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période «; madame de Fourci, revenant de Vichi, et disant qu'elle vient achever de se guérir à Bourbon ; et cette guérison, c'est qu'elle dort ou veut dormir trois heures après son dîner, et que, pendant ce temps, ses jambes sont de laine; elle ne se soutient que vers les quatre heures, et c'est tous les jours à recommencer, et elle est si contente, qu'elle en fait pitié. Le frère de votre Berthelot est dans un état déplorable, un reste affreux d'apoplexie: ce qu'il y a de plus fâcheux ici, c'est de ne voir que de ces sortes de malades; les bains en remettent quelques uns, et laissent les autres. Je me trouve si bien, par comparaison, que je ne devrois point quitter un lieu où je suis la plus heureuse. Madame la duchesse de Chaulnes est sur la même ligne; rien n'est pareil aux soins qu'elle a de moi; elle songe plus à ma santé qu'à la sienne; et parcequ'elle m'a détournée de Vichi, c'est elle qui fait venir ici les eaux de Vichi, pour en prendre, si on le juge à propos : celles de Bourbon l'emportent de mille lieues, si on en croit les médecins d'ici; cependant nous verrons. Il est constant que ceux qui en ont pris s'en sont trouvés comme à Vichi. Madame Bel..... est ici : demandez aux

Colbert ce que c'est que cette femme; ses aventures et ses malheurs sont pitoyables; c'est elle qui s'est trouvée

a Mademoiselle d'Armentières parvint cependant à l'âge de quatrevingts ans; elle mourut le 14 avril 1712.

Ne seroit-ce pas madame du Plessis-Bellière, l'amie du surintendant Fouquet? (Voyez les notes des pages 86 et go du tome Ier.) M. Colbert avoit été sans doute aussi inflexible pour elle que pour le malheureux Fouquet.

parfaitement bien de Vichi à Bourbon. Ne soyez point en peine de moi, ma chère Comtesse; Amiot se fait un grand honneur de nous gouverner, et seroit bien fâché d'en recevoir des reproches cet hiver. J'embrasse M. de Grignan de tout mon cœur; tous ses intérêts sont les miens, je tiens à vous et à lui par mille chaînes. Je plains le chevalier de son état triste et accablant. Mon marquis, je vous aime. Je reviens à vous, ma très aimable; vous vous doutez bien à peu près de quelle manière je suis occupée de ce qui vous touche.

934. t

A la même.

A Bourbon, samedi 27 septembre 1687.

Il y a des heures où l'on peut écrire, ma chère bonne, celle-ci en est une. J'ai reçu votre lettre avec cette joie et cette émotion que vous connoissez; car il est certain que vous m'aimez trop : il y a ici une petite fille qui se veut mêler d'aimer sa maman; mais elle est cent pas derrière vous, quoi qu'elle fasse et dise fort joliment; c'est madame de Nangis. A ce propos, vous m'avez dit un mot dans votre autre lettre qui me fait sentir ce que fait mademoiselle d'Alerac; j'en ai compris l'horreur“;

• Mademoiselle d'Alerac venoit de quitter la maison de son père, et elle s'étoit retirée chez le duc de Montausier. (Voyez la note de la lettre du 9 mars 1689.)

nous en parlerons, ma bonne, mais en attendant, il me semble que c'est mademoiselle de Grignan qui doit guérir cet endroit. Nous nous réjouissons de la santé du roi et de M. le duc de Bourgogne. M. le chevalier me fait une peine et une pitié que je ne puis pas vous représenter. Il y a ici des gens estropiés et à demi morts, qui cherchent du secours dans la chaleur bouillante de ces puits; les uns sont contents, les autres non; une infinité de restes ou de menaces d'apoplexie: c'est ce qui tue. J'ai envoyé querir des eaux à Vichi, comme M. Fagon fit pour sa femme, et bien d'autres tous les jours elles sont réchauffées d'une manière qui me plaît, et du même goût, et quasi de la même force qu'à Vichi; elles font leur effet, et je l'ai senti ce matin avec plaisir. J'en prendrai huit jours, comme le veut Alliot', et ne serai point douchée, comme le veut M. Amiot?; le voilà qui vous en dit ses raisons. Quand vous aurez lu tout ce grimoire, vous n'en verrez pas davantage; envoyez-le, si vous voulez, à M. Alliot. Cependant j'irai mon train; je retomberai dans les eaux de Bourbon samedi, je prendrai des bains délicieux; et, un peu avant que l'heure finisse, Amiot prétend y mettre un peu d'eau chaude, qui fera sans violence la sueur que nous voulons. Je crois qu'il est difficile de contester sur son pallier un homme qui a tous les jours des expériences répondez seulement un mot de confiance et d'honnêteté pour lui, et ne vous mettez en peine de

Le médecin que madame de Sévigné avoit consulté à Paris. 2 Le médecin qui la conduisoit à Bourbon.

rien du tout: ma très chère bonne, ôtez tout cela de votre esprit vous me reverrez dans peu de jours en parfaite santé; je n'ai pas eu la moindre incommodité depuis que je suis partie. Je remercie Dieu de votre bonne santé; je le prie de vous conserver, et M. de Grignan que j'embrasse tendrement, et qu'il donne une dose de patience au-delà de l'ordinaire à ce pauvre chevalier. Il est bien nécessaire que vous en trouviez aussi, ma pauvre bonne, pour soutenir tout ce qui vous arrive sans aucun secours, après tant de justes espérances. Si on osoit penser ici, on seroit accablé de cette penséc, mais on la rejette, et on est précisément comme un automate. Notre charrette mal graissée reçoit et fait des visites; nous allons par les rues; mais nous nous gardons bien d'avoir une ame, cela nous importuneroit trop pendant nos remèdes; nous retrouverons nos ames à Paris. J'embrasse la chère Martillac ; j'ai bien soupiré de ne point aller à Vichi, et de ne point voir M. Ferrand, mais il étoit impossible; et je ne sais même comme j'aurois pu faire avec mon équipage, car les chemins sont devenus étranges de Moulins à Vichi; c'est vers Varennes; elle saura bien ce que je veux dire; Dieu fait tout pour le mieux. Nous attendons pourtant M. de Sainte-Maure et M. Mansart; la plupart prennent la litière. Vous entretenez si bien tout le commerce de mes amies, que je n'ai qu'à vous prier de continuer, et d'aimer aussi le bon Corbinelli comme je l'aime : je lui

Jules Hardouin Mansart, célèbre architecte son plus bel ouvrage est le dôme des Invalides.

souhaite ce bonheur, comme ce que j'imagine de meilleur pour lui. Adieu, aimable et chère fille, je vous assure que vous m'aimez trop. Voilà madame la duchesse de Chaulnes qui entre, qui me gronde, sans savoir bonnement pourquoi, et qui embrasse la belle comtesse. Tout Bourbon écrit présentement; demain matin tout Bourbon fait autre chose, c'est un couvent. Hélas! du serin, bon dieu! où le pourrions nous prendre? Il faudroit qu'il y eût de l'air: point de sauces, point de ragoûts; j'espère bien cet hiver jeter un peu le froc aux orties dans notre jolie auberge.

935.

A la même.

A Bourbon, mardi 7 octobre 1687.

Vous vous avisez de me gronder, au lieu d'entrer dans le plaisir de savoir que je me porte mieux que je n'ai jamais fait, et que j'ai été trop heureuse de m'épargner la peine d'aller à Vichi, puisque j'en ai fait venir les eaux qui m'ont purgée autant que je puis l'être; car il s'en faut bien que je n'aie le même besoin que j'avois il y a dix ans de cette lessive; il y a tout à dire. M. Mansart est ici ; il ne respire que de se restaurer des extrêmes évacuations de Vichi; tous ceux qui en sont revenus tiennent le même langage. Il est vrai que pendant huit jours que j'ai pris ici les eaux de Vichi, elles m'ont très bien fait, mais j'ai pris ensuite celles de

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