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de Pénélope. C'eft ainfi que dans le Dialogue où Plutarque traite des Oracles qui ont ceffé, Cléombrote conte cette Hiftoire, & dit qu'il la tient d'Epitherfés fon Maître de Grammaire, qui étoit dans le vaiffeau de Thamus lorf que la chofe arriva.

Thulis (1) fut un Roi d'Egypte dont l'Empire s'étendoit jufqu'à l'Océan, C'eft lui, à ce qu'on dit, qui donna le nom de Thulé à l'Ifle qu'on appelle présentement Illande. Comme fon Empire alloit apparemment jufques-là, il étoit d'une belle étendue. Ce Roi, enflé de fes fuccès & de fa profpérité, alla à l'Oracle de Serapis, & lui dit :

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Toi qui es le maître du feu, & qui gouvernes le cours du Ciel, dis-moi la vérité. Y a-t-il jamais eu & y aura-t-il jamais quelqu'un auffi puiffant que moi ? L'Oracle lui répondit :

Premièrement Dieu, enfuite la Parole & l'Esprit avec eux, tous s'affemblant en un, dont le pouvoir ne peut finir. Sors d'ici promptement, Mortel, dont la vie eft toujours incertaine.

Au fortir de-là, Thulis fut égorgé.

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Eufebe a tiré des Ecrits mêmes de Porphyre, ce grand ennemi des Chrétiens, les Oracles fuivans.

1. Gémiffez, Trépiés. Apollon vous quitte; il vous quitte, forcé par une lumière célefte. Jupiter a été ; il eft, & il fera. O grand Jupiter! hélas ! mes fameux Oracles ne font plus.

2. La voix ne peut revenir à la Prêtreffe. Elle est déja condamnée au flence depuis long-temps. Faites toujours à Apollon des facrifices dignes d'un Dieu.

3. Malheureux Prêtre, difoit Apollon à fon Prêtre, ne m'interroge plus fur le divin Père, ni fur fon Fils unique, ni fur l'Esprit qui eft l'ame de toutes chofes. C'eft cet Efprit qui me chaffe à jamais de ces lieux.

Auguste (1) déja vieux, & fongeant à fe choifir un fucceffeur, alla confulter l'Oracle de Delphes. L'Oracle ne répondoit point, quoiqu'Augufte n'épargnât pas les facrifices. A la fin ccpendant il en tira cette réponse:

L'Enfant Hébreu, à qui tous les Dieux obéiffent, me chaffe d'ici, & me renvoie dans Les Enfers. Sors de ce Temple fans parler. Il eft aifé de voir que fur de pareilles

(1) Suidas, Nicephore, Cedrenus.

Hiftoires, on n'a pas pu douter que les Démons ne fe mélaffent des Oracles. Ce grand Pan qui meurt fous Tibère, auffibien que Jésus-Chrift, eft le Maître des Démons, dont l'Empire eft ruiné par cette mort d'un Dieu fi falutaire à l'Univers; ou fi cette explication ne vous plaît pas, car enfin on peut fans impiété donner des fens contraires à une même chofe, quoiqu'elle regarde la Religion, ce grand Pan eft Jésus-Chrift lui-même, dont la mort cause une douleur & une confternation générales parmi les Démons, qui ne peuvent plus exercer leur tyrannie fur les hommes. C'est ainfi qu'on a trouvé moyen de donner à ce grand Pan deux faces bien différentes.

L'Oracle rendu au Roi Thulis, un Oracle fi pofitif fur la fainte Trinité peut-il être une fiction humaine? Comment le Prêtre de Serapis auroit-il deviné un fi grand Mystère, inconnu alors à toute la Terre, & aux Juifs mêmes?

Si ces autres Oracles euffent été rendus par des Prêtres impofteurs, qui obligeoit ces Prêtres à fe décréditer eux-mêmes, & à publier la ceffation de leurs Oracles? N'eft-il pas vifible que. c'étoient dès Démons que Dieu même

forçoit à rendre témoignage à la vérité? De plus, pourquoi les Oracles ceffoientils, s'ils n'étoient rendus que par des Prêtres ?

CHAPITRE II.

Secondes Raifons des anciens Chrétiens pour croire les Oracles furnaturels.Convenance de cette opinion avec le Systême du Chriftianifme.

LES

ES Démons étant une fois conftants par le Chriftianisme, il a été affez naturel de leur donner le plus d'emploi qu'on pouvoit, & de ne les pas épargner pour les Oracles, & les autres miracles payens qui fembloient en avoir befoin. Par-là on fe difpenfoit d'entrer dans la difcuffion des faits, qui eût été longue & difficile; & tout ce qu'ils avoient de furprenant & d'extraordinaire, on l'attribuoit à ces Démons que l'on avoit en main. 11 fembloit qu'en leur rapportant ces événements, on con

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firmât leur exiftence, & la Religion même qui nous la révèle.

De plus, il eft certain que vers le temps de la naiffance de Jéfus - Chrift, il eft fouvent parlé de la ceffation des Oracles, même dans les Auteurs profanes. Pourquoi ce temps- là plutôt qu'un autre avoit - il été destiné à leur anéantiffement? Rien n'étoit plus aifé à expliquer felon le fyftême de la Religion Chrétienne. Dieu avoit fait fon Peuple du Peuple Juif, & avoit abandonné l'Empire du refte de la Terre aux Démons jusqu'à l'arrivée de fon Fils : mais alors il les dépouille du pouvoir qu'il leur avoit laiffé prendre; il veut que tout fléchiffe fous Jésus-Chrift, & que rien ne faffe obftacle à l'établiffement de fon Royaume fur les Nations. Il y a je ne fais quoi de fi heureux dans cette penfée, que je ne m'étonne pas qu'elle ait eu beaucoup de cours; c'est une de ces chofes à la vérité defquelles on eft bien aife d'aider, & qui perfua dent parce qu'on y eft favorable.

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