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sieurs. Et s'il rencontrait sur sa route quelque fanatique aveugle du passé, il l'écrasait de ces dures paroles « Rendre des croyances (1), res« susciter des dogmes populaires morts dens la << conscience des peuples, refaire ce que le temps ་ a défait, c'est un mot insensé; c'est tenter de << lutter contre la nature et contre l'esprit des « choses, c'est marcher en sens inverse de la « Providence. >>

Tel était, Messieurs, Lamartine à la veille de son entrée dans la vie politique : telles étaient les grandes idées gravées dans l'esprit et dans le cœur d'un homme dévoué à son pays et qui avait foi dans la marche incessante et féconde de l'humanité vers le bien.

Nous voici arrivés au terme de cette étude, où j'ai essayé de vous peindre Lamartine tel qu'il m'est apparu à travers les notes de son voyage en Orient. Heureux si j'ai pu en ravivant vos souvenirs contribuer à vous le faire aimer davantage. Mais, Messieurs, en suivant pas à pas Lamartine, je me demandais si aujourd'hui nous n'aurions rien à ajouter à son livre et quelles idées guident maintenant le voyageur dans les mêmes pays. On ne peut sans cesse décrire la nature orientale et Lamartine l'a fait de façon à rendre fort réservés ceux qui viendraient après lui. Mais ne reste-t-il pour cela rien à dire ?

Ainsi pensent, peut-être, ces milliers de touristes (1) T. II, page 172.

oisifs qui encombrent chaque année le pont des bateaux à vapeur, les hôtels de Péra et de l'Esbékieh libre à eux de promener en Orient, sans profit pour personne leur ignorance ennuyée et ennuyeuse. D'autres, plus modestes et plus utiles, notent précieusement les impressions de leur voyage et ces impressions, qu'ils réservent pour des publications savantes, ce ne sont ni des peintures de paysage, ni des vues politiques et sociales, mais des inscriptions soigneusement copiées, des recherches topographiques, des catalogues d'œuvres d'art et de vases peints renfermés dans des collections peu connues. A Dieu ne plaise, Messieurs, que je provoque ici une comparaison téméraire ; mais attendez que vos yeux éblouis par la poésie de Lamartine soient reposés et ouvrez le voyage à la mer Morte de M. de Saulcy, l'exploration du Hauran par M. Waddington, ou de la Galatie, par M. Perrot. Si vous laissez de côté les plaisirs esthétiques qui ne sont pas en jeu, vous serez frappés de la différence du point de vue et du plan. Presque rien de personnel des remarques et des discussions scientifiques; quelque chose d'austère, mais d'instructif. Lamartine nous a fait aimer l'Orient les voyageurs modernes nous font connaître son histoire et son passé. Ces œuvres sont belles aussi, car elles sont des conquêtes faites sur l'ignorance. Chaque monument publié nous dit quelque chose sur des peuples qui ne sont plus, qu'on a entrevus longtemps dans un demi-jour et

dont l'homme actuel plus curieux, plus affamé de vérité, veut connaître exactement les mœurs, les idées, les lois, les arts, pour y chercher un enseignement. Le talent personnel est moindre, mais l'effort est plus utile, et de ces travaux destinés aux savants sort peu à peu une clarté qui frappe même la foule.

Depuis l'expédition de Morée, quel jour jeté sur la Grèce ! Et à notre époque, quelles recherches persévérantes poursuivies en Syrie et en Palestine pour éclairer tous les points obscurs de l'hisioire ancienne, sans rappeler les grandes découvertes de l'Égypte et de l'Assyrie qui sont des triomphes pour l'humanité. L'œuvre continue à l'heure actuelle où les fouilles de Milet, d'Éphèse et d'Halicarnasse sont à peine terminées, où celles d'Olympie commencent. Après le poète vient le savant, c'est la marche naturelle des choses, et je ne pouvais pas, Messieurs, terminer cette étude sans vous rappeler cette prise de possession de l'Orient par la Science.

RÉPONSE

AU

DISCOURS DE RECEPTION DE M. CARTAULT

Par M. DAUSSY.

(Séance du 28 Avril 1876).

MONSIEUR,

A la dernière distribution des prix, il y avait un ancien élève du Lycée qui, n'ayant pu depuis bien des années assister à cette solennité, se retrouvait avec bonheur sous le cloître qui lui rappelait tant de souvenirs. Dans cette cour, alors remplie par une nombreuse et brillante assemblée, il avait joué avec ses camarades ; dans ces classes, dont le cloître est entouré, il avait rivalisé avec eux pour conquérir les couronnes qui récompensent le travail d'une année par quelques instants d'une joie sans mélange. Il revoyait, par la pensée, les professeurs

qu'il avait aimés, et dont les doctrines sont restées l'inspiration de sa vie ; fils reconnaissant et dévoué de l'Université, il retrouvait quelque chose des émotions d'autrefois, et il lui était doux de prendre part à la joie des élèves, à l'orgueil de leurs mères, à la légitime fierté des professeurs que le sentiment du bien qu'ils ont fait récompense aussi dans ce jour du devoir consiencieusement accompli.

Ce qui ajoutait à l'attrait de la fête, c'est que le discours d'usage avait pour sujet le Vieil Amiens, et devait être prononcé par un professeur dont chacun s'accordait à vanter le talent. Le choix même d'un tel sujet indiquait qu'il était homme d'esprit. Car il ne pouvait manquer de se concilier les sympathies de son auditoire en lui parlant de cette vieille capitale de la Picardie dont on a quelque raison d'être fier. On aime toujours à entendre rappeler la bravoure proverbiale de ses ancêtres, leur amour du travail, leur passion pour la liberté; même les redites en pareille matière ne sauraient déplaire, surtout quand elles sont bien dites; et sous ce rapport on pouvait compter que le brillant professeur de rhétorique saurait, par le tour heureux de son style élégant, charmer l'oreille en même temps que satisfaire l'esprit des auditeurs.

Élève distingué de notre École normale qui se recrute de l'élite de la jeunesse française, versé dans l'étude des langues vivantes et des languos

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