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frivole, réduire l'exagéré, et combattre la fatire.

Louis XIV mit dans fa cour, comme dans fon règne, tant d'éclat et de magnificence que les moindres détails de fa vie femblent intéreffer la poftérité, ainfi qu'ils étaient l'objet de la curiofité de toutes les cours de l'Europe et de tous les contemporains. La fplendeur de fon. gouvernement s'eft répandue fur fes moindres actions. On eft plus avide, fur-tout en France, de favoir les particularités de fa cour que les révolutions de quelques autres Etats. Tel eft l'effet de la grande réputation. On aime mieux apprendre ce qui fe passait dans le cabinet et dans la cour d'Augufte que le détail des conquêtes d'Attila ou de Tamerlan.

mières

amours,

méchans

Voilà pourquoi il n'y a guère d'hiftoriens qui Ses pren'aient publié les premiers goûts de Louis XIV pour la baronne de Beauvais, pour mademoi- fujet de felle d'Argencourt, pour la nièce du cardinal plufieurs Mazarin, qui fut mariée au comte de Soiffons, livres. père du prince Eugène; fur-tout pour Marie Mancini, fa fœur, qui épousa ensuite le connétable Colonne.

Il ne régnait pas encore quand ces amufemens occupaient l'oifiveté où le cardinal Mazarin, qui gouvernait defpotiquement, le laiffait languir. L'attachement feul pour Marie Mancini fut une affaire importante, parce qu'il

Comment

l'aima affez pour être tenté de l'épouser, et fut affez maître de lui-même pour s'en séparer. Cette victoire, qu'il remporta fur sa paffion, commença à faire connaître qu'il était né avec une grande ame. Il en remporta une plus forte et plus difficile, en laiffant le cardinal Mazarin maître abfolu. La reconnaissance l'empêcha de fecouer le joug qui commençait à lui pefer. C'était une anecdote très-connue à la cour, qu'il avait dit après la mort du cardinal : "Je ne fais pas ce que j'aurais fait s'il avait " vécu plus long-temps.

(a)

Il s'occupait à lire des livres d'agrément il fe for dans ce loifir; il lifait fur-tout avec le connėprit et le table Colonne, qui avait de l'efprit ainfi que

mait l'ef

goût.

toutes fes fœurs. Ils fe plaifait aux vers et aux romans qui, en peignant la galanterie et la grandeur, flattaient en fecret fon caractère. Il lifait les tragédies de Corneille, et se formait le goût, qui n'eft que la fuite d'un fens droit, et le fentiment prompt d'un esprit bien fait. La conversation de fa mère et des dames de fa cour ne contribua pas peu à lui faire goûter

(a) Cette anecdote eft accréditée par les mémoires de la Porte, pages 255 et fuiv. On y voit que le roi avait de l'averfion pour le cardinal; que ce miniftre, fon parrain et furintendant de fon éducation, l'avait très-mal élevé, et qu'il le laiffa fouvent manquer du néceffaire. Il ajoute même des accufations beaucoup plus graves, et qui rendraient la mémoire du cardinal bien infame; mais elles ne paraiffent pas prouvées, et toute accufation doit l'être.

cette fleur d'efprit, et à le former à cette politeffe fingulière qui commençait dès-lors à caractériser la cour. Anne d'Autriche y avait apporté une certaine galanterie noble et fière, qui tenait du génie espagnol de ces temps-là, et y avait joint les grâces, la douceur et une liberté décente qui n'étaient qu'en France. (1) Le roi fit plus de progrès dans cette école d'agrémens, depuis dix-huit ans jusqu'à vingt, qu'il n'en avait fait dans les fciences, fous fon précepteur, l'abbé de Beaumont, depuis archevêque de Paris. On ne lui avait presque rien appris. Il eût été à défirer qu'au moins on l'eût inftruit de l'hiftoire, et fur-tout de l'hiftoire moderne, mais ce qu'on en avait alors était trop mal écrit. Il était trifte qu'on n'eût encore réuffi que dans les romans inutiles, et que ce qui était néceffaire fût rebutant. On fit imprimer, Traducfous fon nom, une traduction des commentaires de Céfar, et une de Florus fous le nom fous fon de fon frère : mais ces princes n'y eurent d'autre

(1) Cette galanterie et quelques imprudences dans fa conduite furent la caufe et des malheurs qu'elle éprouva fous le gouvernement de Richelieu, et des bruits injurieux répandus contre elle par les frondeurs. Richelieu voulait la perdre, et il eût réuffi, fans la fidélité et le courage de fes amis et de quelques-uns de fes domeftiques. On trouve dans des mémoires non imprimés du duc de la Rochefoucauld qu'elle avait formé le projet de fe retirer à Bruxelles ; quoique très-jeune, il était à la tête de ce complot, et s'était chargé de l'enlever et de la conduire.

tions im

primées

nom.

part, que celle d'avoir eu inutilement pour leurs thêmes quelques endroits de ces auteurs.

Celui qui préfidait à l'éducation du roi, fous le premier maréchal de Villeroi, fon gouverneur, était tel qu'il le fallait, favant et aimable mais les guerres civiles nuifirent à cette éducation, et le cardinal Mazarin fouffrait volontiers qu'on donnât au roi peu de lumières. Lorsqu'il s'attacha à Marie Mancini, il apprit aisément l'italien pour elle; et dans le temps de fon mariage, il s'appliqua à l'espagnol moins heureusement. L'étude qu'il avait trop négligée avec fes précepteurs, au fortir de l'enfance, une timidité qui venait de la crainte de fe compromettre, et l'ignorance où le tenait le cardinal Mazarin, firent penser à toute la cour qu'il ferait toujours gouverné comme Louis XIII, fon père.

Il n'y eut qu'une occafion, où ceux qui favent juger de loin prévirent ce qu'il devait être ; ce fut lorsqu'en 1655, après l'extinction des guerres civiles, après fa première campagne et fon facre, le parlement voulut encore s'affembler au fujet de quelques édits; le roi partit de Vincennes, en habit de chaffe, fuivi de toute fa cour; entra au parlement en groffes bottes, le fouet à la main; et prononça ces difcours propres mots : On fait les malheurs qu'ont " produits vos affemblées; j'ordonne qu'on

Son

au parle

ment.

" ceffe celles qui font commencées fur mes ›› édits. Monfieur le premier préfident, je vous "défends de fouffrir des affemblées, et à pas "un de vous de les demander. › (b)

Sa taille déjà majestueufe,、la noblesse de fes traits, le ton et l'air de maître dont il parla, imposèrent plus que l'autorité de fon rang, qu'on avait jusque-là peu respectée. Mais ces prémices de fa grandeur semblèrent se perdre le moment d'après; et les fruits n'en parurent qu'après la mort du cardinal.

nence de

La cour, depuis le retour triomphant de Un curé a Mazarin, s'occupait de jeu, de ballets, de la l'imperticomédie qui, à peine née en France, n'était vouloir pas encore un art, et de la tragédie qui était abolir les fpectacles devenue un art fublime entre les mains de Pierre Corneille. Un curé de Saint-Germainl'Auxerrois, qui penchait vers les idées rigoureufes des janféniftes, avait écrit souvent à la reine contre ces fpectacles, dès les premières années de la régence. Il prétendit que l'on était

(b) Ces paroles, fidèlement recueillies, font dans les mémoires authentiques de ce temps-là: il n'eft permis ni de les omettre, ni d'y rien changer dans aucune hiftoire de France.

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L'auteur des mémoires de Maintenon s'avife de dire au hafard dans fa note: Son difcours ne fut pas tout à fait fi beau, et fes yeux en dirent plus que fa bouche.,, Où a-t-il pris que le difcours de Louis XIV ne fut pas tout à fait fi beau, puifque ce furent-là fes propres paroles? Il ne fut ni plus ni moins beau: il fut tel qu'on le rapporte.

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