Je me garderai bien de vouloir qu'on le casse : Comme une marque insigne, un fameux témoignage Ce sont vingt mille francs qu'il m'en pourra coûter; Mais, pour vingt mille francs, j'aurai droit de pester Contre l'iniquité de la nature humaine, Et de nourrir pour elle une immortelle haine. Mais enfin.... PHILINTE. ALCESTE. Mais enfin, vos soins sont superflus: Que pouvez-vous, Monsieur, me dire là-dessus? Aurez-vous bien le front de me vouloir en face Excuser les horreurs de tout ce qui se passe? PHILINTE. Non je tombe d'accord de tout ce qu'il vous plaît: Tous ces défauts humains nous donnent dans la vie C'est le plus bel emploi que trouve la vertu; Et, si de probité tout étoit revêtu, Si tous les cœurs étoient francs, justes et dociles, ALCESTE. Je sais que vous parlez, Monsieur, le mieux du monde; Je n'ai point sur ma langue un assez grand empire; De ce que je dirois je ne répondrois pas, Et je me jetterois cent choses sur les bras. Laissez-moi, sans dispute, attendre Célimène : PHILINTE. Montons chez Éliante, attendant sa venue. ALCESTE. Non de trop de souci je me sens l'âme émue. : Allez-vous-en la voir, et me laissez enfin Dans ce petit coin sombre, avec mon noir chagrin. PHILINTE. C'est une compagnie étrange pour attendre, SCÈNE II ORONTE. Oui, c'est à vous de voir si par des nœuds si doux, Et de chez vous enfin le bannir dès ce jour. Mais quel sujet si grand contre lui vous irrite, ORONTE. Madame, il ne faut point ces éclaircissements; ALCESTE, sortant du coin où il étoit. Oui, Monsieur a raison; Madame, il faut choisir, Mon amour veut du vôtre une marque certaine, ORONTE. Je ne veux point, Monsieur, d'une flamme importune Troubler aucunement votre bonne fortune. ALCESTE. Je ne veux point, Monsieur, jaloux ou non jaloux, ORONTE. Si votre amour au mien lui semble préférable.... ALCESTE. Si du moindre penchant elle est pour vous capable.... ORONTE. Je jure de n'y rien prétendre désormais. ALCESTE. Je jure hautement de ne la voir jamais. ORONTE. Madame, c'est à vous de parler sans contrainte. ALCESTE. Madame, vous pouvez vous expliquer sans crainte. ORONTE. Vous n'avez qu'à nous dire où s'attachent vos vœux. ALCESTE. Vous n'avez qu'à trancher, et choisir de nous deux. ORONTE. Quoi? sur un pareil choix vous semblez être en peine! ALCESTE. Quoi? votre âme balance et paroît incertaine! CÉLIMÈNE. Mon Dieu! que cette instance est là hors de saison, Qu'un cœur de son penchant donne assez de lumière, Sans qu'on nous fasse aller jusqu'à rompre en visière ; Et qu'il suffit enfin que de plus doux témoins Instruisent un amant du malheur de ses soins. ORONTE. Non, non, un franc aveu n'a rien que j'appréhende : ALCESTE. Et moi, je le demande : ORONTE. Je vous sais fort bon gré, Monsieur, de ce courroux, CÉLIMÈNE. Que vous me fatiguez avec un tel caprice! SCÈNE III CÉLIMÈNE. Je me vois, ma cousine, ici persécutée Par des gens dont l'humeur y paroît concertée. Que je prononce entre eux le choix que fait mon cœur, Je défende à l'un d'eux tous les soins qu'il peut prendre. Dites-moi si jamais cela se fait ainsi. ÉLIANTE. N'allez point là-dessus me consulter ici : |