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ordinaire au barreau. C'est assez le propre des fabulistes, et la même liberté d'appréciation se trouve également dans La Fontaine et dans Florian. C'est là, du reste, un des sujets sur lesquels Richer revient le plus volontiers. On le rencontre avec des formes variées dans les Etoiles et le Soleil, livre 8, fable XVII; le Lion et la Mouche, livre 9, fable VI, et dans quelques autres encore. Il en résulte nécessairement un peu de monotonie qu'il lui eut été facile d'éviter.

Comme tous les poëtes, Richer est fort sensible à la critique, et il se venge des Zoïles par ses fables.

Sur le Parnasse il est mainte chenille;
Insectes importuns, venimeux et mordants;
Ils ne respectent rien, plus un ouvrage brille,
Plus sa beauté l'expose à leurs caustiques dents.
(L'Abeille et la Chenille, liv. 8, fable XII.)

Vous possédez en vain, dit-il encore, dans le Rossignol, le Corbeau et le Hibou, livre 2, fable XVIII :

Vous possédez en vain les talents les plus beaux,
Vous trouverez toujours des hiboux, des corbeaux.

Et dans les Grenouilles, livre 9, fable XII, paraphrasant le vers de Boileau :

Un sot trouve toujours un plus sot qui l'admire.

Il représente deux grenouilles qui se félicitent mutuellement de la beauté de leurs chants et termine par cette moralité :

Ainsi deux sots s'entr'applaudissent.

Je pourrais multiplier ces citations, car Richer y revient avec complaisance, et c'est encore un thème qui est souvent reproduit. Mais je m'aperçois qu'avec ces fragments écourtés, je ne vous donne pas sans doute une idée suffisante de la manière de notre poëte, et vous m'approuverez, je l'espère, de terminer cette étude par la lecture de deux fables, l'une qui peut très bien encore s'appliquer aux politiques de notre temps; l'autre qui retrace une petite scène bien posée et bien décrite.

Le Soleil couchant et la Pleine Lune,

Livre 11, fable X.

Phébus, à la fin de son tour,
S'allait coucher dans le sein d'Amphitrite.
La splendeur de l'astre du jour
S'affaiblissait. La Lune, à l'opposite,
Montant sur l'horizon, paraissait dans son plein.
Un payen prosterné ne fut pas incertain
A quel astre il rendrait hommage:
La Lune emporta l'avantage;
Il tourna le dos au Soleil,

Du politique c'est l'image:

Il fait de même en cas pareil.

Voici l'autre fable:

Le Singe et le Savetier,

Livre 5, fable XVII.

Bertrand, animal domestique,

Etait voisin d'un savetier :

Un beau jour qu'il ne vit personne à la boutique,
Notre singe voulut, pour se désennuyer,

Se mêler aussi du métier.

Ses pareils, fourrés de malice,

En toute occasion font niche au genre humain.
Le voilà donc en exercice,

Assis, et le tranchet en main,
Qui du cuir fait mainte aiguillette,
Puis s'enfuit après un tel tour.
L'artisan, chez lui de retour,

Ne croyait pas trouver cette besogne faite.
A l'œuvre on connaît l'ouvrier;

Et Bertrand seul dans son quartier
Est capable du fait telle est sa conjecture.
Il n'est besoin, dit-il, de courir au devin;
C'est toi, singe maudit, ah! de par saint Crépin,
Tu le payeras et dans peu, je le jure,
Ou bien j'y perdrai mon latin.
L'occasion fut peu de temps à naître.
Après quelques instants, ayant vu reparaître
Le magot, dont les yeux étaient sur lui fixés,
Alors notre savetier George

Se passe plusieurs fois le tranchet sur la gorge, Mais par le dos, cela s'entend assez,

Puis s'absente à dessein. Le singe eut la manie De répéter cette cérémonie.

Un vaurien quelquefois se prend au trébuchet: D'un autre sens que George il tourna le tranchet, Ainsi finit la comédie.

RÉFLEXIONS

SUR

L'APPLICATION DE LA LOI RELATIVE AU VAGABONDAGE,

PAR M. HOMBERG.

MESSIEURS,

L'étude, approfondie que j'ai faite de la question du vagabondage m'a suggéré, sur l'application de la loi du 5 juin 1875, quelques réflexions que je désire

vous soumettre.

Les avantages de l'emprisonnement cellulaire ne sont plus à discuter. Personne ne les conteste. Seulement, à côté de ces avantages, il existe des inconvénients également certains et c'est la balance entre ces avantages et ces inconvénients qui a fait si longtemps hésiter sur la question que vient de trancher la loi de 1875.

L'incarcération étant une peine appliquée indistinc

tement à tous les délinquants, quelque soit la classe de la population à laquelle ils appartiennent, quelque soit aussi leur tempérament physique et moral, les conséquences de l'isolement ne pourront être les mêmes pour chacun d'eux. A l'égard des uns, il sera un adoucissement; à l'égard des autres, une aggravation.

Tant que cette aggravation ne dépassera pas certaines limites, il n'y aura pas lieu de s'en émouvoir. Plus la peine aura été difficile à supporter, plus elle fera craindre la récidive; mais une condamnation à l'emprisonnement n'est pas une condamnation à mort, et, si l'isolement devait amener le suicide ou la folie, il dépasserait le but que doit se proposer la justice répressive.

Hé bien ! je vous prie de vouloir bien réfléchir sur les conséquences de l'incarcération dans certaines circonstances.

Un homme, riche ou pauvre, mais domicilié, est entouré d'une famille au sein de laquelle il trouve les jouissances du cœur. C'est peut-être par un excès de tendresse pour son épouse, pour ses enfants, afin d'augmenter leur bien être ou de les sauver de la misère, qu'il s'est rendu coupable.

Il va être arraché à ces objets de son affection que, peut être, son travail fesait vivre et que son absence laissera sans soutien et sans moyens d'existence.

Jusqu'à ce jour, il jouissait de l'estime publique, ses affaires prospéraient. Tout à coup, il se voit flétri et ruiné; son chagrin est voisin du désespoir. Si, avec ses sombres idées, vous l'enfermez, vous l'isolez; si vous ne lui accordez pas, je pourrais dire: vous ne lui imposez pas les distractions forcées de la

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