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du Livre étoit l'Arrêt du Ciel. L'Hiftoi re en fournit mille exemples.

On voit même que quelque deux cents ans après la mort de Virgile, on faifoit déjà affez de cas de fes Vers pour les croire prophétiques, & pour les mettre en la place des Sorts qui avoient été à Prénefle. Car (1) Alexandre Sévère, encore particulier, & dans le temps que I'Empereur Héliogabale ne lui vouloit pas de bien, reçut pour réponse dans le Temple de Prénefte cet endroit de Virgile dont le fens eft Si tu peux furmonter les Defins contraires, tu feras Marcellus.

Ici mon Auteur le fouvient que Rabelais a parlé des Sorts Virgilianes, que Panurge va confulter fur fon mariage; &-il trouve cet endroit, du Livre auffi favant qu'il eft agréable & badin. Il dit que les bagatelles & les fottifes de Rabelais valent fouvent mieux que les difcours les plus férieux des autres. Je n'ai point voulu oublier cet éloge, parce que c'eft une chofe fingulière de le rencontrer au milieu d'un Traité des

(1) Lampridus.
Tome II.

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Oracles, plein de fcience & d'érudi tion. 11 eft certain que Rabelais avoit beaucoup d'esprit & de lecture, & un art très-particulier de débiter des chofes favantes comine de pures fadaifes; & de dire de pures fadaifes le plus fouvent fans ennuyer. C'eft dommage qu'il n'ait vécu dans un fiècle qui l'eût obligé à plus d'honnêteté & de politeffe.

Les Sorts paffèrent jufques dans le Chriftianifme; on les prit dans les Livres facrés, au lieu que les Payens les prenoient dans leurs Poëtes. Saint-Auguftin, dans l'Epître 119 à Januarius, paroît ne défapprouver cet ufage que fur ce qui regarde les affaires du fiècle. Grégoire de Tours nous apprend luimême quelle étoit fa pratique: il paffoit plufieurs jours dans le jeûne & dans la prière; enfuite il alloit au tombeau de S. Martin, où il ouvroit tel Livre de l'Ecriture qu'il vouloit, & il prenoit pour la réponse de Dieu le premier paffage qui s'offroit à fes yeux. Si ce paffage ne faifoit rien au fujet, il ouvroit un autre Livre de l'Ecriture.

D'autres prenoient pour Sort divin la première chofe qu'ils entendoient chanter en entrant dans l'Eglife,

Mais qui croiroit que (1) l'Empereur Héraclius, délibérant en quel lieu il feroit paffer l'hiver à fon armée, fe détermina par cette efpèce de Sort ? Il fit purifier fon armée pendant trois jours; enfuite il ouvrit le Livre des Evangiles, & trouva que fon quartier d'hiver lui étoit marqué dans l'Albanie. Etoit-celà une affaire dont on pût espérer de trouver la décifion dans l'Ecriture?

L'Eglife eft enfin venue à bout d'exterminer cette fuperftition; mais il lui a fallu du temps. Du moment que l'erreur eft en poffeffion des efprits, c'est une merveille fi elle ne s'y maintient toujours.

(1) Cedrenus.

SECONDE

DISSERTATION.

Que les Oracles n'ont point cesse au temps de la venue de Jefus, Chrift.

LA plus grande difficulté qui regar

de les Oracles eft furmontée, depuis que nous avons reconnu que les Démons n'ont point dû y avoir de part.

Les Oracles étant ainfi devenus indifférents à la Religion Chrétienne, on ne s'intéreffera plus à les faire finir préci fément à la venue de Jefus-Chrift.

CHAPITRE PREMIER.

Foibleffe des raifons fur lesquelles cette opinion eft fondée. CE qui a fait croire à la plupart des

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gens que les Oracles avoient ceffé à la venue de Jefus Chrift, ce font les Oracles mêmes qui ont été rendus fur le filence des Oracles, & l'aveu des Payens qui, vers le temps de Jefus Christ, difent fouvent qu'ils ont ceffé.

Nous avons déjà vu la fauffeté de ces prétendus Oracles, par lefquels un Démon devenu muet difoit lui-même qu'il étoit muet. Ils ont été, ou fuppoés par le trop de zèle des Chrétiens, ou trop facilement reçus par leur crédulité.

Voici un de ceux fur lefquels Eufebe fe fonde pour foutenir que la naiffance de Jufus-Chrift les a fait ceffer. Il est tiré de Porphyre, & Eusebe ne manque jamais à fe prévaloir autant qu'il peut du témoignage de cet ennemi.

Je t'apprendrai la vérité fur les Oracles

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