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législation et aux mœurs chrétiennes, sur ce point. Il met sur les lèvres de Laurent expirant, la prophétie, et en quelque sorte la vision, d'une Rome baptisée, où les statues des dieux, considérées comme de simples objets d'art et dépouillées de tout caractère idolâtrique, brilleront d'une éclatante beauté.

Rome renfermait plusieurs milliers de statues qui peuplaient les théâtres, les cirques, les thermes, les places publiques, les temples: tous ces spécimens de l'art furent respectés à cause de leur valeur artistique. Un evêque qui visitait Rome au XIIe siècle, constatait qu'on les entourait encore de soins pieux, non évidemment à cause des divinités qu'elles représentaient, mais en raison du génie des artistes qui les avaient créées. Les temples furent dépouillés de ces gracieux vestiges lors de l'invasion des Goths. De cette époque date l'emploi dans les catacombes des marbres recueillis dans les ruines des anciens temples.

Après ce coup d'oeil jeté sur les origines du Christianisme et les derniers jours de la Société païenne, nous traversons les siècles, et nous nous transportons, sans plus de transition, grâce aux immunités de notre rôle de rapporteur, en plein moyenâge.

M. J. d'Argis raconte comment la dynastie capétienne s'établit en Hongrie en 1308, dans la personne de Charles Robert d'Anjou. Fidèle à son habitude de choisir dans son sujet des scènes dramatiques d'un puissant effet, M. d'Argis décrit, avec un style étincelant comme les lances des Magyars, la scène qui décida, dans la vaste plaine de Bude, en

1308, de l'élection du prince français. A peine sur le trône, Charles Robert conçut le projet de réunir la Pologne et la Hongrie. Il épousa dans cette vue la fille de Wladislas Lokietek devenu Casimir III, et entoura son beau père d'attentions intéressées. Il obtint même du roi de Pologne qu'il reconnût comme héritier de sa couronne, Louis d'Anjou, son propre fils. Les diètes polonaises cédant à l'intérêt de la chrétienté menacée par les Turcs plus encore qu'aux instances de Casimir III, reconnurent en 1339 Louis d'Anjou pour son successeur. Charles Robert, heureux d'avoir vu la réalisation de ses vastes desseins mourut en 1342 après un règne de 34 ans. Sa magnifique conception qui ne putlui survivre que quelques années, n'a pas été aussi admirée qu'elle le méritait, mais il ne tiendra pas à la brillante étude de notre confrère qu'elle ne frappe vivement l'attention.

Dans une séance suivante, notre honorable confrère nous a retracé, sous le titre de Le Gant de Conradin, une scène émouvante de l'histoire de la Sicile. Conradin du haut de l'échafaud où il périt à Naples en 1268, avait jeté son gant de bataille qu'il prescrivit de porter, comme signe d'investiture du royaume de Sicile, à Don Pedro, roi d'Arragon qui l'accepta. Celui-ci prépare une expédition maritime en mai 1282, et pour détourner les soupçons, envoie un ambassadeur au pape Martin IV, pour lui proposer d'employer cette flotte à une croisade contre les Barbaresques.

Pendant ce temps, Charles Ier assiégeait mollement la ville de Palerme. Les députés Palermitains vont trouver Don Pedro et le conjurent de voler au secours de Messine qui va périr, et vers la Sicile,

fatiguée de la domination Angevine, qui l'appelle comme son libérateur et son roi. Don Pédro donne l'ordre à sa flotte de cingler vers Messine, s'en empare, la rend inexpugnable et ajoute à la couronne d'Arragon cette perle de la Méditerranée. Tel est le squelette de ce travail historique auquel il faudrait pour lui rendre la vie, restituer sa chair et ses nerfs, c'est-à-dire, l'animation du récit, le pittoresque des descriptions, les vives couleurs du style, et cet art de la mise en scène que nous avons déjà signalé dans les écrits de notre confrère.

L'Académie s'est occupée aussi, cette année, comme son programme l'y autorise, d'économie sociale, et a continué sur ce point d'excellentes traditions. La question des Tours n'a pas occupé moins de quatre séances pendant les quelles elle a étudiée sous tous les aspects par MM. Semichon, Decorde, Félix, Foville et de Lérue. M. Semichon s'est livré à un examen minutieux de la question, dont il a d'abord présenté l'historique, puis il a invoqué tous les arguments de l'ordre moral, économique et adminis tratif pour établir: 1°les inconvénients graves qu'entraînerait le rétablissement des tours anciens, 2o les résultats satisfaisants obtenus par le régime des tours surveillés, et par les secours donnés à domicile aux filles-mères depuis 1862.

M. Félix a combattu les conclusions de M. Semichon par des observations tirées de l'ordre moral et par l'exposé des faits qui lui paraissent militer en faveur du rétablissement des tours. M. Decorde a ajouté des renseignements nombreux fournis par statistique, en confirmation de l'opinion précédente.

la

M. Semichon a répliqué à ses honorables contradicteurs et a été soutenu par les considérations développées par M. de Lérue. L'exposé de ces diverses opinions, qui ont donné lieu à une joute oratoire des plus courtoises et des plus intéressantes, nous entraînerait trop loin. Tous les arguments qu'on a coutume d'invoquer pour ou contre le rétablissement du tour ancien ont passé sous nos yeux. Des éléments nouveaux ont été introduits cependant dans la discussion, ce sont les renseignements qui concernent en particulier notre département et que nos procèsverbaux conservent précieusement. Les orateurs, qui ont conclu au rétablissement des tours, ont exprimé aussi le vœu que le fonctionnement de cette institution fût amélioré et complété par toutes les mesures de prévoyance, d'hygiène et d'assistance dont le progrès des sciences médicales et économiques a doté la société.

M. Homberg a initié l'Académie au régime des établissements américains, connus sous le nom de Société de patronage des Enfants et destinés à l'assistance des enfants abandonnés.

Après avoir fait ressortir ce que ces établissements offrent de secours, de soins, de garanties morales pour la bonne éducation des enfants, M. Homberg examine les colonies agricoles pénitentiaires établies en France et compare entre elles les deux institutions.

En Amérique, l'enfant assisté judiciairement n'est pas considéré ni traité comme un coupable qu'il faut punir, mais comme un infortuné qui a été mal élevé, dont il faut refaire l'éducation et réformer les mœurs.

On le place d'abord dans un lieu de dépôt où on étudie sa nature et son caractère avant de statuer sur son sort, et, selon les dispositions qu'il a montrées, on dirige sa vie on le maintient dans des internats ou on le place dans des familles sûres.

En France, c'est dans une colonie pénitentiaire que les jeunes détenus, acquittés en vertu de l'article 66 du Code pénal, doivent être conduits pour être élevés sous une discipline sévère. M. Homberg se livre à des considérations générales sur l'éducation de nos maisons correctionnelles et croit pouvoir conclure qu'on y forme une pépinière de malfaiteurs fort bien soignés, fort bien nourris et éduqués, qui sortent robustes et bien instruits avec tous les moyens de se créer par le travail une honnête existence, mais auxquels il manquera une chose: la volonté de se bien conduire. L'absence de cette volonté rendra tout le reste, non-seulement inutile, mais dangereux pour la société. Ses critiques ne visent pas les personnes ni les intentions auxquelles il se plaît à rendre un public et légitime hommage, mais l'institution seule. L'étude de M. Homberg a donné lieu à des observations présentées par M. Félix et par M. le Dr Foville. Faut-il ajouter une foi absolue aux louanges que se décernent les Américains, passés maîtres dans l'art de la réclame, et ne voir dans nos colonies pénitentiaires que les côtés défectueux inhérents à toute institution humaine? Les honorables préopinants ne l'ont pas pensé : M. Félix en particulier s'est attaché à montrer, par des exemples bien choisis, les services que rendent nos colonies agricoles de jeunes détenus, tout en convenant que

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