Page images
PDF
EPUB

l'homme par conséquent : c'est là tout le christianisme. Or, c'est la majeure de cet argument que M. de Chateaubriand prouve jusqu'à l'évidence, et il est aussi instructif qu'agréable dans ses comparaisons entre les poètes chrétiens et les poètes païens : et quels poètes! Virgile, Le Tasse, Milton, Racine, Corneille, les Grecs, les Romains, les Français, les Anglais, David, Homère ; c'est-à-dire tout ce qui rappelle les plus hautes pensées, les sentiments les plus vrais, le style le plus doux et le plus fort. C'est un nouveau point de vue offert à la littérature, et il est immense.

L'auteur traite aussi des autres arts, des arts d'imitation, de l'homme même physique, et il fait voir ce qu'ils doivent à l'homme et aux sciences des siècles chrétiens.

Il passe aux harmonies de la religion chrétienne avec nos sentiments, nos souvenirs, nos passions; et cette partie de son ouvrage est empreinte d'une mélancolie douce et rêveuse, qui est le caractère do

minant du faire, ou plutôt de l'être même de l'auteur, et qui sans doute n'est que l'impression qui lui est restée de grandes scènes et de grands malheurs, comme le long frémissement que conserve un corps sonore, après le coup qui l'a frappé. Cet auteur a vu aussi les grands contrastes de la vie, et il les a tracés dans ses écrits: il a vu le monde entier n'être que le grand contraste du passé et de l'avenir; partout l'opposition du néant à l'être, le malheur dans le berceau, l'espoir dans le tombeau, et dans la mort tout l'intérêt de la vie. Son ouvrage même est un contraste avec l'esprit d'irréligion et les joies dissolues de notre temps, et il en sera plus remarqué et plus agréable.

Enfin, l'ouvrage est terminé par

le ta

bleau des bienfaits du christianisme et de la sublimité de ses institutions. La partie des missions est un chef-d'œuvre, et elle est l'histoire fidèle des plus étonnantes entreprises que l'homme ait jamais exécutées. Les grands services que les ordres reli

gieux ont rendus à l'humanité, considérée dans toutes ses misères et toutes ses faiblesses, y sont présentés; et l'on est étonné du nombre prodigieux de formes que la charité avait revêtues pour être utile aux hommes.

J'ai à peine parlé du style; il suffit de dire qu'il est partout l'expression de la pensée, et c'est tout ce que doit être un bon style. Le style du Génie du Christianisme a un caractère à lui; chose aussi rare, quand tout le monde écrit bien, qu'un caractère d'homme est rare quand tout le monde est poli. Il se plaît aux pensées mystérieuses, aux souvenirs doux et tristes, aux choses graves et élevées, c'està-dire à tout ce qu'il y a de plus beau, de meilleur. Enfin, la critique peut apercevoir des taches, mais le sentiment du beau et du bon n'y a vu que des beautés, et l'amitié n'en a présagé que les succès.

EXTRAIT

DE LA GAZETTE DE FRANCE.

́(Du 16 floréal an x1 (6 mai 1803.) Auteur anonyme. )

Le dix-huitième siècle a fini dans l'opprobre de tous les vices, les fureurs d'une sanglante démocratie, et les excès d'une philosophie puissante pour le mal; mais le dix-neuvième commence sous les regards d'un ciel plus propice. Un nouvel ordre de pensées et de desseins se développe deil se remue quelque chose dans les esprits, qui tournera peut-être à l'affermissement des sociétés humaines. Déjà l'amour de la religion et des principes conservateurs de la morale et de la justice sur la terre, a suscité deux écrivains du talent le plus distingué, qui, forts de la beauté

vant nous;

de leur cause comme de celle de leur génie, sont descendus dans l'arène pour défendre le christianisme, la civilisation, l'humanité tout entière; je veux parler ici de M. de Bonald et de M. de Chateaubriand : l'un et l'autre ont été mûris par l'infortune, et c'est peut-être à cette rude et salutaire école qu'ils doivent ce qu'il y a de plus profond dans leurs sentiments et leurs pensées. L'enthousiasme ne doit pas aller jusqu'à les croire sans défauts, et quel écrivain n'en a pas? Mais on craint peu de dire que, par la force et l'originalité de leurs conceptions, ils sont faits tous deux, quoique dans un genre différent, pour , pour être l'ornement de leur patrie et même de leur siècle. Qu'il nous soit permis, puisque l'occasion s'en présente ici, de les confondre dans l'hommage qu'on doit aimer à rendre au talent, toutes les fois qu'il est consacré à l'usage le plus noble et le plus glorieux.

Ces deux écrivains ont le mérite d'être neufs au dix-neuvième siècle, et c'est bien

« PreviousContinue »