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Planètes à fes fonctions ordinaires. II vaut mieux pour lui, répondis-je, qu'il ne forte point de notre Tourbillon. Je vous ai dit le choc qui fe fait à l'endroit où deux Tourbillons fe pouffent & se repouffent l'un l'autre ; je crois que dans ce pays-là une pauvre Planète et agitée aflez rudement, & que fes Habitans ne s'en portent pas mieux. Nous croyons, nous autres, être bien malheureux quand il nous paroît une Comète; c'est la Comète elle-même qui eft bien malheureufe. Je ne le crois point, dit la Marquife; elle nous apporte tous fes Habitans en bonne fanté. Rien n'eft fi divertiffanr que de changer ainfi de Tourbillon. Nous qui ne fortons jamais du nôtre, nous menons une vie affez ennuyeufe. Si les Habitans d'une Comète ont affez d'efprit pour prévoir le temps de leur paffage dans notre Monde, ceux qui ont déjà fait le voyage, annoncent aux autres par avance ce qu'ils y verront. Vous découvrirez bientôt une Planète qui a un grand anneau autour d'elle, difent-ils peut-être, en parlant de Saturne. Vous en verrez un autre qui en a quatre petites qui la fuivent. Peut-être même y a-t-il des gens destinés à obferver le mo

ment où ils entrent dans notre Monde, & qui crient auffi-tôt, Nouveau Soleil, Nouveau Soleil, comme ces Matelots qui crient Terre, Terre.

Il ne faut donc plus fonger, lui disje, à vous donner de la pitié pour les Habitans d'une Comète; mais j'espère du moins que vous plaindrez ceux qui vivent dans un Tourbillon dont le Soleil vient à s'éteindre, & qui demeurent dans une nuit éternelle. Quoi, s'écriat-elle, des Soleils s'éteignent? Oui, fans doute, répondis-je. Les Anciens ont vu dans le Ciel des Etoiles fixes que nous n'y voyons plus. Ces Soleils ont perdu leur lumière: grande défolation affurément dans tout le Tourbillon, mortalité générale fur toutes les Planètes ; car que faire fans Soleil? Cette idée est trop funefte, reprit-elle. N'y auroit-il pas moyen de me l'épargner? Je vous dirai, fi vous voulez, répondis-je, ce que difent de fort habiles gens, que les Etoiles fixes qui ont difparu ne font pas pour cela éteintes; que ce font des Soleils qui ne le font qu'à demi, c'està dire, qui ont une moitié obscure, & l'autre lumineule; que comme ils tournent fur eux-mêmes, tantô: ils nous préfentent la moitié lumineufe, tantôt

!

la moitié obfcure, & qu'alors nous ne les voyons plus. Selon toutes les apparences, la cinquième Lune de Saturne eft faite ainfi; car pendant une partie de fa révolution, on la perd abfolument de vue, & ce n'eft pas qu'elle foit alors plus éloignée de la Terre ; au contraire elle en eft quelquefois plus proche que dans d'autres temps où elle fe laiffe voir: & quoique cette Lune foit une Planète qui naturellement ne tire pas à conféquence pour un Soleil, on peut fort bien imaginer un Soleil qui foit en partie couvert de taches fixes, au lieu que le nôtre n'en a que de paffagères. Je prendrois bien, pour vous obliger cette opinion-là, qui eft plus douce que l'autre mais je ne puis la prendre qu'à l'égard de certaines Etoiles qui ont des temps réglés pour paroître & pour difparoître, ainsi qu'on a commencé à s'en appercevoir; autrement les demi-Soleils ne peuvent pas fubfifter. Mais que dirons-nous des Etoiles qui difparoiffent, & ne fe remontrent pas après le temps pendant lequel elles auroient dû aflurément achever de tourner fur elles-mêmes? Vous êtes trop équitable pour vouloir m'obliger à croire que ce foient des demi Soleils; cependant je ferai

encore un effort en votre faveur. Ces Soleils ne fe feront pas éteints; ils fe feront feulement enfoncés dans la profondeur immenfe du Ciel, & nous ne pouvons plus les voir: en ce cas le Tour billon aura fuivi fon Soleil, & tout s'y portera bien. Il eft vrai que la plus grande partie des Etoiles fixes n'ont pas ce mouvement par lequel elles s'éloignent de nous; car en d'autres temps elles devroient s'en rapprocher, & nous les verrions tantôt plus grandes, tantôt plus petites, ce qui n'arrive pas. Mais nous fuppoferons qu'il n'y a que quelques petits Tourbillons plus légers & plus agiles qui fe gliffent entre les autres, & font de certains tours, au bout defquels ils reviennent, tandis que le gros des Tourbillons demeure immobile; mais voici un étrange malheur. Il y a des Etoiles fixes qui paffent beaucoup de temps à ne faire que paroître & dilparoître, & enfin difparoiffent entièrement. Des demi-Soleils reparoîtroient dans des temps réglés ; des Soleils qui s'enfonceroient dans le Ciel, ne difparoîtroient qu'une fois, pour ne reparoître de long-temps. Prenez votre réfolution, Madame, avec courage; il faut que ces Etoiles foient des Soleils qui s'obl

curciffent affez pour ceffer d'être vifibles à nos yeux, & enfuite fe rallument, & à la fin s'éteignent tout-à-fait. Comment un Soleil peut-il s'obfcurcir & s'éteindre, dit la Marquife, lui qui eft en * lui-même une fource de lumière? Le plus aifément du monde, felon Descartes, répondis-je. I fuppofe que les taches de notre Soleil étant ou des écumes ou des brouillards, elles peuvent s'épaiffir, fe mettre plufieurs enfemble, s'accrocher les unes aux autres; enfuite elles iront jufqu'à former autour du Soleil une croûte qui s'augmentera toujours, & adieu le Soleil. Si le Soleil eft un feu attaché à une matière folide qui le nourrit, nous n'en fommes pas mieux; la matière folide fe confumera. Nous l'avons déjà même échappé belle, dit-on. Le Soleil a été très-pâle pendant des années entières, pendant celle, par exemple, qui fuivit la mort de Célar. C'étoit la croûte qui commençoit à le faire; la force du Soleil la rompit & la diffipa: mais fi elle eût continué, nous étions perdus. Vous me faites trembler, dit la Marquife. Préfentement que je fais les conféquences de la pâleur du Soleil; je crois qu'au lieu d'aller voir les matins à mon miroir fije ne fuis point pâle, j'irai

voir

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