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& de Delphes & de Claros, difoit Apollon à fon Prêtre. Autrefois il fortit du fein de la terre une infinité d'Oracles, & des fontaines, & des exhalaisons qui inspiroient des fureurs divines. Mais la terre,par les changements continuels que le temps amène,arepris & fait rentrer en elle-même & fontaines, & exhalaifons, & Oracles. Il ne refte plus que les eaux de Micale dans les Campagnes de Didyme, & celles de Claros, & l'Oracle du Parnaffe. Sur cela Eufebe conclut en général que tous les Oracles avoient ceffé.

Il eft certain qu'il y en a du moins trois d'exceptés felon cet Oracle qu'il rapporte lui-même; mais il ne fonge qu'à ce commencement qui lui eft favorable, & ne s'inquiète point du refte.

Mais cet Oracle de Porphyre nous dit-il quand tous ces autres Oracles avoient ceffé? point du tout. Eusebe veut l'entendre du temps de la venue de Jefus-Chrift. Son zèle eft louable mais fa manière de raifonner ne l'eft pas tout-à-fait.

Et quand même l'Oracle de Porphyre parleroit du temps de Jefus-Chrift, il s'enfuivroit qu'alors plufieurs Oracles

ceffèrent, mais qu'il en refta pourtant encore quelques-uns.

Eusebe a peut être cru que cette exception n'étoit rien, & qu'il fuffifoit que le plus grand nombre d'Oracles eût ceffé; mais cela ne va pas ainfi. Si les Oracles ont été rendus par des Démons, que la naiffance de Jesus-Chrift ait condamnés au filence, nul Démon n'a été privilégié. Qu'il foit resté un feul Oracle après Jesus-Christ, il ne m'en faut pas davantage; ce n'eft point fa naiffance qui a fait taire les Oracles. C'eft ici un de ces cas, où la moindre exception ruine la propofition géné

rale.

Mais peut-être les Démons à la naiffance de Jefus-Chrift ont ceffé de rendre des Oracles, & les Oracles n'ont pas laiffé de continuer, parce que les Prêtres les ont contrefaits.

Cette propofition feroit fans aucun fondement. Je prouverai que les Oracles ont duré quatre cents ans après Jefus-Chrift. On n'a remarqué aucune différence entre ces Oracles qui ont fuivi la naiffance de Jefus-Chrift, & ceux qui l'avoient précédée. Si les Prêtres ont fi bien fourbé pendant quatre

cents ans, pourquoi ne l'ont-ils pas tou jours fait ?

Un des Auteurs Payens qui a le plus fervi à faire croire que les Oracles. avoient ceffé à la venue de JesusChrist, c'eft Plutarque. Il vivoit quelque cent ans après Jefus-Chrift, & il a fait un Dialogue fur les Oracles qui avoient ceffé. Bien des gens fur ce titre feul ont formé leur opinion, & pris leur parti. Cependant Plutarque excepte pofitivement l'Oracle de Lébadie, c'eft-à dire de Trophonius, & celui de Delphes; où il dit qu'il falloit anciennement deux Prêtreffes, bien fouvent trois, mais qu'alors c'étoit affez d'une. Du refte il avoue que les Oracles étoient taris dans la Béotie, qui en avoit été autrefois une fource très-féconde.

Tout cela prouve la ceffation de quelques Oracles, & la diminution de quelques autres, mais non pas la ceffation entière de tous les Oracles; ce qui fe roit pourtant abfolument néceffaire pour le fyftême commun.

Encore l'Oracle de Delphes n'étoitil pas fi fort déchu du temps de Plutarque; car lui-même dans un autre Traité

nous

nous dit que le Temple de Delphes étoit plus magnifique qu'on ne l'avoit jamais vu; qu'on en avoit relevé d'anciens bâtimens que le temps commençoit à ruiner, & qu'on y en avoit ajouté d'autres tout modernes ; que même on voyoit une petite Ville qui s'étant formée peu-à-peu auprès de Delphes, en tiroit fa nourriture comme un petit arbre qui pouffe au pied d'un grand, & que cette petite Ville étoit parvenue à être plus confidérable qu'elle n'avoit été depuis mille ans. Mais dans ce Dialogue même des Oracles qui ont ceffé, Démétrius Cilicien, l'un des Interlocuteurs, dit qu'avant qu'il commençât fes Voyages, les Oracles d'Amphilocus & de Mopfus en fon Pays étoient auffi floriffans que jamais ; que véritablement depuis qu'il en étoit parti, il ne favoit pas ce qui leur pou

voit être arrivé.

Voilà ce qu'on trouve dans ce Traité de Plutarque, auquel je ne fais combien de gens favans vous renvoient, pour vous prouver que les Oracles ont ceffé à la venue de Jefus-Chrift.

lci mon Auteur prétend qu'on eft tombé auffi dans une méprife groffière Tome II.

F

fur un paffage du fecond Livre de la Divination. Ciceron fe moque d'un Oracle qu'on difoit qu'Apollon avoit rendu en Latin à Pyrrhus, qui le confultoit fur la guerre qu'il alloit faire aux Romains. Cet Oracle eft équivoque, de forte qu'on ne fait s'il veut dire que Pyrrhus vaincra les Romains, ou que les Romains vaincront Pyrrhus. L'équivoque eft attachée à la conftruction de la phrafe Latine, & nous ne la faurions rendre en François. Voici les propres termes de Ciceron fur cet Oracle.

Premièrement, dit-il, Apollon n'a jamais parlé Latin.. Secondement, les Grecs ne connoiffent point cet Oracle. Troisièmement, Apollon, du temps de Pyrrhus, avoit déjà ceffé de faire des Vers. Enfin, quoique les Eacides, de la famille defquels étoit Pyrrhus, ne fuffent pas gens d'un efprit bien fin ni bien pénétrant, cependant l'équivoque de l'Oracle étoit fi manifefte, que Pyrrhus eût dû s'en appercevoir.... Mais ce qui eft le principal, pourquoi y a-t-il déjà long-temps qu'il ne fe rend plus d'Oracle à Delphes de cette forte, ce qui fait qu'il n'y a présentement rien de plus méprifë ?

C'eft fur ces dernières paroles que

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