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PREFACE

DE LA QUATRIÈME ÉDITION

Voici la quatrième édition de ce Précis, corrigée et augmentée, suivant la formule habituelle. Mais je dois dire tout de suite que je l'ai plus corrigée qu'augmentée. Car ce livre a atteint aujourd'hui une étendue qu'il ne peut guère dépasser sans démériter son titre. Je ne veux pas oublier en effet qu'il s'agit d'un « Précis », c'est-à-dire d'un ouvrage qui ne saurait en aucune façon remplacer un traité complet de Physiologie, et qui est destiné seulement à aider l'étudiant dans la préparation de son examen. Les quelques pages nouvelles que j'y ai introduites se rapportent principalement aux acquisitions récentes sur les sécrétions, principalement les sécrétions digestives (entérokinase, sécrétine, etc.) et les sécrétions internes. Quelques-unes de ces additions ont été compensées par la suppression ou une rédaction plus concise de certains détails de physique et de chimie biologiques. Je répète en effet ici ce que j'ai déjà dit, en y insistant, à chacune des éditions successives, que ce Précis doit avoir son complément dans les ouvrages analogues de Physique et de Chimie physiologiques.

Pour ce qui concerne la lecture de ce livre, je me borne à rappeler ce que j'ai écrit dans la préface de la deuxième

édition. Un ouvrage de ce genre, contenant en somme beaucoup sous un petit volume, nécessite un langage concis, et ne laisse point de place à des développements littéraires. Sa lecture ne sera certes pas un passe-temps, mais un véritable travail. Je doute même que tout ce qu'il contient puisse être bien compris du premier coup. Toutes les parties de la Physiologie sont en effet solidaires les unes des autres, et la signification de maints détails ne saurait être parfaitement saisie que lorsqu'on a acquis une connaissance complète de l'ensemble.

Montpellier, 16 mai 1904.

E. HEDON.

INTRODUCTION

1° Objet de la physiologie. La physiologie est la science qui décrit et analyse les phénomènes propres aux êtres vivants: c'est la science de la vie. Nous n'essaierons pas de donner une définition de la vie; il n'en est pas qui soit à l'abri de la critique, bien que la signification du mot soit claire dans l'esprit de tout le monde. La vie, comme l'a si souvent répété CL. BERNARD, n'est pas un principe ayant une existence objective, siégeant en un point particulier du corps; ce mot ne répond pas à une entité : c'est une expression métaphysique. L'existence de propriétés spéciales inhérentes aux éléments anatomiques est le seul fait réel. Déterminer les conditions physico-chimiques des phénomènes vitaux, tel est le but que doit poursuivre le physiologiste; tous les progrès de la physiologie sont dus à l'application des méthodes de la physique et de la chimie à l'étude de l'être vivant. Les forces qui se manifestent chez les êtres vivants ne sont pas différentes de celles du monde inorganique. L'hypothèse d'une force vitale (c'est-à-dire une force spéciale qui provoquerait et réglerait les phénomènes vitaux) est inutile et même nuisible au développement de la science physiologique : inutile, car elle est incapable par elle-même de rien expliquer et de rien prévoir; nuisible, parce qu'elle est l'indice d'une tendance fâcheuse de l'esprit à se payer de mots et à se com

PRÉCIS DE PHYSIOLOGIE, 4 édit.

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plaire paresseusement dans des apparences d'explication. Nous n'admettons donc point l'existence d'une force vitale; s'il nous arrive dans le courant de cet ouvrage d'attribuer certains phénomènes aux propriétés vitales des tissus, on ne devra attacher à ce terme aucun sens vitaliste. Notre intention sera seulement d'exprimer par là que les conditions physico-chimiques du phénomène ne sont pas déterminées, ou bien que les lois de la physique et de la chimie actuellement connues sont impuissantes à en donner la raison. En d'autres termes, comme il est impossible, dans l'état actuel de la science, de ramener tous les phénomènes vitaux aux lois de la physique et de la chimie, quoique ce soit évidemment le but à atteindre, nous sommes encore obligés, dans notre langage physiologique imparfait, d'user de certaines expressions mal définies.

2o Notions préliminaires. — Avant d'aborder l'étude détaillée des phénomènes physiologiques, il convient d'esquisser à grands traits quelques notions d'ordre général sur le protoplasma, la cellule et la division du travail physiologique en différentes fonctions; le plan à suivre dans la suite devra s'en dégager.

a. Protoplasma. Les phénomènes vitaux ont pour substratum la matière vivante ou protoplasma. « Le protoplasma est la base physique de la vie, » a dit HUXLEY. Pour nous rendre compte rapidement de la nature et des propriétés de ce protoplasma, prenons un fragment de cette matière de consistance muqueuse, de couleur jaunâtre, que nous trouvons dans les tanneries à la surface de la poudre de tan. C'est la plasmodie d'un champignon myxomycète ou fleur de tan: amas diffus de protoplasma. Laissons-la s'étaler sur une surface plane; elle forme des cordons s'anastomosant entre eux en réseau (fig. 1). Examinons attentivement l'extrémité d'un de ces cordons; nous le voyons changer de forme, en envoyant des expansions ou tentacules, tandis que d'autres tentacules se retirent; de cette façon, la plasmodie se déplace lentement et progresse par une sorte de mouvement de reptation à la manière d'une amibe (fig. 2); et du reste, ce n'est en somme

qu'une amibe de taille gigantesque. Plaçons la plasmodie sur une feuille de papier buvard humide tenue verticalement, elle enverra ses pseudopodes vers

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elle se

le haut et tendra à monter dirige donc dans un sens inverse de la pesanteur (géotropisme). Mettons-la dans un tonneau plein d'eau et recouvert, elle se portera à la surface comme pour chercher de l'air, mais enlevons le couvercle, elle s'enfoncera, fuyant la lumière (heliotropisme négatif). Répétant une expérience pittoresque de KÜHNE, bourrons un intestin d'insecte avec des fragments de ce protoplasme, et appliquons un courant électrique à la surface de cette fibre musculaire artificielle de proportions colossales, nous la verrons se contracter. Un fragment de corps étranger, grain de

Fig. 1. Fragment d'un plasmodium de myxomycète (d'après STRASBURGER).

Fig. 2.

n

Amoeba princeps (d'après AUERBACH).

Le liséré périphérique transparent est l'ectoplasme; la partie centrale granuleuse l'endoplasme contenant des corpuscules nutritifs et des vacuoles (v, x, n).

sable, miette de pain, se trouve-t-il sur le bord de la plasmodie, celle-ci l'entoure de ses tentacules et finit par se l'incorporer; si la matière n'est pas nutritive, elle la rejette bientôt, mais si c'est une substance alimentaire, on voit se former près de l'endroit où la matière à été englobée une vacuole, et c'est

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