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Je l'aperçois encor; mais ne vous rendez point.

LUCILE.

Ne me soupçonne pas d'ètre foible à ce point.

Il vient à nous.

MARINETTE.

ÉRASTE.

Non, non, ne croyez pas, Madame,
Que je revienne encor vous parler de ma flamme.
C'en est fait; je me veux guérir, et connois bien
Ce que de votre cœur a possédé le mien.

Un courroux si constant pour l'ombre d'une offense
M'a trop bien éclairé de votre indifférence,
Et je dois vous montrer que les traits du mépris
Sont sensibles surtout aux généreux esprits.

Je l'avoûrai, mes yeux observoient dans les vôtres

1., Nous avons suivi pour ce Choix le texte de l'édition des Grands écrivains de la France, c'est-à-dire les textes originaux, mais nous y avons introduit quelques indications et jeux de scène empruntés aux additions de l'édition de 1734.

Des charmes qu'ils n'ont point trouvés dans tous les autres,

Et le ravissement où j'étois de mes fers,

Les auroit préférés à des sceptres offerts.

Oui, mon amour pour vous, sans doute, étoit extrême,

Je vivois tout en vous; et je l'avoùrai même,
Peut-être qu'après tout j'aurai, quoiqu'outragé,
Assez de peine encore à m'en voir dégagé :
Possible que malgré la cure qu'elle essaie,
Mon âme saignera longtemps de cette plaie,
Et qu'affranchi d'un joug qui faisoit tout mon bien,
Il faudra se résoudre à n'aimer jamais rien.
Mais enfin, il n'importe; et puisque votre haine
Chasse un cœur tant de fois que l'amour vous ramène,
C'est la dernière ici des importunités

Que vous aurez jamais de mes vœux rebutés.

LUCILE.

Vous pouvez faire aux miens la grâce tout entière,
Monsieur, et m'épargner encor cette dernière.

ÉRASTE.

Hé bien! Madame, hé bien! ils seront satisfaits.
Je romps avecque vous, et j'y romps pour jamais,
Puisque vous le voulez. Que je perde la vie
Lorsque de vous parler je reprendrai l'envie!

Tant mieux; c'est m'obliger.

LUCILE.

ÉRASTE.

Non, non, n'ayez pas peur

Que je fausse parole; eussé-je un foible cœur
Jusques à n'en pouvoir effacer votre image,
Croyez que vous n'aurez jamais cet avantage
De me voir revenir.

LUCILE.

Ce seroit bien en vain.
ÉRASTE.

Moi-même de cent coups je percerois mon sein,

Si j'avois jamais fait cette bassesse insigne
De vous revoir après ce traitement indigne.

Soit; n'en parlons donc plus.

LUCILE.

ÉRASTE.

Oui, oui, n'en parlons plus;

Et, pour trancher ici tous propos superflus,
Et vous donner, ingrate, une preuve certaine
Que je veux, sans retour, sortir de votre chaîne,
Je ne veux rien garder qui puisse retracer
Ce que de mon esprit il me faut effacer.

Voici votre portrait; il présente à la vue

Cent charmes merveilleux dont vous êtes pourvue,
Mais il cache sous eux cent défauts aussi grands,
Et c'est un imposteur enfin que je vous rends.
GROS-RENÉ.

Bon.

LUCILE.

Et moi, pour vous suivre au dessein de tout rendre, Voilà le diamant que vous m'aviez fait prendre

Fort bien.

MARINETTE.

ÉRASTE.

Il est à vous encor ce bracelet.

LUCILE.

Et cette agate à vous, qu'on fit mettre en cachet.

ÉRASTE lit.

Vous m'aimez d'une amour extrême,
Éraste, el de mon cœur voulez être éclairci :

Si je n'aime Éraste de même,

Au moins aimé-je fort qu'Eraste m'aime ainsi.

Vous m'assuriez par là d'agréer mon service;
C'est une fausseté digne de ce supplice.

Lucile.

(Il déchire la lettre.)

LUCILE lit.

J'ignore le destin de mon amour ardente,

Et jusqu'à quand je souffrirai;
Mais je sais, ô beauté charmante!
Que toujours je vous aimerai.

Éraste.

Voilà qui m'assuroit à jamais de vos feux;
Et la main et la lettre ont menti toutes deux.

(Elle déchire la lettre.)

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Et, grâce au Ciel, c'est tout.

Que sois-je exterminé, si je ne tiens parole!

LUCILE.

Me confonde le Ciel si la mienne est frivole!

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Ah! Lucile, Lucile, un cœur comme le mien

Se fera regretter, et je le sais fort bien.

LUCILE.

Éraste, Éraste, un cœur fait comme est fait le vôtre Se peut facilement réparer par un autre.

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