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Cela fe peut, repris-je, & même nous pouvons rafraîchir encore Mercure d'une autre façon. Il y a des Pays dans la Chine qui doivent être très chauds par leur fituation, & où il fait pourtant de grands froids pendant les mois de Juillet & d'Août, jufques-là que les rivières fe gèlent. Ceft que ces contrées là ont beaucoup de falpêtre; les exhalaifons en font fort froides, & la force de la chaleur les fait fortir de la Terre en grande abondance. Mercure fera, fi vous vou. lez, une petite Planète toute de falpêtre, & le Soleil tirera d'elle-même le remède au mal qu'il lui pourroit faire. Ce qu'il y a de fûr, c'est que la Nature ne fauroit faire vivre les Gens qu'où peuvent vivre, & que l'habitude, jointe à l'ignorance de quelque chofe de meilleur, furvient, & les y fait vivre agréablement. Ainli, on pourroit même fe paffer dans Mercure du falpêtre & des pluies.

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Après Mercure, vous, favez qu'on trouve le Soleil. Il n'y a pas moyen d'y mettre d'Habitans. Le pourquoi non nous manque-là. Nous jugeons par la Terre qui eft habitée, que les autres Corps de la même espèce qu'elle, doivent l'être auffi: mais le Soleil n'eft point un Corps

de la même espèce que la Terre, ni que les autres Planètes. Il eft la fource de toute cette lumière que les Planètes ne font que fe renvoyer les unes aux autres, après l'avoir reçue de lui. Elles en peuvent faire, pour ainfi dire, des échanges entr'elles; mais elles ne la peuvent produire. Lui feul tire de foi-même cette précieufe fubftance; il la pouffe avec force de tous côtés: de-là elle revient à la rencontre de tout ce qui eft folide; & d'une Planète à l'autre, il s'épand de longues & vaftes traînées de lumière qui fe croifent, fe traversent & s'entrelacent en mille façons différentes, & forment d'admirables tiffus de la plus riche matière qui foit au monde. Auffi le Soleil eft-il placé dans le centre, qui eft le lieu le plus commode d'où il puiffe la diftribuer également, & animer tout par fa chaleur. Le Soleil eft donc un Corps particulier: mais quelle forte de Corps on eft bien embarraffé à le dire. On avoit toujours cru que c'étoit un feu très-pur; mais on s'en défabusa au commencencement de ce fiècle, qu'on apperçut des taches fur fa furface. Comme on avoit découvert peu de temps auparavant de nouvelles Planètes dont je vous parlerai, que tout le Monde Philofophe

fofophe n'avoit l'efprit rempli d'autre chofe, & qu'enfin les nouvelles Planètes s'étoient mifes à la mode, on jugea auffi-tôt que ces taches en étoient; qu'elles avoient un mouvement autour du Soleil, & qu'elles nous en cachoient néceffairement quelque partie, en tournant leur moitié obfcure vers nous. Déjà les Savans faifoient leur cour de ces prétendues Planètes aux Princes de l'Europe. Les uns leur donnoient le nom d'un Prince, les autres d'un autre, & peut-être il y auroit eu querelle entr'eux à qui feroit demeuré le maître des taches pour les nommer comme il

eût voulu.

Je ne trouve point cela bon, interrompit la Marquife. Vous me diliez l'autre jour qu'on avoit donné aux différentes parties de la Lune des noms de Savans & d'Aftronomes, & j'en étois fort contente. Puifque les Princes prennent pour eux la Terre, il eft jufte que les Savans fe réfervent le Ciel, & y dominent mais ils n'en devroient point permettre l'entrée à d'autres. Souffrez, répondis je, qu'ils puiffent du moins, en cas de befoin, engager aux Princes quelqu'Aftre, ou quelque partie de la Lune. Quant aux taches du Soleil, ils Tome II.

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n'en purent faire aucun ufage. Il fe trouva que ce n'étoit point des Planètes, mais des nuages, des fumées. des écumes qui s'élèvent fur le Soleil. Elles font tantôt en grande quantité, tantôt en petit nombre, tantôt elles difparoiffent toutes; quelquefois elles fe mettent plufieurs enfemble, quelquefois elles fe féparent, quelquefois elles font plus claires quefois plus noires. Il y a des temps où l'on en voit beaucoup; il y en a d'au tres, & même affez longs, où il n'en paroît aucune. On croiroit que le Soleil eft une matière liquide, quelquesuns difent de l'or fondu, qui bouil Jonne inceffamment, & produit des impuretés, que la force de fon mouvement rejette fur fa furface; elles s'y consu• ment, & puis il s'en produit d'autres. Imaginez-vous quels Corps étrangers ce font-là. Il y en a tel qui eft dix-fept cent fois plus gros que la Terre; car vous faurez qu'elle eft plus d'un million de fois plus petite que le Globe du Soleil. Jugez par-là quelle eft la quantité de cet or fondu, ou l'étendue de cette grande mer de Inmière & de feu. D'autres difent, & avec affez d'apparence, que les taches, du moins pour la plu

part, ne font point des productions nouvelles, & qui fe diffipent au bout de quelque temps; mais de groffes maffes folides, de figure fort irrégulière, toujours fubfiftantes, qui tantôt flottent fur le Corps liquide du Soleil, tantôt s'y enfoncent ou entièrement ou en partie, & nous préfentent différentes pointes ou éminences, felon qu'elles s'enfoncent plus ou moins, & qu'elles se tournent vers nous de différens côtés. Peut être font-elles partie de quelque grand amas de matière folide qui fert d'aliment au feu du Soleil. Enfin, quoi que ce puiffe être que le Soleil, il ne paroît nullement propre à être habité. C'est pourtant dommage; l'habitation feroit belle: on feroit au centre de tout, on verroit toutes les Planètes tourner régulièrement autour de foi; au lieu que nous voyons dans leurs cours une infinité de bizarreries, qui n'y paroiffent que parce que nous ne fommes pas dans le lieu propre pour en bien juger, c'est-à-dire, au centre de leur mouvement. Cela n'eft-il pas pitoyable? Il n'y a qu'un lieu dans le Monde, d'où l'étude des Aftres puiffe être extrêmement facile; & juftement dans ce lieu-là, il n'y a perfonne. Vous n'y fongez pas,

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