prémière personne, c'est donc une perfection et une puissance, qui n'est point dans la seconde, ni dans la troisième personne, et ainsi ces deux personnes, manquant d'une perfection et d'une puissance, qui se trouvent dans la prémière, elles ne seront certainement pas égales entr'elles, comme nos Christicoles prétendent qu'elles le soient. Si, au contraire, ils disent que cette puissance d'engendrer un fils n'est pas une perfection, ils ne devroient donc pas l'attribuer à la prémière personne, non plus qu'aux deux autres, parce qu'il ne faut attribuer que des perfections à un Étre, qui seroit souverainement parfait. D'ailleurs ils n'oseroient dire, que la puissance d'engendrer une divine personne, ne soit pas une perfection. D'un autre côté, s'ils disent que cette prémière personne auroit bien pû engendrer plusieurs fils et plusieurs filles, mais qu'elle n'auroit voulu engendrer que ce seul fils, et que les deux autres personnes pareillement n'en auroient point voulu engendrer, ni produire d'autres, on pouroit prémièrement leur demander, d'où ils savent que cela soit ainsi car on ne voit point dans les prétendues Ecritures saintes, qu'aucune de ces prétendues divines. personnes se soient positivement déclarées la-dessus. Comment nos Christicoles peuvent-ils savoir ce qui en est? Ils n'en peuvent certainement rien savoir, et ils n'en parlent donc, que suivant leurs idées et leurs

imaginations et qui sont des imaginations creuses. C'est en quoi ils se rendent encore ridicules et téméraires; car c'est se rendre ridicule et téméraire, que de vouloir juger et parler si positivement des intentions et des volontés des Dieux, sans savoir ce qui en est. En second lieu, on pouroit dire, que si ces pretenduës et divines personnes avoient véritablement la puissance d'engendrer plusieurs fils et plusieurs filles, et qu'elles n'en voulussent cependant point engendrer, il s'en suivroit, que cette divine puissance demeureroit en elles sans effèt et comme inutile; elle seroit tout-à-fait sans effèt dans la troisième. personne, qui n'engendre et ne produit aucune personne, et elle seroit presque sans effèt dans les deux autres, puisqu'elles voudroient la borner à si peu d'effèts: et ainsi cette puissance qu'elles auroient, d'engendrer ou de produire quantité de fils et de filles, demeureroit en elles comme oisive et inutile, ce qui ne seroit nullement convenable à dire de divines

personnes. D'ailleurs on pouroit dire, que ce seroit dans la personne du Père une marque assez évidente, qu'elle n'auroit eu guères de plaisir et de contentement dans la génération de son fils, puisqu'il n'en auroit point voulu engendrer d'autres, et ce seroit dans les trois personnes une marque évidente, qu'elles n'auroient voulu guères de bien à tant d'autres divines personnes, qu'elles auroient pû engendrer, puisqu'elles n'auroient pas voulu leur donner l'être, qui leur auroit été si glorieux et si avantageux d'avoir. C'est certe bien dommage, que ces divines personnes aïent cu si peu d'inclination à l'amour de la génération, et qu'elles aïent

si

peu aimé la multiplication de leur espèce: car si elles l'eussent aimée, seulement autant que les hommes aiment la multiplication de la leur, et qu'elles eussent voulu multiplier leur divine race, seulement autant que celle de Jacob multiplioit en Egypte, et qu'elles eussent voulu donner des corps à tous leurs enfans, ou que tous ces divins enfans eussent bien voulu s'incarner dans des corps humains, comme a fait le prétendu fils unique de Dieu le Père, la terre et les cieux seroient maintenant tout peuplés de divins enfans et de divines personnes, qui vaudroient beaucoup mieux que toute cette multitude d'hommes vicieux et corrompus, qui remplissent la terre de crimes et de méchancetés, et ainsi, de quelque côté que nos Christicoles puissent rendre ce prémièr et capital point de leur doctrine, elle se trouve toujours manifestement fausse, ridicule, et absurde en ce point.

Nos Deichristicoles ou Christideicoles blâment et condamnent les païens, de ce qu'ils attribuoient la Divinité à des hommes mortels, comme aussi de ce qu'ils les adoroient comme des Dieux, après leur mort. Ils ont certainement raison de les blâmer et de les condamner en cela. Mais ces Païens-là ne faisoient en cela, que ce que font encore maintenant nos Christicoles eux-mêmes, qui attribuent la Divinité à leur Christ, qui n'étoit véritablement qu'un homme comme les autres; de sorte, que si nos Deichristicoles blâment et condamnent les païens, de ce qu'ils adoroient comme des Dieux des hommes mortels, ils devroient donc bien se condamner aussi eux-mêmes, puisqu'ils sont dans la même erreur, que ces Païens étoient, et qu'ils

adorent comme leur Dieu, un homme qui étoit mortel, et qui étoit même si bien mortel, qu'il mourut honteusement sur une croix, après avoir été condamné à la mort. Il ne serviroit de rien à nos Deichristicoles, de dire ici, qu'il y a une grande différence entre leur Jésus-Christ et les Dieux des Païens, sous prétexte que leur Christ seroit, comme ils disent, vrai Dieu et vrai homme tout ensemble, attendu que la Divinité se seroit incarnée en lui, au moïen de quoi la nature divine, se trouvant jointe et unie hypostatiquement, comme ils disent, avec la nature humaine, ces deux natures auroient fait, dans Jésus-Christ, un vrai Dieu et un vrai homme, ce qui ne s'étant jamais fait, comme ils disent, dans les Dieux prétendus des anciens Païens, c'étoit manifestement erreur et folie en eux de les adorer comme des Dieux, puisqu'ils n'étoient que des hommes foibles et mortels comme les autres.

Mais il est facile de faire voir la foiblesse et la vanité de cette réponse, et de cette prétendue différence de l'un aux autres; car, d'un côté, n'auroit-il pas été aussi facile aux Païens, qu'aux chrétiens, de dire que la Divinité, ou la nature divine, se seroit véritablement incarnée dans les hommes, qu'ils adoroient comme Dieux, et qu'elle se seroit véritablement incarnée dans leur Saturne, dans leur Jupiter, dans leur Mars, dans leur Apollon, dans leur Mercure, dans leur Bacchus, dans leur Esculape et dans tous les autres, qu'ils adoroient comme Dieux? Pareillement, que la Divinité se seroit véritablement incarnée dans leur Junon, dans leur Diane, dans leur Pallas, dans leur Minerve, dans leur Cérès, dans leur Venus et

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