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de parlementaires, car on les retiendra; point de détachements, car on les détruira; point de commissaires, car.... Apportez de quoi vivre; amenez des moutons, des vaches, des cochons, et puis n'oubliez pas de les bien escorter ainsi que vos fourgons. Pain, viande, fourrage et le reste, ayez provision de tout; car vous ne trouverez rien où vous passerez, si vous passez, et vous coucherez à l'air, quand vous vous coucherez; car nos maisons, si nous ne pouvons vous en écarter, nous savons qu'il vaut mieux les rebâtir que les racheter. Cela est plutôt fait, coûte moins. Ne vous rebutez pas d'ailleurs, si vous trouviez, dans cette façon de guerroyer, quelques inconvénients. Il y a peu de plaisir à conquérir des gens qui ne veulent pas être conquis, et nous en savons des nouvelles. Rien ne dégoûte de ce métier comme d'avoir affaire aux classes inférieures. Mais ne perdez point courage. Car si vous reculiez ! s'il vous fallait retourner sans avoir fait la paix ni stipulé d'indemnités, alors, alors, peu d'entre vous iraient conter à leurs enfants ce que c'est que la France en tirailleurs, n'ayant ni héros ni péquins.

Apprenez, dit le prophète, apprenez, grands de la terre; c'est-à-dire, messieurs du congrès, renoncez aux vieilles sottises.

Instruisez-vous, arbitres du monde; c'està-dire, Excellences, regardez ce qui se passe, et faites-vous sages, s'il se peut. L'Espagne se moque de vous, et la France ne vous craint pas. Vos amis ont beau dire et faire, nous ne sommes pas disposés à nous gouverner par vos ordres. Et ni eux, avec leurs sept hommes, ni vous, avec vos sept cent mille, ne nous faites la moindre peur; partant, je ne vois nulle raison de changer notre allure pour vous plaire, et je conclus à rejeter toute loi venant d'eux ou de vous.

Voilà ce que j'aurais dit après le général Foy, si j'eusse pu, député indigne, lui succéder àla tribune.

DU TRIBUNAL CIVIL A TOURS.

MESSIEURS,

Dans le procès que je soutiens contre Claude Bourgeau (malgré moi; car j'ai tout tenté pour en sortir à l'amiable), ma cause est si claire et si simple, que, sans le secours des gens de loi, je puis vous l'expliquer moimême, quelque novice que je sois, comme bientôt vous l'allez voir, en toute sorte d'affaires.

Je vends à Bourgeau deux coupes de ma forêt de Larçai. Cette forêt, de temps immémorial, est divisée en vingt-cinq coupes, une desquelles s'abat tous les ans; mais en 1816, j'en avais deux à vendre à cause que je n'avais point coupé l'année précédente. Bourgeau me les achète, et en exploitant la dernière, celle de 1816, il m'abat la moitié de la coupe suivante, que je ne lui avais point vendue, et qui ne devait l'être qu'en 1817. C'est de quoi je me plains, Messieurs.

Bourgeau convient de tous ces faits qu'il n'est pas possible de nier, et notez, je vous

prie, que de sa part il ne saurait y avoir eu d'erreur, les limites de chaque coupe étant marquées sur le terrain de manière à ne s'y pouvoir méprendre. Aussi n'est-ce pas ce qu'il allègue pour se justifier. Il dit qu'ayant acheté de moi ces deux coupes pour trente arpents, il s'y en est trouvé cinq de moins, lesquels cinq arpents il a pris dans la coupe suivante, afin de compléter sa mesure.

Moi, je ne tombai pas d'accord sur ce défaut de mesure, et puis je ne me croyais pas tenu de lui faire ses trente arpents, s'il y eût manqué quelque chose. C'étaient là deux points à débattre. Mais, comme vous voyez, il tranche la question. Ayant à compter avec moi, il règle le compte lui tout seul, et me jugeant son débiteur d'une valeur de cinq arpents, il me condamne, de son autorité privée, à lui fournir cette valeur en nature, non en argent; car il eût pu tout aussi bien me faire cette retenue sur le prix de la vente, prix qu'il avait entre les mains; mais non; mon bois lui convient mieux ; il décide en conséquence, et sa sentence portée, il l'exécute lui-même. Je connais peu les lois; mais je doute qu'il y en ait qui autorisent ce procédé.

A vrai dire, il fait bien de se payer ainsi, et de me prendre du bois plutôt que de l'ar

gent; car que m'aurait-il pu retenir sur le prix de la vente? A raison de 400 francs l'arpent, comme il m'achetait ces deux coupes, cela lui eût fait, pour cinq arpents, 2000 fr. seulement; au lieu qu'en prenant cinq arpents de la coupe suivante, dont on m'offrait alors 750 francs l'arpent il se faisait 3,750 francs, à ne calculer qu'au prix qu'on me donnait de ce bois, et sans doute il l'a mieux vendu. Vous voyez, Messieurs qu'ayant le choix et disposant, comme il faisait, de mon bien à sa fantaisie, il n'y avait pas à balancer.

Cette différence de valeur, entre le bois qu'il me prenait et celui que je lui ai vendu, serait facile à vérifier s'il était question de cela, mais ce n'est pas de quoi il s'agit; le point à discuter entre nous n'est pas de savoir si je lui devais, ni ce que je lui devais, ni s'il m'a pris plus ou moins. Il me prend mon bien, voilà le fait, et puis il dit que je lui dois. Il me prend mon bien en mon absence, puis il entre en compte avec moi. Et où en serais-je, je vous prie, si chacun de ceux à qui je puis devoir s'en venaient abattre mon bois, cueillir, avant le temps, mes fruits ou ma vendange, et couper mon blé en herbe? Car ces cinq arpents n'avaient pas l'âge d'être exploités. Bourgeau coupe, en 1816, ce qui

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