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non plus que péllere, qui veut dire chasser. Si Térence a dit lacrymas mitte, Virgile a dit dans le même sens, lacrymas dilécta pelle" Creúsæ. Chassez les larmes de Créüse, c'està-dire, les larmes que vous répandez pour l'amour de Créüse, cessez de pleurer votre chère Créüse, retenez les larmes que vous répandez pour l'amour d'elle, consolez-vous.

Mittere ne veut pas dire non plus en latin écrire: et quand on trouve mittere epistolam alicui, cela veut dire dans le latin, envoyer une lettre à quelqu'un, et nous disons plus ordinairement, écrire une lettre à quelqu'un. Je ne finirois point si je voulois raporter ici un plus grand nombre d'exemples du peu d'exactitude de nos meilleurs dictionaires ; merces punition, nox la mort, pulvis le ba

reau, etc.

Je voudrois donc que nos dictionaires donassent d'abord à un mot latin la signification propre que ce mot avoit dans l'imagination des auteurs latins: qu'ensuite ils ajoutassent les divers sens figurés que les Latins donoient à ce mot. Mais quand il arive qu'un mot joint à un autre,forme une expression figurée,un sens, une pensée que nous rendons en notre langue, par une image diférente de celle qui étoit en usage en latin; alors je voudrois distinguer:

1o. Si l'explication litérale qu'on a déja donée du mot latin, suffit pour faire entendre à la lettre l'expression figurée, ou la pensée litérale du latin; en ce cas, je me contenterois de rendre la pensée à notre manière; par exemple: mittere envoyer, mitte iram, retenez votre colère, mittere epistolam alicui, écrire une lettre à quelqu'un.

En. 2. v.

Provincia, province, de pro ou procul, et de vincire lier, obliger, ou selon d'autres de vincere, vaincre : c'étoit le nom générique que les Romains donoient aux pays dont ils s'étoient rendus maîtres hors de l'Italie. On dit dans le sens propre, provinciam cápere, suscipére, prendre le gouvernement d'une province, en être fait gouverneur; et on dit par métaphore, provinciam suscipere, être dans un emploi, dans une fonction, faire Ter. Phor. quelque entreprise. Provinciam cepisti duact. I. sc. 2. ram, tu t'es chargé d'une mauvaise comission, d'un emploi dificile.

2o. Mais lorsque la façon de parler latine est trop éloignée de la française, et que la lettre n'en peut pas être aisément entendue, les dictionaires devroient l'expliquer d'abord litéralement, et ensuite ajouter la phrase française qui répond à la latine; par exemple: láterem crudum laváre, laver une brique crue, c'està-dire, perdre son tems et sa peine, perdre son latin. Qui laveroit une brique avant qu'elle fût cuite, ne feroit que de la boue et perdroit la brique. On ne doit pas conclure de cet exemple, que jamais laváre ait signifié en latin perdre, ni later tems ou peine.

Au reste, il est évident que ces diverses significations qu'une langue done à un même mot d'une autre langue, sont étrangères à ce mot dans la langue originale; ainsi elles ne sont point de mon sujet : je traite seulement ici des diférens sens que l'on done à un même mot dans une même langue, et non pas des diférentes images dont on peut se servir en traduisant,pour exprimer le même fonds de pensée.

DES

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DES TROPES..

SECONDE PARTIE.

Des Tropes en particulier.

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LES

I.

LA CATACH RES E,

Abus, extension, ou imitation.

Abúsio.

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Es langues les plus riches n'ont point un Karán oss s assez grand nombre de mots pour exprimer chaque idée particulière, par un terme qui ne soit que le signe propre de cette idée; ainsi l'on est souvent obligé d'emprunter le mot propre de quelqu'autre idée, qui a le plus de raport à celle qu'on veut exprimer; par exemple: l'usage ordinaire est de clouer des fers sous les piés des chevaux, ce qui s'apèle ferrer un cheval; que s'il arive qu'au lieu de fer on se serve d'argent, on dit alors que les chevaux sont ferrés d'argent, plutôt que d'inventer un nouveau mot qui ne seroit pas entendu : on ' ferre aussi d'argent une cassette, etc. alors ferrer signifie par extension, garnir d'argent au lieu de fer. On dit de même aler à cheval sur Tome III.

D

Hor. 2. sat. 3. v. 24.

un baton, c'est-à-dire, se mettre sur un bâton de la même manière qu'on se place à cheval.

Lúdere par impar; equitáre in arundine longâ.

Dans les ports de mer on dit : bâtir un vaisseau, quoique le mot de bâtir ne se dise proprement que des maisons ou autres édifices: En. 2. v. Virgile s'est servi d'ædificáre, bâtir, en parlant du cheval de Troie; et Cicéron a dit, Cic. pro ædificáre classem, bâtir une flote. lege Mani

16.

liâ. n. 4.

:

Dieu dit à Moïse, je ferai pleuvoir pour vous des pains du ciel, et ces pains c'étoit la mâne Moïse, en la montrant, dit aux Juifs: Exod. ch. voilà le pain que Dieu vous a doné pour v. 4. vivre. Ainsi la mâne fut apelée pain par extension.

XVI.

et 5.

Parricida, parricide, se dit en latin et en français, non seulement de celui qui tue son père, ce qui est le premier usage de ce mot; mais il se dit encore par extension de celui qui fait mourir sa mère, ou quelqu'un de ses parens, ou enfin quelque persone sacrée.

Ainsi la catachrèse est un écart que certains mots font de leur première signification, pour en prendre une autre qui y a quelque raport, et c'est aussi ce qu'on apèle extension: par exemple; feuille se dit par extension ou imitation des choses qui sont plates et minces, come les feuilles des plantes; on dit une feuille de papier, une feuille de fer blanc, une feuille d'or, une feuille d'étain, qu'on met derrière les miroirs : une feuille de carton; le talc se léve par feuilles; les feuilles d'un paravent, etc.

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La langue, qui est le principal organe de la parole, a doné son nom par métonymie et par extension au mot générique dont on se sert pour marquer les idiomes, le langage des diférentes nations: langue latine, langue françoise.

Glace, dans le sens propre, c'est de l'eau gelée ce mot signifie ensuite par extension, un verre poli, une glace de miroir, une glace de carosse.

Glace signifie encore une sorte de composition de sucre et de blanc d'œuf, que l'on coule sur les biscuits, ou que l'on met sur les fruits confits.

Enfin, glace se dit encore au pluriel, d'une sorte de liqueur congelée.

Il y a même des mots qui ont perdu leur première signification, et n'ont retenu que celle qu'ils ont eue par extension: florir, florissant, se disoient autrefois des arbres et des plantes qui sont en fleurs; aujourd'hui on dit plus ordinairement fleurir au propre, et florir au figuré: si ce n'est à l'infinitif, c'est au moins dans les autres modes de ce verbe; alors il signifie être en crédit, en honeur, en réputation Pétrarque florissoit vers le milieu du XIV. siècle: une armée florissante; un empire florissant. « La langue grèque, dit >> Madame Dacier, se maintint encore assez » florissante jusqu'à la prise de Constanti»nople en 1453 ».

Prince, en latin princeps, signifioit seulement autrefois, premier, principal; mais aujourd'hui en françois il signifie un souverain, ou une persone de maison souveraine.

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