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historiques et littéraires sur Bâle au quatorzième siècle : topographie, institutions politiques et judiciaires, vie sociale et principaux événements de cette époque.

Dans le troisième volume des Archives de la Société historique du canton de Berne, M. le professeur Hidber présente des considérations générales sur les causes des guerres de Bourgogne et de Souabe et sur le rôle politique de Berne à la fin du quinzième siècle : cette étude, destinée à servir d'introduction à un rôle des troupes bernoises en 1499, touche à un sujet que les travaux de MM. de Rodt, de Gingins et Zellweger ont mis à l'ordre du jour de la science historique. Un autre membre de la Société bernoise, M. de Mülinen-Gurowski, a consacré tout un mémoire au voyage accompli au travers de la Suisse, en novembre et décembre 1797, par le général Bonaparte, appelé à se rendre de Milan au congrès de Rastadt. C'est une étude minutieuse, basée sur des récits contemporains et sur des souvenirs personnels, retraçant jour par jour, ou plutôt heure par heure, les faits et gestes du général et l'accueil dont il fut l'objet. Le côté politique de ce voyage et ses graves conséquences sont également mis en relief. Enfin, dans ce même volume, mais sous une pagination différente, M. l'archiviste de Stürler a continué la publication de tous les documents contemporains officiels ou non officiels relatifs à la réformation bernoise de 1520 à 1545. L'histoire politique et religieuse de Berne et de la Suisse française tout entière est intéressée à ce travail.

Des Archives pour l'histoire de la république des Grisons sont publiées par M. Conradin de Mohr, sous les auspices de la Société historique de Coire. Plusieurs livraisons consécutives ont été consacrées à mettre au jour une Histoire des guerres et dissensions des trois Ligues, à l'époque de la guerre de Trente ans, écrite par un contemporain, le chevalier Fortunat de Sprecher.

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Nous trouvons dans le cinquième cahier des Archives et mémoires de la Société d'histoire du canton de Fribourg des travaux de deux des écrivains qui contribuent le plus activement à la vie intellectuelle de ce canton. M. le Dr Berchtold a esquissé dans un mémoire étendu les relations entre Fribourg et Genève jusqu'à la rupture de l'alliance entre ces

En quatre cahiers, in-12. Berne et Zurich, 1855-1857.
Fribourg, 1856; in-8°.

deux villes (1534), tandis que M. Daguet a publié des études biographiques pour servir à l'histoire littéraire de la Suisse au quinzième et au seizième siècle.

Chacun des volumes successivement édités par la Société d'histoire de la Suisse romande forme ordinairement un ouvrage distinct, quelquefois même il fait partie d'un ouvrage plus considérable encore. Les Recherches historiques sur les acquisitions des sires de Montfaucon et de la maison de Châlons dans le Pays de Vaud' nous offrent une de ces consciencieuses monographies dans lesquelles M de Gingins a consigné le résultat de patientes investigations et qui servent à reconstruire l'histoire et la constitution sociale de l'Helvétie romande durant les siècles du moyen âge. L'intérêt spécial de ce volume réside dans l'exposé des relations établies à l'époque féodale entre les contrées des deux revers du Jura, et dans le tableau des destinées de cette maison bourguignonne qui étendait son pouvoir sur plusieurs districts du Pays de Vaud (Orbe, Echallens, Grandson) et rivalisait avec la maison de Savoie. On n'aurait guère pu pressentir dans le treizième siècle, au milieu de ces luttes d'influence, qu'une communauté bourgeoise, récemment fondée, sur terre allemande, dans une presqu'île de l'Aar, devait recueillir à son tour et conserver durant près de trois cents ans les seigneuries possédées par les ⚫comtes de Savoie aussi bien que par les Montfaucon.

Le tome onzième des Mémoires el documents, sorti de presse il y a peu de semaines, est venu compléter la série réservée dans cette collection à l'Histoire du comté de Gruyère, et qui comprend un volume d'introduction et deux d'histoire proprement dite. Un de nos collaborateurs a fait connaître plus en détail, dans notre dernier Bulletin, le contenu de ce savant ouvrage; mais nous désirons féliciter de nouveau M. Hisely pour l'achèvement de cette monumentale publication, qui lui a coûté de longues années de recherches, et dont l'importance historique dépasse de beaucoup les limites de la contrée qui en fait l'objet immédiat.

Un des membres les plus actifs de la Société d'histoire de la Suisse romande, M. Martignier, vient, en provoquant la collaboration de ses collègues, d'ouvrir à Lausanne une série d'Etrennes historiques. Elles

Mémoires et documents publiés par la Société de la Suisse romande; tome XIV, 1857.

2 Le Pays de Vaud et la Suisse romande. Études et recherches historiques. 1re année. Lausanne, 1858.

paraissent destinées à la fois à compléter sur des points spéciaux les Mėmoires et documents et à populariser les renseignements contenus dans ce recueil. Des notices sur divers châteaux et maisons seigneuriales, et des pièces inédites du quinzième et du seizième siècle composent le premier volume qui sera, nous l'espérons, régulièrement suivi de beaucoup d'autres.

Cette revue sommaire des Sociétés suisses nous fait aboutir à la Société d'histoire et d'archéologie de Genève. Le onzième volume de ses Mémoires et documents vient de s'augmenter d'une livraison renfermant un travail archéologique de M. H. Gosse et des notices sur divers points de l'histoire de Genève. Les OEuvres historiques et littéraires de Léonard Baulacre, recueillies par Ed. Mallet, ont été, après la mort de ce savant, publiées par la même Société. Nous rendrons compte plus en détail de ces deux volumes qui, outre leur valeur intrinsèque, témoignent de l'activité intellectuelle de Genève dans la première moitié du dix-huitième siècle.

LES POÉSIES DE HENRI DURAND'.

La renommée de Durand est une renommée modeste. Jusqu'à ces derniers temps elle ne dépassait guère les frontières du canton de Vaud;. peut-être avait-elle pénétré à Genève, à Neuchâtel, à Fribourg, atteignant ainsi jusqu'aux limites de ce qu'on appelle la Suisse romande: mais elle ne semblait pas faite pour aller beaucoup plus loin.

On sait la mort prématurée de Henri Durand. Enlevé à la fleur de l'âge, avant même qu'il eût terminé ses études, il a eu le temps de promettre, il n'a pas eu celui de tenir. Il était du nombre des hommes qui progressent; son talent aurait sûrement grandi. Nous n'en avons pas vu les fruits mûrs.

Ses poésies, publiées d'abord sous les auspices de M. Vinet, sont faibles à plusieurs égards, et pourtant elles ont beaucoup de charme. Ce sont de douces inspirations de jeunesse, gracieuses, simples et fraîches. Tout y est pur, tout y est candide. On y reconnaît à chaque strophe le souffle d'une âme expansive, enthousiaste, d'un cœur qui a besoin de confiance et d'abandon. Et puis Durand a chanté ce que nous aimons tous, notre lac, nos montagnes, les gloires de notre patrie. Sa poésie

Les poésies de Henri Durand, traduites en anglais. Londres, 1858.

est bien la nôtre. Ecrivain novice, mais vrai poëte, il a de nombreux amis, ce qui vaut mieux que de nombreux admirateurs. Le succès qu'a obtenu le recueil de ses vers le prouve assez. La troisième édition est, croyons-nous, près d'être épuisée.

Une bonne fortune attendait notre poëte. Un Anglais, le rév. Blomefield, passant l'été dans l'une des nombreuses retraites de nos Alpes vaudoises, s'est laissé séduire au charme de ces vers sortis du cœur, et les a traduits dans sa langue maternelle. Autant que nous en pouvons juger, les vers de M. Blomefield ont de la grâce et de l'harmonie, mérite d'autant plus grand que sa traduction est très-littérale.

Le succès de ce petit volume n'aura, sans doute, rien d'éclatant; mais il sera, nous l'espérons, réel et durable. Pourquoi n'arriverait-il pas en Angleterre ce qui est arrivé parmi nous? Les poésies de Henri Durand doivent, ce nous semble, lui valoir autant d'amis que de lecteurs.

R.

LES HIRONDELLES, et DIVICON OU LA SUISSE PRIMITIVE'.

Un sentiment vrai de nature, un amour vif de son pays pour ce que celui-ci offre de beautés pittoresques dans son aspect et de grand dans. son histoire, une exquise sensibilité de cœur et nulle illusion touchant la stabilité des choses humaines, mais une incessante aspiration vers cette félicité d'en haut qui est la source de toute poésie, telles sont les qualités de fond qui caractérisent ce volume. Elles sont de celles qui constituent un talent de poëte, et c'est à ces titres que M DE BONS peut être accueilli comme tel.

Quant à la forme, c'est autre chose.

Les conditions de la vie des poëtes sont pour beaucoup dans l'expression de leurs œuvres; aussi, ne doit-il pas être indifférent au lecteur de savoir que M. de Bons n'a commencé la composition de son volume qu'à l'âge de quarante ans. S'il avait moins tardé, il est probable qu'une trop vive affection d'auteur pour de premiers essais ne l'aurait point poussé à tout voir du même œil paternel, et qu'il aurait sacrifié un bon nombre de pièces dans les deux premières parties de son volume.

Les Hirondelles du printemps renferment en effet de nombreuses pro

• Les Hirondelles, poésies, et Divicon ou la Suisse primitive, poëme, par M. Ch.-L. de Bons. Un vol. in-12. Paris et Genève, 1858.

ductions toutes juvéniles, où l'idée påtit de la difficulté de l'expression, et dans lesquelles l'imitation rhythmique joue un rôle beaucoup trop important; telles sont la Mauresque, l'Espagnole, la Coquette, etc.

Dans les Hirondelles d'été, on voit des efforts soutenus vers la perfection, et celle-ci se trouve atteinte à bien des égards dans la dernière partie du volume, celle qui a pour titre les Hirondelles d'automne. Au nombre des poésies contenues dans ces deux dernières parties, nous citerons comme faisant le plus regretter l'amour de l'auteur pour celles que nous venons d'indiquer, les Routes, le Réveil des hirondelles, Suprême désir, et enfin le Petit oiseau mort, une vraie merveille de sensibilité.

Quant à Divicon, il suffirait peut-être de dire que la classe de littérature de l'Institut national genevois a cru devoir le couronner au concours de 1855, si l'esprit de patriotisme vrai qui le domine d'un bout à l'autre ne nous faisait un devoir d'en féliciter M. de Bons. Ce qu'il y a encore de très remarquable dans ce poëme, c'est l'art avec lequel l'auteur a su conserver à toute son œuvre une allure poétique, tout en respectant les plus petits détails de l'histoire.

Mais, quelque louable que soit à nos yeux celui qui chante la force et la vertu des ancêtres, et quelque talent qu'il y mette, nous croyons qu'il y a encore à chanter mieux et autre chose que cela. La poésie ne borne pas son champ aux seules possessions du passé; elle n'est pas tout entière dans le culte des souvenirs; car que serait, ainsi bornée, ce qu'on appelle la mission du poëte? Tyrtée nous serait-il resté s'il n'eût excité ses soldats que par le récit de la valeur de ceux qui les avaient précédés sur le chemin de la victoire? et si l'œuvre du grand poëte de Florence dure encore, n'est-ce point parce qu'elle est la poésie de l'avenir?

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Nous insistons d'autant plus sur cette pensée que c'est, en Suisse, un travers commun de trop parler de nos plus vieux ancêtres; et c'est aussi contre ce travers que s'élève le poëte vaudois, Henri Durand, lorsqu'en parlant des héros de Næfels, il s'écrie:

Nul d'entre eux ne savait prêcher de longue haleine
L'amour de la patrie et de la liberté.....
C'étaient de pauvres gens, bien pauvres de paroles,
Mais riches d'actions et riches d'un grand cœur !
Ils ne se paraient pas, comme leurs races folles,
Du nom de leurs aïeux pour unique valeur;
Ils n'avaient pas ces mots au son plein, grandiose,
Et dont notre faiblesse a soin de se couvrir;

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