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Il eft vrai qu'ils ne nous voient pas décrire un Cercle autour d'eux ; mais il n'importe, voici ce que c'eft. La moitié de la Lune qui fe trouva tournée vers nous au commencement du monde, y a toujours été tournée depuis; elle ne nous préfente jamais que ces yeux, cette bouche, & le refte de ce vilage que notre imagination lui compofe fur le fondement des taches qu'elle nous montre. Si l'autre moitié oppofée le préfentoit à nous, d'autres taches diffé remment arrangées nous feroient fans' doute imaginer quelque autre figure, Ce n'eft pas que la Lune ne tourne fur elle-même; elle y tourne en autant de temps qu'autour de la Terre, c'eft-àdire, en un mois: mais lorfqu'elle fait une partie de ce tour fur elle même, & qu'il devroit fe cacher à nous, une joue, par exemple, de ce prétendu vilage & paroître quelque autre chofe, elle fait justement une femblable partie de fon Cercle autour de la Terre, & fe mettant dans un nouveau point de vue, elle nous montre encore cette même joue. Ainfi la Lune, qui à l'égard du Soleil & des autres Aftres tourne fur elle - mêine, n'y tourne point à notre égard. Ils lui paroiflent tous fe lever &

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fe coucher en l'efpace de quinze jours; mais pour notre Terre, elle la voit toujours fufpendue au même endroit du Ciel. Cette immobilité apparente ne convient guère à un Corps qui doit paffer pour un Aftré, mais auffi elle n'eft pas parfaite. La Lune a un certain balancement qui fait qu'un petit coin du vilage fe cache quelquefois, & qu'un petit coin de la moitié oppofée fe montre. Or elle ne manque pas, fur ma parole, de nous attribuer ce tremblement, & de s'imaginer que nous avons dans le Ciel comme un mouvement de pendule qui va & vient.

Toutes ces Planètes, dit la Marquife, font faites comme nous, qui rejettons toujours fur les autres ce qui eft en nous-mêmes. La Terre dit: Ce n'eft pas moi qui tourne, c'eft le Soleil. La Lune dit: Ce n'eft pas moi qui tremble, c'est la Terre. Il y a bien de l'erreur par-tout. Je ne vous confeille pas d'entreprendre d'y rien réformer, répondis-je; il vaut mieux que vous acheviez de vous convaincre de l'entière reffemblance de la Terre & de la Lune. Repréfentez-vous ces deux grandes boules fufpendues, dans les Cieux. Vous favez que le So. leil éclaire toujours une moitié des

Corps qui font ronds, & que l'autre moitié eft dans l'ombre. Il y a donc toujours une moitié, tant de la Terre que de la Lune, qui eft éclairée du Soleil, c'eft à-dire qui a le jour, & une autre moitié qui eft dans la nuit. Remarquez d'ailleurs, que comme une balle a moins de force & de viteffe après qu'elle a été donner contre une muraille qui l'a renvoyée d'un autre côté, de même la lumière s'affoiblit lorfqu'elle a été réfléchie par quelque Corps. Cette lumière blanchâtre, qui nous vient de la Lune, eft la lumière même du Soleil; mais elle ne peut venir de la Lune à nous que par une réflexion. Elle a donc beaucoup perdu de la force & de la vivacité qu'elle avoit lorfqu'elle étoit reçue directement fur la Lune; & cette lumière éclatante que nous recevons du Soleil, & que la Terre réfléchit fur la Lune, ne doit plus être qu'une lumière blanchâtre quand elle y eft arrivée. Ainfi, ce qui nous paroît lumineux dans la Lune, & qui nous éclaire pendant nos nuits, ce font des parties de la Lune qui ont le jour; & les parties de la Terre qui ont le jour lorfqu'elles font tournées vers les parties de la Lune qui ont la nuit, les éclai

rent auffi. Tout dépend de la manière dont la Lune & la Terre fe regardent. Dans les premiers jours du mois que l'on ne voit pas la Lune, c'eft qu'elle eft entre le Soleil & nous, & qu'elle marche de jour avec le Soleil. Il faut néceffairement que toute la moitié qui a le jour, foit tournée vers le Soleil, & que toute fa moitié qui a la nuit, foit tournée vers nous. Nous n'avons garde de voir cette moitié qui n'a aucune lumière pour fe faire voir; mais cette moitié de la Lune qui a la nuit, étant tournée vers la moitié de la Terre qui a le jour, nous voit fans être vue, & nous voit fous la même figure que nous voyons la Pleine-Lune. C'eft alors pour les Gens de la Lune Pleine-Terre, s'il eft permis de parler ainfi. Enfuite la Lune qui avance fur fon Cercle d'un mois fe dégage de deffous le Soleil, & commence à tourner vers nous un petit coin de fa moitié éclairée, & voilà le croiffant. Alors auffi les parties de la Lune qui ont la nuit commencent à ne plus voir toute la moitié de la Terre qui a le jour, & nous fommes en décours pour elles.

Il n'en faut pas davantage, dit bruf quement la Marquife, je faurai tout

fé reste quand il me plaira ; je n'ai qu'à y penfer un moment, & qu'à promener la Lune fur fon Cercle d'un mois. Je vois en général que dans la Lune ils ont un mois à rebours du nôtre, & je gage que quand nous avons PleineLune, c'eft que toute la moitié lumineufe de la Lune eft tournée vers toute la moitié obfcure de la Terre; qu'alors ils ne nous voient point du tout, & qu'ils comptent Nouvelle-Terre. Je ne voudrois pas qu'il me fût reproché de m'être fait expliquer tout au long une chofe fi aifée. Mais les Eclipfes comment vont elles? 11 ne tient qu'à vous de le deviner, répondis- je. Quand la Lune eft nouvelle, qu'elle eft entre le Soleil & nous, & que toute fa moitié obfcure eft tournée vers nous qui avons le jour, vous voyez bien que l'ombre de cette moitié obfcure fe jette vers nous. Si la Lune eft justement fous le Soleil, cette ombre nous le cache, & en même temps noircit une partie de cette moitié lumineufe de la Terre qui étoit vue par la moitié obfcure de la Lune. Voilà donc une Eclipfe de Soleil pour nous pendant notre jour, & une Eclipfe de Terre pour la Lune pendant la nuit. Lorfque la Lune eft pleine,

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