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sieurs par leurs titres, ou par les noms de leurs auteurs, afin d'y puiser quelques renseignements au besoin. Il en existe au surplus assez de catalogues et de notices bibliographiques. Si donc on écarte, d'une part les livres inutiles même à consulter, de l'autre ceux dont on ne fait usage que lorsqu'on se trouve, par occasion ou par nécessité, entraîné, condamné à les ouvrir, une troisième classe, bien moins volumineuse que chacune des deux précédentes, se formera d'ouvrages réellement instructifs, où tout le fond de la science historique sera compris, et revêtu de ses formes les plus heureuses.

Je parle des formes, parce qu'elles sont des signes plus certains qu'on ne croit de la valeur du fond. Il est extrêmement rare que des livres mal composés, mal écrits, soient utiles à l'instruction commune; il l'est aussi que l'art d'écrire atteigne un haut degré de perfection, sans jeter de vives lumières sur la matière à laquelle il s'applique. Ainsi nous étudierons les grands historiens anciens et modernes, ceux qui sont véritablement classiques et qui ont mérité ce titre par les caractères de leur style. On a fort prodigué ce titre de classique; c'est le sort de toutes les qualifications honorables: on l'a étendu à tout ce qui nous reste de l'antiquité grecque et latine, même à des fragments dont l'authenticité est douteuse, à des opuscules fort médiocres, à des abrégés arides, à des recueils indigestes. Les littératures anciennes n'ont pas eu, plus que les nouvelles, le bonheur de ne produire que des chefs-d'œuvre; et il s'en faut qu'à cet égard le temps ait fait un triage parfaitement équitable, puisqu'il a détruit une si grande partie des œuvres de Tite-Live

et de Tacite, tandis qu'il nous a conservé les épitomes de Florus et d'Ampélius. Nous donnerons peu d'attention à ces livrets antiques, et nous en rejetterons beaucoup parmi les écrits à consulter plutôt qu'à lire. Nous ne reviendrons pas non plus sur quelques faibles débris ou extraits des ouvrages de Ctésias, d'Éphore, de Théopompe, de Timée et de plusieurs autres historiens. Je vous les ai indiqués en traitant des sources particulières de la chronologie ancienne ; et vous avez vu quel usage les chronographes ecclésiastiques ont fait des écrits de ces auteurs. L'histoire proprement dite n'en saurait tirer aucun profit. J'aurai à vous entretenir d'ouvrages plus étendus, plus importants, plus célèbres.

Je ne me boruerai pourtant pas toujours à ceux qui se recommandent par la beauté du style. Il s'en présentera, surtout au moyen âge et dans les siècles modernes, qui, bien que privés de cet avantage, mériteront notre attention par le seul intérêt des matières. Tels sont ceux qui contiennent une branche d'instruction historique, qu'on ne trouverait ailleurs qu'incomplètement et de seconde main. Ce n'est pas qu'il soit utile ni possible de s'arrêter à toutes les histoires originales; encore une fois le détail en serait infini mais il en est dont la lecture est indispensable à cause de l'importance des faits, ou à raison de circonstances relatives, soit à la personne de l'auteur, soit à la composition de l'ouvrage. Ainsi, quoiqu'on ait fait entrer en des histoires générales une grande partie des faits que renferment celles des Goths par Jornandès, du dixième siècle par Liutprand, de saint Louis par Joinville, un cours d'études où l'on négligerait ces his

toriens et ceux qui leur ressemblent serait superficiel. Non-seulement il faut connaître tous les faits mémorables, même ceux qui n'ont pas été bien racontés; mais encore il y a des témoignages trop immédiats ou trop graves, pour n'être pas recueillis et appréciés : aucune autre relation ne les remplace parfaitement. Seulement le choix doit être sévère, et l'on serait entraîné beaucoup trop loin si l'on n'usait point ici de beaucoup de réserve ou même de rigueur. Par exemple, cette vaste collection Byzantine, dont le seul aspect peut effrayer les plus intrépides lecteurs, contient des articles très-divers: il s'y trouve des chroniques universelles dont chacune remonte au commencement du monde; ce sont des compilations ou des abrégés qui ne sont bons à consulter qu'à l'égard des temps les plus voisins de celui où elles ont été rédigées. Ensuite, en réunissant à celle de Zonaras, les continuations faites par Nicétas Acominatus, Nicéphore Gregoras et Laonic Chalcondyle, on a un corps d'annales Byzantines qui n'est guère lisible encore que pour ceux qui s'occupent très-particulièrement de cette matière. J'en dis autant des recueils de Constantin Porphyrogénète et de Georges Codin soit sur la géographie, soit sur les cérémonies et les offices de la cour de Constantinople Reste une suite de morceaux ou mémoires véritablement originaux, depuis le sixième siècle jusqu'au quinzième, et parmi lesquels ceux de Procope, d'Agathias, de Nicéphore Brynne, d'Anne Comnène, de Jean Cantacuzène seront dignes en effet d'être lus.

Vous voyez, Messieurs que ces lectures ne seront pas interminables, puisqu'elles se réduiront, d'une part, aux histoires réellement classiques, c'est-à-dire

habilement écrites, et de l'autre, à celles qui, malgré l'imperfection de leurs formes, offrent une instruction originale, importante et curieuse. Il est bien entendu que nous reconnaissons l'utilité éventuelle de beaucoup d'autres annales ou relations; nous ne les excluons que d'un cours général de lectures historiques.

Quant à l'ordre de ces lectures, je crois qu'on a proposé ou suivi quatre méthodes différentes. Les uns commencent par des abrégés, des recueils, des histoires générales: ils veulent que d'abord l'on étudie l'histoire ancienne dans Rollin, l'histoire romaine dans Vertot, l'histoire de France dans Hénault ou Millot, ou Velly et ses continuateurs, etc. S'il ne s'agissait que de la première instruction, je conçois comment cette méthode serait préférée, surtout si on avait à sa disposition d'excellents livres élémentaires, exempts d'erreurs graves, composés de résultats exactement vérifiés. Il est impossible en effet que de jeunes élèves entreprennent de lire tous les livres classiques et originaux; il faut de nécessité leur en offrir la substance, si l'on veut qu'ils acquièrent, en peu de temps, quelque connaissance des principaux articles de l'histoire. Mais nous nous plaçons ici dans une tout autre hypothèse, nous parlons d'une étude approfondie et digne d'un âge plus avancé. Or, loin que les premiers pas à faire dans une carrière si étendue et si sérieuse doivent consister à se traîner puérilement sur les traces d'un abréviateur ou d'un compilateur moderne, je pense qu'on s'exposerait par là à prendre de très-fausses directions, et que, si l'on possède par avance les connaissances chronologiques et géographiques, philosophiques et littéraires que nous avons essayé de

rassembler, il convient de se transporter aussitôt dans l'histoire même, et de l'étudier dans ses sources les plus vives. En prenant ce parti, il reste encore à choisir entre trois méthodes. L'une divise l'histoire par contrées, par états ou peuples tant anciens que modernes; elle parcourt successivement les annales de l'Égypte, de Carthage, de l'Assyrie, de la Perse, de la Grèce et de Rome, celles de l'empire Byzantin, des royaumes de France, d'Espagne, d'Angleterre, etc. L'autre s'attache principalement à l'ordre des siècles; elle rassemble d'abord les notions historiques des temps les plus reculés, et descend d'âge en âge à l'ère des olympiades, à l'ère chrétienne, et aux époques modernes; elle envisage à la fois dans une même période, séculaire ou autre, toutes les nations, toutes les parties du globe. Vous comprenez que ces deux méthodes obligent à morceler les livres de presque tous les historiens. Si, par exemple, vous voulez étudier ainsi les annales de l'antique Égypte, il vous faudra chercher et détacher ce qui la concerne dans Hérodote, dans Diodore de Sicile, dans plusieurs autres anciens auteurs, et recueillir ensuite ce que les modernes ont répété ou ajouté de relatif à l'état et aux destinées de cette contrée avant J. C. Un travail tout semblable aura lieu pour chacun des autres peuples; et vous ouvrirez à différentes reprises un même historien, au lieu de lire d'un seul fil tout son ouvrage. La distribution par âges ou par siècles entraîne encore plus d'interruptions dans la plupart des lectures car il s'agit d'extraire de chaque livre les faits compris entre deux points déterminés de l'espace des temps. Outre les difficultés et les embarras que

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