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et Agamemnon n'avaient non plus été que la pomme d'or. Il ne pensait pas aussi à en faire une histoire, mais seulement un divertissement. Il est le seul qui écrit de son temps; la beauté de l'ouvrage fait durer la chose : tout le monde l'apprend et en parle : il la faut savoir; chacun la sait par cœur. Quatre cents ans après, les témoins des choses ne sont plus vivants, personne ne sait plus par sa connaissance si c'est une fable ou une histoire : on l'a seulement appris de ses ancêtres, cela peut passer pour vrai.

ARTICLE VII.

DES JUIFS'.

I.

La création et le déluge étant passés, et Dieu ne devant plus détruire le monde, non plus que le recréer ni donner de ces grandes marques de lui, il commença d'établir un peuple sur la terre, formé exprès, qui devait durer jusqu'au peuple que le Messie formerait par son esprit.

II.

Dieu voulant se former un peuple saint, qu'il séparerait de toutes les autres nations, qu'il délivrerait de ses ennemis, qu'il mettrait dans un lieu de repos, a promis de le faire et a prédit par ses prophètes le temps et la manière de sa venue. Et cependant, pour affermir l'espérance de ses élus dans tous les temps, il leur en a fait voir l'image, sans les laisser jamais sans des assurances de sa puissance et de sa volonté pour leur salut. Car, dans la création de l'homme, Adam en était le témoin, et le dépositaire de la promesse du Sauveur qui

1 L'édition de 1779 porte: Des Juifs considèrès par rapport à notre religion. Celle de M. Faugère: Du peuple Juif.

devait naître de la femme. Lorsque les hommes étaient encore si proches de la création, qu'ils ne pouvaient avoir oublié leur création et leur chute; lorsque ceux qui avaient vu Adam n'ont plus été au monde, Dieu a envoyé Noé, et il l'a sauvé et noyé toute la terre par un miracle qui marquait assez et le pouvoir qu'il avait de sauver le monde, et la volonté qu'il avait de le faire et de faire naître de la semence de la femme celui qu'il avait promis.

Ce miracle suffisait pour affermir l'espérance des... [ hommes].

La mémoire du déluge étant encore si fraîche parmi les hommes, lorsque Noé vivait encore, Dieu fit ses promesses à Abraham, et lorsque Sem vivait encore, Dieu envoya Moïse, etc.

III.

Dieu, voulant faire paraître qu'il pouvait former un peuple saint d'une sainteté invisible, et le remplir d'une gloire éternelle, a fait des choses visibles: comme la nature est une image de la grâce, il a fait dans les biens de la nature ce qu'il devait faire dans ceux de la grâce, afin qu'on jugeât qu'il pouvait faire l'invisible, puisqu'il faisait bien le visible. Il a donc sauvé ce peuple du déluge; il l'a fait naître d'Abraham; il l'a racheté d'entre ses ennemis, et l'a mis dans le repos.

L'objet de Dieu n'était pas de sauver du déluge, et de faire naître d'Abraham tout un peuple, pour ne l'introduire que dans une terre grasse.

IV.

Dieu voulant priver les siens des biens périssables, pour montrer que ce n'était pas par impuissance, il a fait le peuple juif.

Les Juifs avaient vieilli dans ces pensées terrestres, que Dieu aimait leur père Abraham, sa chair, et ce qui

en sortirait que pour cela il les avait multipliés et distingués de tous les autres peuples, sans souffrir qu'ils s'y mêlassent; que quand ils languissaient dans l'Égypte, il les en retira avec tous ses grands signes en leur faveur; qu'il les nourrit de la manne dans le désert; qu'il les mena dans une terre bien grasse, qu'il leur donna des rois, et un temple bien bâti pour y offrir des bêtes, et par le moyen de l'effusion de leur sang qu'ils seraient purifiés; et qu'il leur devait enfin envoyer le Messie, pour les rendre maîtres de tout le monde. Et il a prédit le temps de sa venue.

Les Juifs étaient accoutumés aux grands et éclatants miracles; et ainsi ayant eu les grands coups de la mer Rouge et la terre de Chanaan comme un abrégé des grandes choses de leur Messie, ils en attendaient de plus éclatantes, dont ceux de Moïse n'étaient que les échantillons.

Le monde ayant vieilli dans ces erreurs charnelles, JÉSUS-CHRIST est venu dans le temps prédit, mais non pas dans l'éclat attendu; et ainsi ils n'ont pas pensé que ce fût lui. Après sa mort, saint Paul est venu apprendre aux hommes que toutes ces choses étaient arrivées en figures; que le royaume de Dieu ne consistait pas en la chair, mais en l'esprit ; que les ennemis des hommes n'étaient pas les Babyloniens, mais leurs passions; que Dieu ne se plaisait pas aux temples faits de main d'homme, mais en un cœur pur et humilié; que la circoncision du corps était inutile, mais qu'il fallait celle du cœur; que Moïse ne leur avait pas donné le pain du ciel, etc.

Mais Dieu n'ayant pas voulu découvrir ces choses à ce peuple qui en était indigne, et ayant voulu néanmoins les prédire afin qu'elles fussent crues, il en a prédit le temps clairement, et les a quelquefois exprimées clairement, mais abondamment en figures, afin

que ceux qui aimaient les choses figurantes s'y arrêtassent, et que ceux qui aimaient les figurées les y vissent.

V.

I

Les Juifs charnels n'entendaient ni la grandeur ni l'abaissement du Messie prédit dans leurs prophéties. Ils l'ont méconnu dans sa grandeur, comme quand il dit que le Messie sera seigneur de David, quoique son fils; qu'il est devant qu'Abraham fût, et qu'il l'a vu. Ils ne le croyaient pas si grand qu'il fût éternel, et ils l'ont méconnu de même dans son abaissement et dans sa mort. Le Messie, disaient-ils, demeure éternellement, et celui-ci dit qu'il mourra. Ils ne le croyaient donc ni mortel, ni éternel : ils ne cherchaient en lui qu'une grandeur charnelle.

Les Juifs ont tant aimé les choses figurantes, et les ont si bien attendues, qu'ils ont méconnu la réalité quand elle est venue dans le temps et en la manière prédite.

VI.

Ceux qui ont peine à croire en cherchent un sujet en ce que les Juifs ne croient pas. Si cela était si clair, dit-on, pourquoi ne croyaient-ils pas? et voudraient quasi qu'ils crussent, afin de n'être pas arrêtés par l'exemple de leur refus. Mais c'est leur refus même qui est le fondement de notre créance. Nous y serions moins disposés s'ils étaient des nôtres. Nous aurions alors un plus ample prétexte. Cela est admirable d'avoir rendu les Juifs grands amateurs des choses prédites, et grands ennemis de l'accomplissement!

'Ce dernier qu'il pourrait être équivoque, s'il n'était déterminé par les textes évangéliques que l'auteur a ici en vue. Abraham votre père, dit JÉSUS-CHRIST, a désiré avec ardeur de voir mon jour : il l'a vu, et il en a été comblé de joie... Avant qu'Abraham fût, j'étais. ( Jean, 8, 56 et 58.) C'est donc Abraham qui a vu.

VII.

Il fallait que, pour donner foi au Mesșie, il y eût eu des prophéties précédentes, et qu'elles fussent portées par des gens non suspects et d'une diligence et fidélité, et d'un zèle extraordinaire et connu de toute la terre.

Pour faire réussir tout cela, Dieu a choisi ce peuple charnel, auquel il a mis en dépôt les prophéties qui prédisent le Messie comme libérateur et dispensateur des biens charnels que ce peuple aimait; et ainsi il a eu une ardeur extraordinaire pour ses prophètes, et a porté à la vue de tout le monde ces livres qui prédisent leur Messie, assurant toutes les nations qu'il devait venir, et en la manière prédite dans leurs livres, qu'ils tenaient ouverts à tout le monde. Et ainsi ce peuple déçu par l'avénement ignominieux et pauvre du Messie, [ils] ont été ses plus cruels ennemis. De sorte que voilà le peuple du monde le moins suspect de nous favoriser, et le plus exact et le plus zélé qui se puisse dire pour sa loi et pour ses prophètes, qui les porte incorrompus.

VIII.

Ceux qui ont rejeté et crucifié JÉSUS-CHRIST, qui leur a été en scandale, sont ceux qui portent les livres qui témoignent de lui, et qui disent qu'il sera rejeté et en scandale. Ainsi ils ont marqué que c'était lui en le refusant; et il a été également prouvé, et par les Juifs justes qui l'ont reçu, et par les injustes qui l'ont rejeté, l'un et l'autre ayant été prédits.

C'est pour cela que les prophéties ont un sens caché, le spirituel, dont ce peuple était ennemi, sous le charnel, dont il était ami. Si le sens spirituel eût été découvert, ils n'étaient pas capables de l'aimer; et ne pouvant le porter, ils n'eussent pas eu le zèle pour la conservation de leurs livres et de leurs cérémonies. Et

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