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re? Non, répondis-je ; il falloit que la lumière paffât au travers, & d'ailleurs il falloit qu'ils fuffent folides. Il le falloit abfolument ; car Ariftote avoit trouvé que la folidité étoit une chofe attachée à la nobleffe de leur nature, & puifqu'il l'avoit dit, on n'avoit garde d'en douter, Mais on a vu des Comètes qui étant plus élevées qu'on ne croyoit autrefois, briferoient tout le cristal des Cieux par où elles paffent, & cafferoient tout l'Univers; & il a fallu fe réfoudre à faire les Cieux d'une matière Auide, telle que l'Air. Enfin, il eft hors de doute, par les Obfervations de ces derniers fiècles, que Vénus & Mercure tournent autour du Soleil, & non autour de la Terre, & l'ancien Systême eft abfolument infoutenable par cet endroit. Je vais done vous en propofer un qui fatisfait à tout, & qui difpenferoit le Roi de Caftille de donner des avis; car il eft d'une fimplicité charmante & qui feule le feroit préférer. Il fembleroit, interrompit la Marquife, que votre Philofophie eft une efpèce d'enchère, où ceux qui offrent de faire les chofes à moins de frais, l'emportent fur les autres. Il eft vrai, repris-je, & ce p'eft que par-là qu'on peut attraper le

plan fur lequel la Nature a fait fon Ouvrage. Elle eft d'une épargne extraordinaire; tout ce qu'elle pourra faire d'une manière qui lui coûtera un peu moins, quand ce moins ne feroit prefque rien, foyez füre qu'elle ne le fera que de cette manière-là. Cette épargne néanmoins s'accorde avec une magnificence furprenante qui brille dans tout ce qu'elle a fait. C'eft que la magnificence eft dans le deffein, & l'épargne dans l'exécution. Il n'y a rien de plus beau qu'un grand deffein que l'on exécute à peu de frais. Nous autres, nous fommes fujets à renverfer fouvent tout cela dans nos idées. Nous mettons l'épargne dans le deffein qu'a eu la Nature, & la magnificence dans l'exécution. Nous lui donnons un petit deffein, qu'elle exécute avec dix fois plus de dépen'e qu'il ne faudroit; cela eft toutà-fait ridicule. Je ferai bien aife, ditelle, que le Syftême dont vous m'allez parler, imite de fort près la Nature; car ce grand ménage - là tournera au profit de mon imagination, qui n'aura pas tant de peine à comprendre ce que vous me direz. Il n'y a plus ici d'embarras inutiles, repris-je. Figurez-vous un Allemand nommé Copernic, qui

fait main-baffe fur tous ces Cercles différens, & fur tous ces Cieux folides qui avont été imaginés par l'Antiquité. Il détruit les uns, il met les autres en pièces. Saifi d'une noble fureur d'Aftronome, il prend la Terre & l'envoie bien loin du centre de l'Univers où elle s'étoit placée, & dans ce centre il y met le Soleil, à qui cet honneur étoit bien mieux dû. Les Planètes ne tournent plus autour de la Terre, & ne l'enferment plus au milieu du Cercle qu'elles décrivent. Si elles nous éclairent, c'eft en quelque forte par hafard & parce qu'elles nous rencontrent en leur chemin. Tout tourne préfentement autour du Soleil, la Terre y tourne elle-même; & pour la punir du long repos qu'elle s'étoit attribué, Copernic la charge le plus qu'il peut de tous les mouvemens qu'elle donnoit aux Planètes & aux Cieux. Enfin, de tout cet équipage céleste dont cette petite Terre fe faifoit accompagner & environner, il ne lui eft demeuré que la Lune qui tourne encore autour d'elle. Attendez un peu, dit la Marquife, il vient de vous prendre un enthoufiafme qui vous a fait expliquer les chofes fi pompeufement, que je ne crois pas les avoir

entendues. Le Soleil eft au centre de l'Univers, & là il eft immobile; après lui, qu'eft-ce qui fuit ? C'eft Mercure, répondis-je; il tourne autour du So-leil, en forte que le Soleil eft à peuprès le centre du Cercle que Mercure décrit. Au-deffus de Mercure eft Vénus, qui tourne de même autour du Soleil. Enfuite vient la Terre, qui, étant plus élevée que Mercure & Vénus décrit autour du Soleil un plus grand Cercle que ces Planètes. Enfin, fuivent Mars, Jupiter, Saturne, felon l'ordre où je vous les nomme ; & vous voyez bien que Saturne doit décrire autour du Soleil le plus grand Cercle de tous, auffi emploie-t il plus de temps qu'aucune autre Planète à faire fa révolution. Et la Lune, vous l'oubliez, interrompit elle? je la retrouverai bien, repris-je. La Lune tourne autour de la Terre & ne l'abandonne point; mais comme la Terre avance toujours dans le Cercle qu'elle décrit autour du Soleil, la Lune la fuit, en tournant toujours autour d'elle; & fi elle tourne autour du Soleil, ce n'eft que pour ne point quitter la Terre.

Je vous entends, répondit elle, & j'aime la Lune, de nous être restée

lorfque toutes les autres Planètes nous abandonnoient. Avouez que fi votre Allemand eût pu nous la faire perdre, il l'auroit fait volontiers; car je vois dans tout fon procédé qu'il étoit bien mal-intentionné pour la Terre. Je lui fais bon gré, repliquai je, d'avoir rabattu la vanité des hommes, qui s'étoient mis à la plus belle place de l'Univers, & j'ai du plaifir à voir préfentement la Terre dans la foule des Planètes. Bon, répondit elle, croyez-vous que la vanité des hommes s'étende juf qu'à l'Aftronomie? Croyez-vous m'avoir humiliée, pour m'avoir appris que la Terre tourne autour du Soleil? Je vous jure que je ne m'en eftime pas moins. Mon Dieu, Madame, repris je, je fais bien qu'on fera moins jaloux du rang qu'on tient dans l'Univers, que de celui qu'on croit devoir tenir dans une chambre, & que la préféance de deux Planètes ne fera jamais une fi grande affaire que celle de deux Ambaffadeurs. Cependant, la même inclination, qui fait qu'on veut avoir la place la plus honorable dans une cérémonie, fait qu'un Philofophe dans un Systême fe met au centre du Monde, s'il peut. It eft bien aife que tout soit fait pour lui;

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