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on trouve que ces Oracles, qui paroif-. fent fi merveilleux, n'ont jamais été. Je n'en rapporterai point d'autres exemples, tout le refte eft de la même nature.

CHAPITRE V.

Que l'opinion commune fur les Oracles ne s'accorde pas fi bien qu'on penfe avec la Religion. LE filence de l'Ecriture fur ces Démons que l'on prétend qui préfident aux Oracles, ne nous laiffe pas feulement en liberté de n'en rien croire, mais il nous y porte affez naturellement. Seroitil poffible que l'Ecriture n'eût point appris aux Juifs & aux Chrétiens une chofe qu'ils ne pouvoient jamais deviner fûrement par leur raifon naturelle, & qu'il leur importoit extrêmement de favoir, pour n'être pas ébranlés par ce qu'ils verroient arriver de furprenant dans les autres Religions? Car je con. çois que Dieu n'a parlé aux hommes que pour fuppléer à la foibleffe de leurs

connoiffances, qui ne fuffifoient pas à leurs befoins, & que tout ce qu'il ne leur a pas dit eft de telle nature qu'ils le peuvent apprendre d'eux-mêmes, ou qu'il n'eft pas néceffaire qu'ils le fachent. Ainfi fi les Oracles euffent été rendus par de mauvais Démons, Dieu nous l'eût appris pour nous empêcher de croire qu'il les rendît lui-même, & qu'il y eût quelque chofe de divin dans des Religions fauffes.

David reproche aux Payens des Dieux qui ont une bouche & n'ont point de parole, & fouhaite à leurs Adorateurs pour toute punition, de devenir femblables à ce qu'ils adorent: mais fi ces Dieux euffent eu non-feulement l'usage de la parole, mais encore la connoiffance des chofes futures, je ne vois pas que David eût pu faire ce reproche aux Payens, ni qu'ils euffent dû être fâchés de reffembler à leurs Dieux.

Quand les Saints Peres s'emportent avec tant de raison contre le culte des Idoles, iis fuppofent toujours qu'elles ne peuvent rien; & fi elles euffent parlé, fi elles euffent prédit l'avenir, il ne falloit pas attaquer avec mépris leur impuiffance; il falloit défabufer les Peu

ples du pouvoir extraordinaire qui pa roiffoit en elles. En effet, auroit-on eu tant de tort d'adorer ce qu'on croyoit être animé d'une vertu divine, ou tout au moins d'une vertu plus qu'humaine Il eft vrai que ces Démons étoient ennemis de Dieu; mais les Payens pouvoient ils le deviner? Si les Démons demandoient des cérémonies barbares & extravagantes, les Payens les croyoient bizarres ou cruels; mais ils ne laiffoient pas pour cela de les croire plus puiffans que les hommes, & ils ne favoient pas que le vrai Dieu leur offroit fa protection contr'eux. Ils ne fe foumet toient le plus fouvent à leurs Dieux que comme à des ennemis redoutables, qu'il falloit appaifer à quelque prix que ce fût; & cette foumiffion & cette crain te n'étoient pas fans fondement, fi en effet les Démons donnoient des preuves de leur pouvoir, qui fuffent au-deffus de la Nature. Enfin le Paganisme, ce culte fi abominable aux yeux de Dieu, n'eût été qu'une erreur involontaire & excufable.

le

Mais, direz-vous, fi les faux Prêtres ont toujours trompé les Peuples, Paganilme n'a été non plus qu'une fim

ple erreur où tomboient les Peuples crédules, qui au fond avoient deffeia d'honorer un Être fupérieur.

La différence eft bien grande. C'eft aux hommes à le précautionner contre les erreurs où ils peuvent être jettés par d'autres hommes; mais ils n'ont nul moyen de fe précautionner contre celles où ils feroient jettés par des Gé nies qui font au-deffus d'eux. Mes lumières fuffifent pour examiner fi une Statue parle, ou ne parle pas ; mais du moment qu'elle parle, rien ne me peut plus défabufer de la Divinité que je lui attribue. En un mot, Dieu n'est obligé par les loix de fa bonté, qu'à me garantir des furprises dont je ne puis me garantir moi-même ; pour les autres, à ma raifon à faire fon devoir,

c'eft

Auffi voyons-nous que quand Dieu a permis aux Démons de faire des prodiges, il les a en même temps confon dus par des prodiges plus grands. Pharaon eût pu être trompé par fes Magiciens; mais Moïfe étoit-là plus puif fant que les Magiciens de Pharaon, Jamais les Démons n'ont eu tant de pouvoir, ni n'ont fait tant de choses surprenantes, que du temps de Jéfus-Chrift & des Apôtres.

Cela n'empêche pas que le Paganil me n'ait toujours été appellé avec juftice le culte des Démons. Premièrement, l'idée qu'on y prend de la Divinité, ne convient nullement au vrai Dieu, mais à ces Génies réprouvés & éternellement malheureux.

Secondement, l'intention des Payens n'étoit pas tant d'adorer le premier Etre, la fource de tous les biens, que ces Êtres malfaifans, dont ils craignoient la colère ou le caprice. Enfin les Démons, qui ont fans contredit le pouvoir de tenter les hommes & de leur tendre des pièges, favorifoient, autant qu'il étoit en eux, l'erreur groffière des Payens, & leur fermoient les yeux fur des impoftures vifibles. De-là vient qu'on dit que le Paganisme rouloit, non pas fur les prodiges, mais fur les preftiges des Démons; ce qui fuppofe qu'en tout ce qu'ils faifoient il n'y avoit rien de réel ni de vrai.

Il peut être cependant que Dieu ait quelquefois permis aux Démons quelques effets réels. Si cela eft arrivé Dieu avoit alors fes raifons, & elles font toujours dignes d'un profond refpect; mais à parler en général, la chofe

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