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quelle manière il fe prenoit à faire reHeurir le Paganifme. Il fe télicite d'abord des grands effets que fon zèle a produits en fort peu de temps. Il juge que le meilleur fecret pour rétablir le Paganifme, eft d'y tranfporter les vertus du Chriftianifme, la charité pour les étrangers, le foin d'enterrer les morts, & la fainteté de vie que les Chrétiens, dit-il. feignent fi bien. I veut que ce Pontife, par raison ou par menaces, oblige les Prêtres de la Galatie à vivre régulièrement, à s'abstenir des fpectacles & des cabarets, à quitter tous les emplois bas ou infames, à s'adonner uniquement avec toute leur famille au culte des Dieux, & à avoir l'œil fur les Galiléens pour réprimer leurs impiétés & leurs profanations. II remarque qu'il eft honteux que les Juifs & les Galiléens nourriffent non - feulement leurs pauvres, mais ceux des Payens, & que les Payens abandonnent les leurs, & ne fe fouviennent plus que l'hofpitalité & la libéralité font des vertus qui leur font propres, puifque Homère fait ainfi parler Eumée: Mon hôte, quand il me viendroit quelqu'un moins confidérable que toi, il ne me feroit pas

permis de ne le point recevoir. Tous viennent de la part de Jupiter, & étrangers, & pauvres. Je donne peu, mais je donne avec joie. Enfin, il dit quelles diftributions il a ordonné que l'on faffe tous les ans aux pauvres de la Galatie, & il commande à ce Pontife de faire bâtir dans chaque Ville plufieurs Hôpitaux, où foient reçus non feulement les Payens, mais auffi les autres. Il ne veut point que le Pontife aille fouvent voir les Gouverneurs chez eux, mais feulement qu'il leur écrive; ni que les Prêtres aillent au-devant d'eux quand ils entrent dans les Villes, mais feulement quand ils viennent aux Temples: encore ne veutil pas qu'on les aille recevoir plus loin que le Vestibule. Il défend à ces Gouverneurs dans cette occafion de faire marcher devant eux des Soldats, parce qu'alors ils ne font que des perfonnes privées; mais il permet aux Soldats de les fuivre, s'ils veulent.

Avec ces foins & cette imitation du Chriftianifme, Julien, s'il eût vécu, eût apparemment retardé la ruine de fa Religion; mais Dieu ne lui laiffa pas achever deux années de règne.

Jovien, qui lui fuccéda, commençoit

à

à fe porter avec zèle à la deftruction du Paganisme; mais en fept mois qu'il régna, il ne put pas faire de grands progrès.

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Valens, qui eut l'Empire d'Orient permit à chacun d'adorer tels Dieux qu'il voudroit, & prit plus à coeur de foutenir l'Arianifme que le Chriftianisme même (1). Auffi pendant fon règne on immoloit publiquement, & on faifoit publiquement des repas de vicimes immolées. Ceux qui étoient initiés aux mystères de Bacchus, les célébroient fans crainte ; ils couroient avec des boucliers, déchiroient des chiens, & faifoient toutes les extravagances que cette dévotion demandoit.

Valentinien fon frère, qui eut l'Occident, fut plus zelé pour la gloire du Chriftianifme; cependant fa conduite ne fut pas auffi ferme qu'elle eût dû être. Il avoit fait une Loi par laquelle il défendoit toutes les cérémonies nocturnes. Prétextatus, Proconful de la Grèce, lui représenta qu'en ôtant aux Grecs ces cérémonies auxquelles ils

(1) Cedrenus.
Tome II.

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étoient très-attachés, on leur rendoit la vie tout-à-fait défagréable. Valenti◄ nien fe laifla toucher, & confentit que, fans avoir d'égard à fa Loi, on pratiquât les anciennes coutumes. Il est vrai que c'eft Zozime, un Payen, de qui nous tenons cette Hiftoire; on peut dire qu'il l'a fuppofée pour donner à croire que les Empereurs confidéroient encore les Payens. On peut répondre auffi que Zozime, dans l'état où étoient les affaires de fa Religion, devoit être plutôt d'humeur à fe plaindre du mal qu'on ne lui faifoit pas, qu'à fe louer d'une grace qu'on ne lui auroit pas faite.

Ce qui eft conftant, c'eft que l'on a des Infcriptions & de Rome & d'autres Villes d'Italie, par lefquelles il paroît que fous l'Empire de Valentinien, des perfonnes de grande confidération firent les facrifices nommés Tauroboa & Criobolia, c'est-à-dire, Afperfion de fang de taureau, ou de fang de bélier. Il femble même par la quantité des infcriptions, que cette cérémonie ait été principalement à la mode du temps de Valentinien, & des deux autres Empereurs du même nom,

Comme elle eft une des plus bizarres & des plus fingulières du Paganisme je crois qu'on ne fera pas fâché de la connoître. Prudence, qui pouvoit l'avoir vue, nous la décrit affez au long.

On creufoit une foffe affez profonde, où celui pour qui fe devoit faire la cérémonie defcendoit avec des bandelettes facrées à la tête, avec une couronne enfin avec tout un équipage mystérieux. On mettoit fur la foffe un couvercle de bois, percé de quantité de trous. On amenoit fur ce couvercle un taureau couronné de fleurs, & ayant les cornes & le front ornés de petites lames. d'or. On l'égorgeoit avec un couteau facré; fon fang couloit par ces trous dans la foffe, & celui qui y étoit le rece-' voit avec beaucoup de refpect; il y préfentoit fon front, fes joues, fes bras fes épaules, enfin toutes les parties de fon corps, & tâchoit à n'en pas laiffer tomber une goutte ailleurs que fur lui. Enfuite, il fortoit de-là hideux à voir, tout fouillé de ce fang, fes cheveux, fa barbe, fes habits tout dégoutans: mais auffi il étoit purgé de tous fescrimes, & régénéré pour l'éternité;

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