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une âme flétrie par des études trop positives et par les habitud sens qui emportent un jeune homme timide, pauvre, et en temps délicat et instruit; car ces hommes ne pouvant se pl une liaison continuée où on ne leur rapporte en échange qu'u prit vulgaire et une âme façonnée à l'image de cet esprit, en et ennuyeux auprès de telles femmes, et d'ailleurs ne pouvant plus haut ni par leur audace ni par des talents encore cachés, chent le plaisir d'une heure qui amène le dégoût de soi-mêm ressemblent à ces femmes bien élevées et sans richesses, qui ne vent souffrir un époux vulgaire, et à qui une union mieux as est interdite par la fortune.

<<< Il y a une audace et un abandon dans la confidence des vements d'un pareil cœur, bien rares en notre pays et qui anno le poëte.

« Aujourd'hui (dans les Consolations) il sort de sa débauche son ennui; son talent mieux connu, une vie littéraire qui resse à un combat, lui ont donné de l'importance et l'ont sauvé de l'a sement. Son âme honnête et pure a ressenti cette renaissance tendresse, avec reconnaissance. Il s'est tourné vers Dieu d'où la paix et la joie.

« Il n'est pas sorti de son abattement par une violente secou c'est un esprit trop analytique, trop réfléchi, trop habitué à use impressions en les commentant, à se dédaigner lui-même en s' minant beaucoup; il n'a rien en lui pour être épris éperdume pousser sa passion avec emportement et audace; plus tard peut-ê aujourd'hui il cherche, il attend et se défie.

<< Mais son cœur lui échappe et s'attache à une fausse imag l'amour. L'étude, la méditation religieuse, l'amitié l'occuper elles ne le remplissent pas, et détournent ses affections. La per de l'art noblement conçu le soutient et donne à ses travaux une gnité que n'avaient pas ses premiers essais, simples épancheme de son âme et de sa vie habituelle.-Il comprend tout, aspire à to et n'est maître de rien ni de lui-même. Sa poésie a une ingén de sentiments et d'émotions qui s'attachent à des objets pour quels le grand nombre n'a guère de sympathie, et où il y a plu travers d'esprit ou habitudes bizarres de jeune homme pauvre souffreteux, qu'attachement naturel et poétique. La misère domes que vient gémir dans ses vers à côté des élans d'une noble âme causer ce contraste pénible qu'on retrouve dans certaines scèn

dc Shakspeare (Lear, etc.), qui excite notre pitié, mais non pas une émotion plus sublime.

« Ces goûts changeront; cette sincérité s'altérera; le poëte se révélera avec plus de pudeur, il nous montrera les blessures de son âme, les pleurs de ses yeux, mais non plus les flétrissures livides de ses membres, les égarements obscurs de ses sens, les haillons de son indigence morale. Le libertinage est poétique quand c'est un emportement du principe passionné en nous, quand c'est philosophie audacieuse, mais non quand il n'est qu'un égarement furtif, une confession honteuse. Cet état convient mieux au pécheur qui va se régénérer; il va plus mal au poëte qui doit toujours marcher simple et le front levé; à qui il faut l'enthousiasme ou les amertumes profondes de la passion.

<< L'auteur prend encore tous ses plaisirs dans la vie solitaire, mais il y est ramené par l'ennui de ce qui l'entoure, et aussi effrayé par l'immensité où il se plonge en sortant de lui-même. En rentrant dans sa maison, il se sent plus à l'aise, il sent plus vivement par le contraste; il chérit son étroit horizon où il est à l'abri de ce qui le gêne, où son esprit n'est pas vaguement égaré par une trop vaste perspective. Mais si la foule lui est insupportable, le vaste espace l'accable encore, ce qui est moins poétique. Il n'a pas pris assez de fierté et d'étendue pour dominer toute cette nature, pour l'écouter, la comprendre, la traduire dans ses grands spectacles. Sa poésie par là est étroite, chétive, étouffée : on n'y voit pas un miroir large et pur de la nature dans sa grandeur, la force et la plénitude de sa vie: ses tableaux manquent d'air et de lointains fuyants.

« Il s'efforce d'aimer et de croire, parce que c'est là-dedans qu'est le poëte mais sa marche vers ce sentiment est critique et logique, si je puis ainsi dire. Il va de l'amitié à l'amour comme il a été de l'incrédulité à l'élan vers Dieu.

<< Cette amitié n'est ni morale ni poétique...»

Ici s'arrête la note inachevée. Si jamais le troisième Recueil qui fait suite immédiatement aux Consolations et à Joseph Delorme, et qui n'est que le développement critique et poétique des mêmes sentiments dans une application plus précise, vient à paraître (ce qui ne saurait avoir lieu de longtemps), il me semble, autant qu'on peut prononcer sur soi-même, que le jugement de Farcy se trouvera en bien des points confirmé.

DIDEROT.

J'ai toujours aimé les correspondances, les conversations, les pensées, tous les détails du caractère, des mœurs, de la biographie, en un mot, des grands écrivains; surtout quand cette biographie comparée n'existe pas déjà rédigée par un autre, et qu'on a pour son propre compte à la construire, à la composer. On s'enferme pendant une quinzaine de jours avec les écrits d'un mort célèbre, poëte ou philosophe; on l'étudie, on le retourne, on l'interroge à loisir; on le fait poser devant soi; c'est presque comme si l'on passait quinze jours à la campagne à faire le portrait ou le buste de Byron, de Scott, de Goethe; seulement on est plus à l'aise avec son modèle, et le tête-à-tête, en même temps qu'il exige un peu plus d'attention, comporte beaucoup plus de familiarité. Chaque trait s'ajoute à son tour, et prend place de lui-même dans cette physionomie qu'on essaie de reproduire; c'est comme chaque étoile qui apparait successivement sous le regard et vient luire à son point dans la trame d'une belle nuit. Au type vague, abstrait, général, qu'une premièrè vue avait embrassé, se mêle et s'incorpore par degrés une réalité individuelle, précise, de plus en plus accentuée et vivement scintillante; on sent naître, on voit venir la ressemblance; et le jour, le moment où l'on a saisi le tic familier, le sourire révélateur, la

erçure indéfinissable, la ride intime et douloureuse qui se ache en vain sous les cheveux déjà clair-semés, à ce monent l'analyse disparait dans la création, le portrait parle et it, on a trouvé l'homme. Il y a plaisir en tout temps à ces ortes d'études secrètes, et il y aura toujours place pour les productions qu'un sentiment vif et pur en saura tirer. Touours, nous le croyons, le goût et l'art donneront de l'àropos et quelque durée aux œuvres les plus courtes et les lus individuelles, si, en exprimant une portion même resreinte de la nature et de la vie, elles sont marquées de ce ¿ceau unique de diamant, dont l'empreinte se reconnaît tout l'abord, qui se transmet inaltérable et imperfectible à travers les siècles, et qu'on essaierait vainement d'expliquer ou de contrefaire. Les révolutions passent sur les peuples, et font tomber les rois comme des têtes de pavots; les sciences s'agrandissent et accumulent; les philosophies s'épuisent; et cependant la moindre perle, autrefois éclose du cerveau de l'homme, si le temps et les barbares ne l'ont pas perdue en chemin, brille encore aussi pure aujourd'hui qu'à l'heure de sa naissance. On peut découvrir demain toute l'Égypte et toute l'Inde, lire au cœur des religions antiques, en tenter de nouvelles, l'ode d'Horace à Lycoris n'en sera, ni plus ni moins, une de ces perles dont nous parlons. La science, les philosophies, les religions sont là, à côté, avec leurs profondeurs et leurs gouffres souvent insondables; qu'importe? elle, la perle limpide et une fois née, se voit fixe au haut de son rocher, sur le rivage, dominant cet océan qui remue et varie sans cesse; plus humide, plus cristalline, plus radieuse au soleil après chaque tempête. Ceci ne veut pas dire au moins que la perle et l'océan d'où elle est sortie un jour ne soient pas liés par beaucoup de rapports profonds et mystérieux, ou, en d'autres termes, que l'art soit du tout indépendant de la philosophie, de la science et des révolutions d'alentour. Oh! pour cela, non; chaque océan donne ses perles, chaque climat les mûrit diversement et les colore; les

coquillages du golfe Persique ne sont pas ceux de l'Islar Seulement l'art, dans la force de génération qui lui est pro a quelque chose de fixe, d'accompli, de définitif, qui cr un moment donné et dont le produit ne meurt plus; qu varie pas avec les niveaux; qui n'expire ni ne grossit a les vagues; qui ne se mesure ni au poids ni à la brasse qui, au sein des courants les plus mobiles, organise une taine quantité de touts, grands et petits, dont les plus cho et les mieux venus, une fois extraits de la masse flottar n'y peuvent jamais rentrer. C'est ce qui doit consoler et s tenir les artistes jetés en des jours d'orages. Partout il moyen pour eux de produire quelque chose; peu ou be coup, l'essentiel est que ce quelque chose soit le mieux porte en soi, précieusement gravée à l'un des coins marque éternelle. Voilà ce que nous avions besoin de n dire avant de nous remettre, nous, critique littéraire, à l'ét curieuse de l'art, et à l'examen attentif des grands indivi du passé; il nous a semblé que, malgré ce qui a éclaté da le monde et ce qui s'y remue encore, un portrait de Regni de Boileau, de La Fontaine, d'André Chénier, de l'un de hommes dont les pareils restent de tout temps fort rares, serait pas plus une puérilité aujourd'hui qu'il y a un an; en nous prenant cette fois à Diderot philosophe et artis en le suivant de près dans son intimité attrayante, en voyant dire, en l'écoutant penser aux heures les plus [fai lières, nous y avons gagné du moins, outre la connaissar d'un grand homme de plus, d'oublier pendant quelques jou l'affligeant spectacle de la société environnante, tant de n sère et de turbulence dans les masses, un si vague effroi, si dévorant égoïsme dans les classes élevées, les gouvern ments sans idées ni grandeur, des nations héroïques qu' immole, le sentiment de patrie qui se perd et que rien plus large ne remplace, la religion retombée dans l'arè d'où elle a le monde à reconquérir, et l'avenir de plus en pl nébuleux, recélant un rivage qui n'apparaît pas encore.

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