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successivement les deux Réponses aux anonymes, le Livret de Paul-Louis, la Gazette du village, et la Pièce diplomatique signée Louis, plus bas de Villèle. On chercha vainement à le prendre sur le fait. Le petit nombre d'amis en qui il se fiait assez pour leur avouer ces pamphlets, n'auraient su dire eux-mêmes comment il s'y prenait pour les faire imprimer. « J'écris deux ou trois » pages, disait-il en riant, je les jette dans » la rue; et elles se trouvent imprimées.

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Le reste de son temps était consacré à une traduction d'Hérodote. Encouragé par le succès général de celles des Pastorales de Longus, et de l'Ane de Lucien, il voulait appliquer le même système au père de l'histoire. Beaucoup de gens, après avoir lu le fragment qu'il publia en 1822, tâchèrent de le détourner de cette entreprise. Mais il n'y eut personne qui ne fût ravi de la pré ace qu'il y avoit jointe; préface d'une dixaine de pages seulement, où les idées se comptent pour ainsi dire par les mots.

Deux ans plus tard parut le Pamphlet des pamphlets, qui fut le champ du cygne. Cet ouvrage ferme si admirablement la noble carrière qu'il avait parcourue sans relâ– che pendant neuf ans, qu'on ne peut se défendre d'y lire un vague pressentiment de

sa fin prochaine. D'autant mieux que déjà il s'était fait dire dans le Livret : « Paul-Louis,

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les cagots te tueront. » Toujours est-il que, dans un voyage qu'il fit chez lui au commencement de l'année 1825, il trouva la mort à quelques pas de sa maison. Qui fut l'assassin? Comme on ne peut former là-dessus que des conjectures, il est juste et prudent de garder le silence.

Il faut se taire aussi sur l'étendue d'une telle perte, parce que nulle expression ne saurait la rendre, nulle intelligence la mesurer. A la verve de Rabelais, à la raison de Pascal, unissant tout l'esprit de Voltaire, il était seul capable de reprendre la lutte contre les prêtres où celui-ci l'avait laissée, et il se proposait sérieusement de l'essayer dans une suite de pamphlets clandestins qui eussent paru chaque semaine. On en verra un premier échantillon à la fin de ce recueil. Bien d'autres projets roulaient dans son esprit, dont l'accomplissement eût peut-être hấté la fin du triste régime qui menace l'avenir de la France!

Quant aux memoires de sa vie, dont il avait écrit une bonne partie sous forme de dialogues, et au précieux recueil des lettres à lui adressées par les ci-devant Brutus qui maintenant encombrent les antichambres

xviij NOTE SUR PAUL-LOUIS COURIER. royales, il est fort à désirer, peu à espérer que sa famille, nous ne disons point publie, mais ne les détruise pas.

Ayant eu le bonheur de connaître Courier, nous voulions ajouter un mot sur ses manières si franches et si simples, sur sa conversation si spirituelle et si originale, sur son caractère si droit et si ferme. A la réflexion, nous trouvons qu'il vaut mieux lui laisser ce soin à lui-même. Qu'on le lise; on aura vécu avec lui.

DES PAMPHLETS POLITIQUES

ET OPUSCULES LITTÉRAIRES

DE PAUL-LOUIS COURIER,

ANCIEN CANONNIER A CHEVAL.

ÉLOGE D'HÉLÈNE TRADUIT D'ISOCRATE (1).

A MADAME CONSTANCE PIPELET.

DANS ces derniers jours que j'ai passés, à mon grand regret, Madame, sans avoir

(1) Ce petit discours d'Isocrate renferme beaucoup de traits, qui ne peuvent être sentis, à moins qu'on n'ait quelque connaissance de la Mythologie grecque et de ce genre d'éloquence fort goûté chez les anciens. On l'a traduit pour une personne parfaitement instruite de toutes ces choses, et pour qui les éclaircissements, que d'autres pourraient désirer, eussent été fastidieux. C'est ce qui a empêché d'y joindre aucu

ne note.

l'honneur de vous voir, j'étais seul à la campagne. Là, ne sachant à quoi m'occuper, j'essayai de traduire quelques morceaux des auteurs de l'antiquité. Je croyais m'amuser à écrire en ma langue ce que je lisais avec tant de plaisir dans ces langues anciennes, et n'avoir qu'à mettre des mots pour des mots, quitte de tout soin quant à la pensée. Mais je me trouvai bien trompé. J'avais beau chercher des termes, je ne pouvais rendre à mon gré ce qui, dans mes auteurs, paraissait tout simple; et plus le sens était clair et naturel, plus l'expression me manquait. Cependant, soit obstination, soit défaut d'autre distraction, soit dépit de trouver au-dessus de mes forces un travail qui m'avait paru d'abord si facile, je fis vou, quoiqu'il m'en coûtât, de mettre à fin la traduction que j'avais commencée d'un petit discours grec. C'était l'éloge d'Hélène, composé par Isocrate; et pour soutenir mon courage dans cette entreprise, il me vint une idée, que vous appellerez comme il vous plaira; pour moi, je la trouve un peu chevaleresque, si j'ose le dire. Ce fut de me figurer que je travaillais pour vous, Madame; que vous verriez avec plaisir cette copie, quelque faible qu'elle fût, d'un si beau modèle; qu'ayant peint Sapho en vers digues d'elle, vous ne

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