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sur l'autre; une médaille, par exemple, placée quelque temps sur une glace y laisse souvent son empreinte, et quand elle est invisible, il suffit de souffler légèrement sur la glace pour la voir apparaître aussitôt.

Ces mouvements des molécules sont difficiles à reconnaître dans les corps solides; mais on est, diton, parvenu à les observer et à les mesurer dans les corps liquides ou gazeux. Dans ces derniers, ils sont très rapides: 1,859 mètres par seconde dans l'hydrogène, 465 mètres dans l'oxygène, 396 mètres dans l'acide carbonique, 416 mètres dans l'air, résultats indiqués par M. Ditte, qui ajoute Si tous ces atomes (de l'air) suivaient la même direction, ils constitueraient un vent soufflant avec une violence que, seul, le gaz qui sort de la bouche d'un canon atteint à peine, et, si nous restons debout au milieu de cette effroyable tempête, c'est que les molécules se meuvent dans tous les sens imaginables, que celles qui nous frappent par derrière nous donnent la force de supporter celles qui nous arrivent au visage, tandis que toutes ensemble maintiennent en équilibre les fluides de notre corps.

Ce serait alors l'ensemble des chocs simultanés des molécules des gaz sur les parois des vases où ils sont renfermés qui constituerait la pression exercée sur ces parois, laquelle varierait nécessairement dans dans le même rapport que le nombre des molécules contenues dans un même espace, d'où la loi de Mariotte.

Mais depuis longtemps sans doute, Messieurs, vous devez dire que j'ai oublié le sujet de ma thèse en quittant le terrain des sciences exactes pour le terrain moins solide des sciences d'observation. C'est qu'ils

sont, en effet, bien rapprochés l'un de l'autre, et que la mécanique rationnelle, leur limite commune, semble appartenir à tous deux par elle les faits observés se traduisent en lois mathématiques, pourvu qu'ils aient été suffisamment établis. Les sciences exactes et les sciences d'observation se prêtent un secours mutuel, et ces derniers résultats de l'expérience peuvent fournir un nouveau champ de recherches aux Mathématiques pures, augmenter ainsi l'intérêt qu'elles présententent, en ajoutant encore à leur importance dans l'étude de la nature.

C'est ce que je me proposais d'établir en dernier lieu.

Veuillez donc m'excuser d'avoir abusé si longtemps de votre bienveillante attention.

RÉPONSE

AU DISCOURS DE RÉCEPTION DE M. JUBÉ

Par M. Henri FRÈRE,

Président,

MONSIEUR,

Vous avez la modestie de craindre que la nature spéciale de vos études ne donne à vos lectures, parmi nous, un caractère aride et exclusif. Cette appréhension, contre laquelle proteste votre auditoire tout entier, me paraît aussi mal fondée qu'elle est naturelle chez un savant comme vous. La modestie des hommes qui savent beaucoup, la suffisance des hommes qui savent peu ne me surprennent ni l'une ni l'autre. L'homme qui sait beaucoup goûte ce qu'il sait, mais il regrette encore plus ce qu'il ne sait pas. Isolé dans sa vie de labeurs et de recherches, l'œil fixé sur l'immense frontière des connaissances hu

maines vers laquelle il marche de toutes ses forces, et que sa plus grande joie serait de reculer après l'avoir atteinte, il voit bien moins le chemin parcouru que celui restant à faire. Il se défie de lui-même et craint toujours qu'il ne lui manque quelqu'une des armes avec lesquelles on touche le but.

A quel autre sentiment attribuer cette pensée de Pascal, si facilement explicable par la profondeur de son humilité, si violemment démentie par l'amplitude de son génie : « Il existe, dit-il, deux sortes d'esprits, qui sont : l'un de pénétrer vivement et « profondément les conséquences des principes, et « c'est là l'esprit de justesse; l'autre, de comprendre un

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grand nombre de principes, sans les confondre, et « c'est là l'esprit de géométrie. L'un est force et droi«<ture d'esprit; l'autre est étendue d'esprit. Or, l'un << peut être sans l'autre, l'esprit pouvant être fort et « étroit, et pouvant être aussi étendu et faible. » Et Pascal continue en expliquant, ce que les privilégiés comme vous, monsieur, peuvent entendre, sans être offensés, pourquoi il est rare que les géomètres soient fins et que les esprits fins soient géomètres.

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En vous entendant on s'étonne de cette distinction. Pascal l'ayant faite, vous voudriez sans doute ne pas la répudier. Mais vous seriez le seul ici à en soutenir la justesse absolue. Pour vous combattre, nous vous citerions, avant tout, votre propre exemple. Des deux esprits dont parle Pascal, aucun ne vous manque. Vos succès dans le monde des sciences, votre belle carrière dans l'Université le disent assez haut pour que l'Académie l'ait entendu. On lui reproche quel

quefois son grand âge; mais elle a l'oreille encore bonne, et c'est son plaisir de la tendre ainsi aux bruits du dehors, qui lui signalent, dans la vieille capitale normande, une autorité scientifique ou littéraire à s'associer, une gloire locale à consacrer. Les Académies de province ne se font pas illusion. Elles ne peuvent prétendre qu'on se presse à leurs portes ni s'imaginer qu'on veuille les forcer. Quand elles croient de leur honneur de provoquer une candidature, elles le font. Elles considèrent comme une sorte de tradition d'obéir aux désignations de l'opinion pu blique, qui peut se tromper dans beaucoup de matières, mais qui juge bien celle-là, peut-être à cause de la simplicité de l'honneur à décerner et du désintéressement des concurrents. C'est souvent ainsi que nous nous recrutons, sans demander qui fera le premier pas. Loin d'ici les questions d'amour-propre. Les membres de notre Académie n'ont qu'un désir la maintenir à la place honorable et distinguée que lui ont faite leurs prédécesseurs. Pour nous flatter d'y avoir réussi, le moment n'est pas inopportun. Cette année même, l'Académie des Sciences, BellesLettres et Arts de Rouen a obtenu l'une des trois grandes médailles que le Ministre de l'Instruction publique a décernées aux Sociétés savantes les plus méritantes dans les départements; et c'est au milieu des applaudissements d'une foule sympathique qu'elle a été recevoir des mains du Ministre, dans la graude salle de la Sorbonne, cette haute distinction.

Voilà nos, succès, voilà nos efforts, voilà nos désirs.

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