Page images
PDF
EPUB

COUP D'OEIL RAPIDE

SUR

LE GÉNIE DU CHRISTIANISME,

(Trois Extraits publiés dans la Décade philosophique et littéraire, Nos 27, 28 et 29 de l'an x (1801 el 1802), composent cette brochure.)

ARTICLE PREMIER.

QU'EST-CE que cet ouvrage? Est-ce un livre dogmatique, ou une poétique, un traité de philosophie morale?

Si c'est le premier, la partie poétique est de trop, ou n'est pas ce qu'elle devait être. Elle est remplie d'images profanes

1. On les attribue à M. Ginguené.

que la religion du Christ, et encore plus la religion des papes, proscrit. La poésie des prophètes, du psalmiste et des hymnographes, est la seule qu'elle approuve; à ses yeux austères, tout le reste est vanité.

Si c'est une poétique, ou un traité sur le parti que les poètes modernes pouvaient tirer de la religion chrétienne (et ce sujet pouvait être riche et intéressant à traiter), toute la partie dogmatique est au moins superflue. Si Aristote s'était proposé d'analyser dans sa Poétique l'emploi que les grands poètes grecs avaient fait de la mythologie, et celui qu'on en pouvait faire encore, il n'eût certainement pas commencé par démontrer la vérité de tous les dogmes du polythéisme; c'était l'affaire des hiérophantes et des prêtres de Jupiter'.

Je jetterai seulement ici quelques ré

1. Les critiques qui ont combattu le Génie du Christianisme ayant perpétuellement répété cette objection, en feignant de se méprendre sans cesse sur le but et l'inten

[ocr errors]

flexions, non sur le fond des choses, mais sur la manière dont il les traite; et ce sera encore presque sans ordre et à mesure que les objets s'offriront à moi, pour mieux éviter tout ce qui aurait l'air d'une discussion en règle.

Ce qu'il y a de particulier dans notre jeune auteur, c'est que ce qui paraît aux plus robustes croyants être au-dessus de la raison humaine, en exiger l'humiliation et même le sacrifice, n'est qu'au niveau de la sienne, et qu'il semble réellement comprendre ce que tous les docteurs traitent d'incompréhensible'. Des mystères! il n'y a, selon lui, rien de si conforme à la nature de notre esprit et de notre ame. Rien de beau, de doux, de grand dans la vie les choses mystérieuses. Mystère dans

que

tion de l'auteur, nous obligent à nous répéter nous-mêmes, et à renvoyer encore le lecteur à la Défense de l'ouvrage : elle répond complètement aux critiques.

(Note des premiers Éditeurs.)

1. Il ne s'agit pas ici de la foi de l'auteur : il ne parle

et ne veut parler que de la beauté des mystères.

(Note des premiers Éditeurs.)

les sentiments, dans les vertus, dans les sciences, dans les plaisirs de la pensée, dans les forêts et les solitudes, dans les monuments hieroglyphiques, enfin dans l'homme lui-même. Confondant ainsi le mystère avec les mystères, il conclut qu'il n'est donc pas étonnant que les religions de tous les peuples aient eu leurs choses impénétrables ou leurs mystères.

C'est si bien l'imagination qui le plus souvent le domine dans sa partie démonstrative et dogmatique', que lorsqu'il traite, par exemple, du mystère de l'incarnation, saisi tout à coup d'enthousiasme à l'idée des beautés célestes de Marie, il fait un appel aux poètes, et les invite à la chanter, à la peindre assise sur un trone de candeur, brillante sur ce trône comme une rose mystique'.

[ocr errors]
[ocr errors]

1. C'est reprocher à l'auteur d'avoir fait ce qu'il voulait faire. (Note des premiers Éditeurs.)

2. Les expressions soulignées par le critique sont tirées des prières de l'Église. (Note des premiers Éditeurs.)

1

Sa prédilection pour les descriptions poétiques brille encore dans celle qu'il fait de Moïse descendant de la montagne avec les tables du Décalogue. Il s'agissait de comparer cette loi avec celles des législateurs anciens, et d'en montrer la supériorité. Il commence par traduire sèchement les premières; il en tronque ou mutile quelques-unes, comme celle de Pythagore; il omet en entier les lois de Platon, sous prétexte qu'elles n'ont point été mises en pratique; enfin, il les récapitule toutes inexactement, tâche de les mettre en contradiction, et leur oppose des objections dont celle-ci peut faire apprécier la justesse. Une loi de Minos déclare infame quiconque n'a point d'ami. « Ce législateur, »> dit M. de Chateaubriand, « a donc déclaré infames tous les infortunés? » Si l'on concluait de cette fausse conséquence qu'il n'a jamais lui-même été l'ami d'aucun malheureux, qu'aurait-il à dire?

1. Toujours le but de l'auteur méconnu.

(Note des premiers Éditeurs.)

« PreviousContinue »