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car il paroît pofitivement par les inf criptions, que ce facrifice étoit pour ceux qui le recevoient, une régénération myftique &, éternelle.

Il falloit le renouveller tous les vingt ans; autrement il perdoit cette force qui s'étendoit dans tous les fiècles à venir.

Les femmes recevoit cette régénération auffi - bien que les hommes. On y affocioit qui l'on vouloit, &, ce qui eft encore plus remarquable, de Villes entières la recevoient par dépu

tés.

Quelquefois on faifoit ce facrifice pour le falut des Empereurs. Des Provinces faifoient leur cour d'envoyer un homme fe barbouiller, en leur nom de fang de taureau, pour obtenir à l'Empereur une longue & heureuse vie. Tout cela eft clair par les infcrip

tions.

Nous voici enfin fous Théodose & fes fils, à la ruine entière du Paga-. nilme.

Théodofe commença par l'Egypte, où il fit fermer tous les Temples. Enfuite il alla jufqu'à faire abattre celui

de Serapis, le plus fameux de toute l'Egypte.

Selon Strabon, il n'y avoit rien de plus gai dans toute la Religion Payenne, que les Pélerinages qui fe faifoient à Serapis. Vers le temps de certaines Fêtes, dit-il, on ne fauroit croire la multitude de gens qui defcendent fur un Canal d'Alexandrie à Canope, où eft ce Temple. Jour & nuit ce ne font que bateaux pleins d'hommes & de femmes, qui chantent & qui danfent avec toute la liberté imaginable. A Canope il y a fur le Canal une infinité d'hôtelleries qui fervent à retirer ces voyageurs, & à favorifer leurs divertiffe

mens.

Auffi le Sophifte Eunapius, Payen paroît avoir grand regret au Temple de Serapis, & nous en décrit la fin malheureuse avec affez de bile. Il dit que des gens qui n'avoient jamais entendu. parler de la guerre, fe trouvèrent pourtant fort vaillans contre les pierres de ce Temple, & principalement contre les riches offrandes dont il étoit plein; que dans ces lieux faints on y plaça des Moines, gens infames &

inutiles, qui pourvu qu'ils euffent un habit noir & mal- propre, prenoient une autorité tyrannique fur l'efprit des Peuples; & que ces Moines, au lieu des Dieux que l'on voyoit par les lumières de la raifon, donnoient à adorer des têtes de brigands punis pour leurs crimes, qu'on avoit falées afin de les conferver. C'eft ainfi que cet impie traite les Moines & les Reliques: il falloit que la licence fût encore bien grande du temps qu'on écrivoit de pareilles chofes fur la Religion des Empereurs. Ruffin ne manque pas de nous marquer qu'on trouva le Temple de Serapis tout plein de chemins couverts, & de machines difpofées pour les fourberies des Prêtres. Il nous apprend, entr'autres chofes, qu'il y avoit à l'orient du Temple une petite fenêtre par où entroit à certain jour un rayon du Soleil qui alloit donner fur la bouche de Serapis. Dans le même temps on apportoit un fimulacre du Soleil qui étoit de fer, & qui étant attiré par de l'aimant caché dans la voûte, s'élevoit vers Serapis. Alors on difoit que le Soleil faluoit ce Dieu; mais quand le fimulacre de fer

retomboit, & que le rayon fe retiroit de deffus la bouche de Serapis, le Soleil lui avoit affez fait fa cour, & il alloit à fes affaires.

Après que Théodofe eut défait le rebelle Eugène, il alla à Rome où tout le Sénat tenoit encore pour le Paganisme. La grande raifon des Payens étoit que depuis douze cens ants Rome s'étoit fort bien trouvée de fes Dieux, & qu'elle en avoit reçu toutes fortes de profpérités. L'Empereur harangua le Sénat, & l'exhorta à embraffer le Chriftianifme; mais on lui répondit toujours que par l'ufage & l'expérience on avoit reconnu le Paganisme pour une bonne Religion, & que fi on le quittoit pour le Chriftianifme, on ne favoit ce qui en arriveroit. Voilà quelle étoit la théologie du Sénat Romain. Quand Théodofe vit qu'il ne gagnoit rien fur ces gens-là, il leur déclara que le Fifc étoit trop chargé des dépenfes qu'il falloit faire pour les facrifices, & qu'il avoit befoin de cet argent-là pour payer fes troupes. On eut beau lui repréfenter que les facrifices n'étoient point légitimes s'ils ne fe

faifoient de l'argent public, il n'eut point d'égard à cet inconvénient. Ainfi les facrifices & les anciennes cérémonies ceffèrent, & Zozime ne manque pas de remarquer que depuis ce tempslà toutes fortes de malheurs fondirent fur l'Empire Romain.

Le même Auteur raconte qu'à ce voyage que Théodofe fit à Rome, Serena, femme de Stilicon, voulut entrer dans le Temple de la mère des Dieux pour lui infulter, & qu'elle ne fit point de difficulté de s'accommoder d'un beau collier que la Déeffe portoit. Une vieille Veftale lui reprocha fort aigrement cette impiété, & la pourfuivit jufques hors du Temple avec mille imprécations. Depuis cela, dit Zozime, la pauvre Serena eut fouvent, foit en dormant, foit en veillant, une vifion qui la menaçoit de la mort.

Les derniers efforts du Paganisme furent ceux que fit Symmaque pour obtenir des Empereurs Valentinien, Théodofe & Arcadius, le rétablissement des Priviléges des Veftales, & de l'Autel de la Victoire dans le Capitole; mais tout le monde fait avec quelle vigueur Saint Ambroife s'y opposa.

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