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plus forts et aux plus habiles, etc. » Du moins, ajoute-t-il, ceux-ci sont-ils francs Je ne crois pas qu'il

s'ils sont atroces.

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soit fort commun d'entendre prêcher une telle doctrine. Il y aurait, avec l'atrocité, trop de maladresse dans cette franchise. Mais on a vu de tout temps des hommes qui affichaient un grand respect pour la religion, donner tout, dans leur conduite, à l'empire de la force et de l'habileté. Les Borgia, les Henri VIII, les Cromwell, les Louis XI ne professaient point l'athéisme, et ce sont pourtant là de ces forts et de ces habiles à qui le monde appartient. Ils ont, proportion gardée, dans les rangs inférieurs et dans les conditions communes, des imitateurs qui savent s'emparer, par les mêmes moyens, de ce qui est à leur portée, et de ce qui est pour eux le monde : ce ne sont point non plus des prédicateurs d'athéisme; et quand cela sert à leurs vues, ce sont même de fort bons chrétiens.

Les athées de la seconde espèce sont ce que l'auteur appelle les honnêtes gens de

l'athéisme, les hypocrites de l'incrédulité : << Absurdes personnages, mille fois plus dangereux que les autres, et qui, avec une douceur feinte, se porteraient à tous les excès pour soutenir leur système. » Voilà de bonnes et fortes injures qui prouvent ce que l'auteur pourrait se permettre pour soutenir le sien. Mais enfin cela ne nous dit pas quels sont ces hypocrites abominables, quel est le système de ces hommes affreux. Le voici enfin, et l'on doit s'attendre à frémir de la tête aux pieds : « Ces hommes prétendent que l'athéisme ne détruit ni le bonheur, ni la vertu, ni les justes autorités de la vie, et qu'il n'y a point de condition où il ne soit aussi profitable d'être incrédule que d'être religieux. >> Mais si ces monstres-là veulent propager leur doctrine, ils prêchent sans doute d'exemple. On les voit heureux dans leur intérieur, vertueux dans leurs actions publiques et privées, obéissants aux justes autorités, c'est-à-dire aux lois, et à ceux qui ont été légitimement choisis pour en être les or

ganes; contents de leur condition, et ne calculant jamais ce qu'ils doivent croire ou ne pas croire en religion, pour savoir ce qu'en morale pratique ils ont à suivre ou à éviter. Alors je ne vois pas quel intérêt ils auraient à être des hypocrites, ni ce qu'il

y

a d'absurde en eux, ni de quel danger ils peuvent être pour la chose publique, ni à quels excès ils pourraient se porter pour soutenir leur système, sans être convaincus par cela même d'en avoir changé.

Et remarquez bien qu'on ne les accuse pas ici d'être des athées; qu'en effet, d'après les opinions mêmes qu'on leur donne, ils ne doivent ni professer l'athéisme, ni chercher à le propager. On les accuse seulement d'avoir assis leur bonheur, leurs devoirs et ceux des autres, sur des bases qu'ils jugent plus solides, moins mobiles et plus universelles que des opinions religieuses. Peut-être cela paraît-il absurde et exécrable dans les royaumes de la solitude; mais, dans tout État civilisé, dans toute grande association politique, la question est de

savoir si, sans s'inquiéter de ce qui regarde la croyance, qui est une affaire entre Dieu et les hommes, on ne gagnerait pas infiniment à poser sur de tels fondements l'édifice de la morale, qui est l'affaire des hom

mes entre eux 1.

Au lieu de cela, l'auteur examine s'il est de l'intérêt de l'homme malheureux ou de l'homme heureux d'être athée; ce n'est point du tout là la question. Tous les grands capitaines de l'antiquité ont été remarquables par leur religion. Fort bien; mais il ne fallait pas mêler Épaminondas et Scipion avec Alexandre.

Des Anciens il passe aux modernes...

Des généraux et des armées, l'auteur s'élève jusqu'aux gouvernements et aux chefs des empires. Il demande si ceux qui

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1. Ce passage explique pourquoi le critique a si peu goûté l'ouvrage et entendu l'auteur, bl.

VII.

(Note des premiers Éditeurs.)
4.

gouvernent les peuples doivent nier la Divinité. Et pourquoi la nieraient-ils? Qui le leur a jamais conseillé 1?,

ARTICLE SECOND.

Notre auteur est peu difficile en transitions; après avoir épuisé tout ce qui regarde la croyance et le dogme, il déclare que ce sujet le mène naturellement à parler des effets du christianisme dans la poésie, la littérature et les beaux-arts. Naturellement ou non, cette partie qu'il intitule Poétique du Christianisme, est la principale: on voit que c'est pour elle que le reste est fait, et peut-être aurait-il dû s'y borner; mais, dans cette partie même, qui contient deux volumes entiers, on retrouve

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1. Ce premier article est terminé par une digression sur le système représentatif et sur l'origine de la puissance suprême, que nous nous abstiendrons d'insérer, parce qu'il ne s'agit point ici des opinions politiques du critique.) Ren main Note des premiers Éditeurs.)

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