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mon efprit tel qu'il eft; je n'euffe pas manqué fans doute de prendre le fien, fi j'avois eu affaire affaire aux mêmes Gens que lui. Au cas que ceci vienne à fa connoiffance, je le fupplie de me pardonner la licence dont j'ai ufé; elle fervira à faire voir combien fon Livre eft excellent, puifqu'affurément ce qui lui appartient ici paroîtra encore tout-à-fait beau, quoiqu'il ait paffé par mes mains.

Au refte, j'apprends depuis peu deux chofes qui ont rapport à ce Livre. La première, que j'ai prife dans les Nouvelles de la République des Lettres, eft que Monfieur Moebius, Doyen des Profeffeurs en Théologie à Leipfic, a entrepris de réfuter Monfieur Van-Dale. Véritablement il lui paffe que les Oracles n'ont pas ceffé à la venue de Jésus-Chrift, ce qui eft effectivement inconteftable quand on a examiné la queftion; mais il ne lui peut accorder que les Démons n'aient pas été les Auteurs des Oracles. C'eft déja faire une brêche trèsconfidérable au Systême ordinaire, que de laiffer les Oracles s'étendre au-delà du temps de la venue de Jésus-Chrift; & c'est un grand préjugé qu'ils n'ont pas été rendus par des Démons, file Fils de Dieu ne leur a pas impofe filence. Il eft certain

que felon la liaifon que l'opinion commune a mife entre ces deux chofes, ce qui détruit l'une ébranle beaucoup l'autre, ou même la ruine entièrement ; & peut-être après la lecture de ce Livre entrera-t-on encore mieux dans cette penfée mais ce qui eft plus remarquable, c'eft que par l'Extrait de la République des Lettres, il paroît qu'une des plus fortes raifons de Monfieur Moebius contre Monfieur Van Dale, eft que Dieu défendit aux Ifraëlites de confulter les Devins & les Efprits de Pithon ; d'où l'on conclut que Pithon, c'eft-à-dire les Démons, fe méloient des Oracles, & apparemment Hiftoire de l'apparition de Samuel vient à la fuite. Monfieur Van-Dale répondra ce qu'il jugera à propos; pour moi, je déclare que fous le nom d'Oracle je ne prétends pas comprendre la magie dont il eft indubitable que le Démon fe mêle: auffi n'eft elle nullement comprise dans ce que nous entendons ordinairement par ce mot, non pas même felon le fens des anciens Payens, qui d'un côté regardoient les Oracles avec refpect comme une partie de leur Religion, & de l'autre avoient la magie en horreur auffi-bien que nous. Aller confulter un Nécromancien, ou quelqu'une de ces Sorcières de Theffalie, pareille à l'E

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ricto de Lucain, cela ne s'appelloit pas aller à l'Oracle; & s'il faut marquer encore cette diftinction, même felon l'opinion commune, on prétend que les Oracles ont celle à la venue de Jéfus Chrift, & cependant on ne peut pas prétendre que la magie ait ceffe. Ainfi l'objection de M. Moebius ne fait rien contre moi, s'il laiffe le mot d'Oracle dans fa fignification ordinaire & naturelle, tant ancienne que moderne.

La feconde chofe que j'ai à dire, c'est que Ton m'a averti que le R. P. Thomaffin, Prétre de l'Oratoire, fameux par tant de beaux Livres, où il a accordé une piété folide avec une profonde érudition, avoit enlevé à ce Liyre-ci l'honneur de la nouveauté du Parado xe, en traitant les Oracles de pures fourberies dans fa Méthode d'étudier & d'enfeigner chrétiennement les Poëtes. J'avoue que j'en ai été un peu fâché ; cependant je me fuis confolé par la lecture du Chapitre XXI du Livre II de cette Méthode, où je n'ai trouvé que dans l'Article XIX en affez peu de paroles, ce qui me pouvoit être commun avec lui. Voici comme il parle : La véritable raison du filence impofé aux Oracles, étoit que par l'Incarnation du Verbe Divin la Vérité éclairoit le Monde, & y répandoit une abondance de lumières toute autre

qu'auparavant. Ainfi on fe détrompoit des illufions des Augures, des Aftrologues, des obfervations des entrailles des bêtes, & de la plupart des Oracles, qui n'étoient effectivement que des impoftures où les hommes fe trompoient les uns les autres par des paroles obfcures & à double fens. Enfin, s'il y avoit des Oracles où les Démons donnoient des réponses, l'avénement de la Vérité incarnée avoit condamné à un filence éternel le Pere du menfonge. Il eft au moins bien certain qu'on confultoit les Démons lorfqu'on avoit recours aux enchantemens & à la magie, comme Lucain le rapporte du jeune Pompée, & comme l'Ecriture l'affure de Saul. Jeconviens que dans un gros Traité où l'on ne parle des Oracles que par occafion, trèsbrièvement & fans aucun deffein d'approondir la matière, c'eft bien en dire affez que d'attribuer la plupart des Oracles à l'impofture des hommes, de révoquer en doute s'il y en a eu où les Démons aient eu part, de ne donner une fonction certaine aux Démons que dans les enchantemens & dans la magie, & enfin de faire ceffer les Oracles, non pas précisément parce que le Fils de Dieu leur impofa filence tout

d'un coup, mais parce que les Efprits plus éclairés par la publication de l'Evangile fe défabuferent; ce qui fuppofe encore des fourberies humaines, & ne s'eft pu faire fi promptement. Cependant il me paroît qu'une queftion décidée en fi peu de paroles peut étre traitée de nouveau dans toute fon étendue naturelle, fans que le Publie ait droit de fe plaindre de la répétition ; c'eft lui remettre en grand ce qu'il n'a vu qu'en petit, & tellement en petit, que les objets en étoient quafi imperceptibles.

Je ne fais s'il m'eft permis d'alonger encore ma Préface par une petite obfervation fur le ftyle dont je me fuis fervi. Il n'est que de converfation ; je me fuis imaginé que j'entretenois mon Lecteur. J'ai pris cette idée d'autant plus aifément, qu'il falloit en quelque forte difputer contre lui; & les matières que j'avois en main étans le plus fouvent affez fufceptibles de ridim'ont invité à une manière d'écrire fort éloignée du fublime. Il me femble qu'il

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faudroit donner dans le fublime qu'à fon corps défendant ; il eft fi peu naturel! J'avoue que le ftyle bas eft encore quelque chofe de pis: mais il y a un milieu, & même plufieurs ; c'est ce qui fait l'embarras = on a bien de la peine à prendre jufte le ton que l'on veut, & à n'en point fortir.

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