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Le moyen de diminuer le nombre de ces gens-là n'est assurément pas de leur offrir, dans nos prisons en commun, un abri qu'ils désirent et recherchent dans leurs mauvais jours; mais de leur faire subir, par l'ennui de l'isolement, une peine dont ils redouteront le retour, et de leur faire ainsi accepter les secours d'un patronage qui les aidera à se créer par le travail des moyens d'existence.

J'ai parlé en commençant cette lecture de mes études sur le vagabondage. Permettez-moi, avant de la terminer, de vous citer un des résultats de ces etudes.

Voulant me rendre compte de la proportion dans laquelle les vagabonds tombaient en récidive, j'ai, en 1860, compulsé, au greffe du tribunal de Rouen, le casier judiciaire, contenant 13,595 bulletins de condamnation à l'emprisonnement, applicables à 8,127 individus, dont 796 seulement avaient subi des condamnations pour fait de vagabondages; d'où suit que les vagabonds n'entraient qu'avec le rapport de 9,7 p. % dans le nombre total des condamnations; mais, sur les 13,595 condamnations prononcées contre l'ensemble de ceux-ci, 3,624 avaient été encourues par des vaga. bonds, ce qui présente un rapport de 26,6 p. % dans le nombre total des condamnations.

En d'autres termes: 7,331 condamnés, non-vagabonds, ayant subi ensemble 9,274 condamnations, et 796 vagabonds en ayant subi 3,624, on peut dire que si, en moyenne, chaque condamné, non vagabond, a subi une condamnation et trois dixièmes, chaque con

damné vagabond en a subi quatre et cinq dixiêmes. Parmi les délits qui ont amené ces 796 vagabonds devant la justice, on trouve 852 vols, 188 injures, outrages et coups et blessures, 48 rébellions, 47 escroqueries, 32 bris de clôtures, 13 délits contre les mœurs, etc.

Désirant, en 1866, contrôler par des documents puisés à une autre source les résultats que m'avait donnés le casier judiciaire, j'ai pris communication au greffe de la cour d'appel de Rouen de cent dossiers de vagabondage, comprenant toutes les affaires de ce genre jugées depuis le commencement de juin 1863 jusqu'à la fin de décembre 1864.

Sur chacune de ces affaires, j'ai fait une notice aussi détaillée que me l'ont permis les pièces du dossier et, avec l'ensemble de ces notices, j'ai fait une statistique.

Les 100 vagabonds avaient subi antérieurement 408 condamnations. Ils en étaient donc, en moyenne, à leur cinquième condamnation.

Leur âge commun était trente ans. Sur les 100 condamnés, 16 seulement en étaient à leur premiére condamnation. Sur les 84 récidivistes, 21 avaient été arrêtés moins d'un mois après leur sortie de prison et 54 moins d'un an.

Ces chiffres ont leur signification.

Déjà, deux excellentes mesures sont prises pour diminuer le nombre des vagabonds. La modification des lois sur la surveillance et la formation des sociétés de patronage donnent aux libérés la facilité du travail; mais le vagabond n'aime pas le travail et, pour

le lui faire accepter, il faut lui faire redouter la peine de son oisiveté.

C'est en vue de ce résultat que j'ai hâte de voir substituer, pour le vagabond, l'emprisonnement cellulaire à l'emprisonnement en commun.

NOTICE

SUR

J.-J.-A. LE VEAU

PAR M. J. HÉDOU.

MESSIEURS,

Il y a trois ans environ je faisais paraître le catalogue de Noël Le Mire, un de nos plus célèbres graveurs de vignettes du siècle dernier si riche en artistes de ce genre, un de nos compatriotes qui ne manquait jamais de se faire un titre de gloire d'être inscrit sur le livre d'or de l'Académie de Rouen. Cette publication me valut l'honneur d'être admis parmi vous, je vous en ai remercié et je vous en remercie encore. Pendant les quinze années de recherches que nécessita ce travail, je dus compulser nombre de volumes illustrés au XVIIIe siècle. A côté des noms des De Launay, des De Longueil, des Ponce, je vis en bas de beaucoup de vignettes remarquables la si

gnature d'un graveur, rouennais comme Noël Le Mire et comme lui membre de l'Académie de Rouen. A ce titre il dut me préoccuper et me préoccupa en effet. Je me promis alors, en dressant le catalogue de son œuvre, d'appeler sur ses travaux et sur son nom l'attention du public, et de faire en sorte que sa réputation fut à la hauteur de son talent. Mais l'homme propose et Dieu dispose.

Les devoirs d'une profession absorbante sont venus depuis m'empêcher de me livrer sérieusement à mes travaux de prédilection et m'interdire toute entre. prise de longue haleine. Il me fallut bien dès lors classer mes beaux projets parmi les rêves à réaliser avec la grâce de Dieu, et le catalogue de Le Veau, puisque c'est de lui qu'il s'agit, se trouva ajourné indéfiniment.

J'avais même presque renoncé à donner suite à mon idée, lorsqu'un bon génie sous les traits de notre érudit confrère, M. de Beaurepaire, me signala l'existence dans les archives de l'Académie d'un éloge de Le Veau prononcé par M.Haillet de Couronne en 1787, alors que ce magistrat distingué remplissait les fonctions de secrétaire perpétuel de l'Académie de Rouen. Je ne vous étonnerai point en vous disant que M. de Beaurepaire mit le comble à sa complaisance en recherchant cet éloge et en me confiant le dossier de Le Veau.

En le recevant de ses mains, je crus à la possibilité de la réalisation de mon vieux projet au moins pour partie, c'est-à-dire en ce qui concernait la biographie de notre graveur. Quant au catalogue de l'œuvre, il ne m'apparaissait encore comme possible que dans un

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