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Les jéfuites avaient déjà plufieurs églises publiques, et même quelques princes du fang impérial avaient reçu le baptême : on commençait à craindre des innovations funeftes dans l'empire. Les malheurs arrivés au Japon fefaient plus d'impreffion fur les efprits que la pureté du chriftianifme trop généralement méconnu n'en pouvait faire. On fut que précisément en ce temps-là les disputes qui aigriffaient les miffionnaires de différens ordres les uns contre les autres, avaient produit l'extirpation de la religion chrétienne dans le Tunquin; et ces mêmes difputes, qui écla taient encore plus à la Chine, indifposèrent tous les tribunaux contre ceux qui, venant prêcher leur loi, n'étaient pas d'accord entre eux fur cette loi même. Enfin on apprit qu'à Kanton il y avait des Hollandais, des Suédois, des Danois, des Anglais qui, quoique chrétiens, ne paffaient pas pour être de la reli gion des chrétiens de Macao.

naires

Toutes ces réflexions réunies déterminèrent Miffione enfin le fuprême tribunal des rites à défendre chaffés l'exercice du chriftianifme. L'arrêt fut porté, poliment le 10 janvier 1724, mais fans aucune flétrif fure, fans décerner de peines rigoureuses, fans le moindre mot offenfant contre les miffionnaires; l'arrêt même invitait l'empereur à conferver à Pékin ceux qui pourraient

être utiles dans les mathématiques. L'empereur confirma l'arrêt, et ordonna par fon édit qu'on renvoyât les miffionnaires à Macao accompagnés d'un mandarin, pour avoir foin d'eux dans le chemin, et pour les garantir de toute infulte. Ce font les propres mots de l'édit.

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Il en garda quelques-uns auprès de lui, entre autres, le jéfuite nommé Parennin, dont j'ai déjà fait l'éloge, homme célèbre par fes connaiffances et par la fageffe de fon caractère, qui parlait très-bien le chinois et le tartare. Il était néceffaire, non feulement comme interprète, mais comme bon mathématicien. C'eft lui qui eft principalement connu parmi nous par les réponses sages et inftructives fur les fciences de la Chine aux difficultés favantes d'un de nos meilleurs philofophes. Ce religieux avait eu la faveur de l'empereur Cam-hi, et confervait encore celle d'Yontching. Si quelqu'un avait pu fauver la Belle mer- religion chrétienne, c'était lui. Il obtint, avec curiale deux autres jéfuites, audience du prince, fionnaires frère de l'empereur, chargé d'examiner l'arrêt,

aux mif

et d'en faire le rapport. Parennin rapporte avec candeur ce qui leur fut répondu. Le prince qui les protégeait leur dit : Vos affaires m'embarraffent, j'ai lu les accufations portées contre vous vos querelles continuelles avec les autres Europeans fur les rites de la Chine vous

ont

ont nui infiniment. Que diriez-vous fi, nous transportant dans l'Europe, nous y tenions la même conduite que vous tenez ici? en bonne foi, le fouffririez-vous? Il était difficile de répliquer à ce difcours. Cependant ils obtinrent que ce prince parlât à l'empereur en leur faveur; et lorfqu'ils furent admis aux pieds du trône, l'empereur leur déclara qu'il renvoyait enfin tous ceux qui se disaient miffionnaires.

Nous avons déjà rapporté ces paroles: Si vous avez fu tromper mon père, n'espérez pas me tromper de même. (a)

cafionnés

miffion

Malgré les ordres fages de l'empereur, Grands quelques jéfuites revinrent depuis fecrètement maux ocdans les provinces fous le fucceffeur du célèbre par ces Yontching; ils furent condamnés à la mort pour naires. avoir violé manifeftement les lois de l'empire. C'eft ainsi que nous fefons exécuter en France les prédicans huguenots qui viennent faire des attroupemens, malgré les ordres du roi. Cette fureur des profélytes eft une maladie particulière à nos climats, ainfi qu'on l'a déjà remarqué; elle a toujours été inconnue dans la haute Afie. Jamais ces peuples n'ont envoyé Sageffe de miffionnaires en Europe, et nos nations des Afiafont les feules qui aient voulu porter leurs un point. opinions, comme leur commerce, aux deux extrémités du globe.

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tiques en

Les jésuites mêmes attirèrent la mort à plufieurs chinois, et fur-tout à deux princes du fang qui les favorifaient. N'étaient ils pas bien malheureux de venir du bout du monde mettre le trouble dans la famille impériale, Miracle et faire périr dux princes par le dernier ridicule. fupplice? Ils crurent rendre leur miffion refpectable en Europe, en prétendant que DIEU fe déclarait pour eux, et qu'il avait fait paraître quatre croix dans les nuées fur l'horison de la Chine. Ils firent graver les figures de ces croix dans leurs Lettres édifiantes et curieuses; mais fi DIEU avait voulu que la Chine fût chrétienne, fe ferait-il contenté de mettre des croix dans l'air? ne les aurait-il pas mises dans le cœur des Chinois?

Fin du troisième et dernier volume du Siècle de Louis XIV.

DES

CHAPITRES

CONTENUS DANS CE VOLUME.

CHAP. XXV. PARTICULARITÉS et anecdotes du règne de Louis XIV. page 3

CHAP. XXVI. Suite des particularités et anec

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CHAP. XXIX. Gouvernement intérieur. Juftice.

Commerce. Police. Lois. Difci

pline militaire. Marine, &c.

CHAP. XXX. Finances et règlemens.

CHAP. XXXI. Des fciences.

CH. XXXII. Des beaux arts.

CH. XXXIII. Suite des arts.

134

173

202

211

239

CH. XXXIV. Des beaux arts en Europe, du

temps de Louis XIV.

245

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