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sions pittoresques, ces descriptions pleines de vie et de chaleur, et surtout ces sentiments si vrais, ces rêveries si douces de la solitude et du malheur, ces deux puissants, mais durs auxiliaires des grandes vertus et des grands talents.

CRITIQUE,

PAR M. DE BONALD.

(Insérée dans le Publiciste du 14 floréal an x ( 4 mai 1802.)

La bonté du christianisme n'a jamais été révoquée en doute que par des insensés; mais sa beauté, qui n'est au fond que sa bonté rendue sensible, a été méconnue par de beaux esprits; ou bien, en le travestissant, ils en ont fait l'objet d'indécentes railleries "genre de preuves.qui a contre le christianisme tout le mérite et toute la force de la parodie appliquée aux objets grands et sérieux. Boileau a pu dire:

De la foi des Chrétiens les mystères terribles,
D'ornements égayés ne sont pas susceptibles;

mais l'ouvrage que nous annonçons prouve

que la littérature peut être redevable à la religion d'ornements graves, de beautés majestueuses et sombres, qui sont la parure de toutes les choses nobles et élevées.

Le Génie du Christianisme est du petit nombre des heureuses productions qui joignent à tous les genres de mérite celui de l'à-propos, et qui sont à la fois des ouvrages de tous les temps et des ouvrages de circonstance jamais elles ne furent plus favorables au développement des idées qu'il présente, que lorsque le christianisme sort de ses ruines, et reparaît comme le soleil après l'orage. Cet ouvrage s'associe à une des plus grandes époques de l'histoire, et il ne reste pas au-dessous; il commence avec l'ère nouvelle de la religion et de la France, et il ouvre une carrière nouvelle à la littérature.

Pour faire véritablement connaître cet ouvrage, il faudrait en rapporter en grand nombre des morceaux étendus, et les bornes de ce journal permettent à peine d'en

présenter l'extrait raccourci. Ainsi nous sommes forcés de prévenir nos lecteurs qu'il ne leur sera offert qu'une idée trèsimparfaite de ce grand nombre de beautés d'ensemble et de détail, d'inventions et d'aperçus; de ces pensées souvent profondes, de ces sentiments toujours tendres et mélancoliques, de ce style original répandu partout dans cette production, et qui lui donne un caractère particulier qui la distingue. Nous en exposerons du moins le plan et l'ordonnance, et nous parcourrons les objets qui y sont traités.

le christianisme

L'auteur commence, commence lui-même par les mystères et les sacrements, qui sont le fonds, et comme la charpente de l'édifice; et il à la prouve raison qu'il ne peut y avoir de religion. divine sans mystères, à l'imagination qu'il n'y a pas de beautés sans secrets. Les sacrements sont, en quelque sorte, la métaphore du christianisme, je veux dire l'expression sensible de ce qui revêt et met

sous les sens une chose intellectuelle ; et ils sont à la religion ce que le style figuré (et tout style est figuré) est au discours.

Dans la partie des traditions mosaïques, le morceau sur l'astronomie a été remarqué; et certes il serait difficile de rien dire de plus ingénieux et d'un plus grand effet de pensée et de style.

L'auteur, après avoir jeté des fleurs sur les choses grandes et profondes, pour parler son langage, approfondit les choses agréables; et c'est ici la partie de son ouvrage la plus originale, la plus spirituelle, disons, peut-être la plus sérieuse. Ce n'est pas seulement pour les hommes à imagination que la perfection de la littérature, depuis les progrès du christianisme, est une preuve de la vérité de la religion : c'est aussi pour le philosophe et l'homme qui raisonne. En effet, si la littérature est, comme on ne saurait le nier, l'expression, la parole de l'homme en société, la perfection dans l'expression suppose nécessairement la perfection de l'objet exprimé, de

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