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rait calomnier un siècle qui n'a pas besoin qu'on lui cherche des torts, que de ne pas reconnaître le degré où il a porté les lumières et le mouvement qu'il a imprimé à la pensée. Le christianisme ne peut redouter ni l'un ni l'autre : ces lumières ne serviront qu'à le montrer dans un plus beau jour; et cette activité des esprits, qu'à l'identifier avec les idées justes et vraies qui appartiennent à la philosophie : il entrera, pour ainsi dire, dans le domaine de sa rivale, il empruntera quelque chose de sa force; et, la guerre qu'elle lui a faite se changeant en une heureuse alliance, on verra marcher sous les mêmes bannières la philosophie et la religion, désormais réunies par un lien indissoluble. Ainsi, le génie sera fécondé de nouveau; ainsi, les champs de la littérature, depuis si longtemps privés de la rosée du ciel, et maintenant si défleuris, reprendront leur ancien éclat.

Et déjà cette religion, heureusement combinée avec ce qu'il y a de plus sage

dans la philosophie moderne, fait éclore un de ces ouvrages et développe un de ces talents qui ne redoutent aucune comparaison, qui imposent à la critique, à force d'originalité, qui peuvent fournir matière aux sarcasmes des petits esprits, mais dont les bons esprits reconnaissent la supériorité, et qui, en ouvrant une nouvelle et immense carrière, signalent et commencent une heureuse révolution dans la littérature comme dans les idées. C'est sans doute un phénomène, au milieu de cette dégradation générale des lettres, parmi ces ruines du talent, et dans ce déluge d'écrits faibles et insignifiants dont nous sommes inondés, que l'apparition d'un livre tel que le Génie du Christianisme; et il sera à jamais remarquable que le dix-neuvième siècle, qui, par la force des choses, semblait voué à la décadence de la littérature comme au mépris de toutes les institutions antiques, se soit annoncé par une production aussi distinguée, et que cette production ait été inspirée par la religion.

Il y avait donc dans le christianisme de quoi enflammer le génie! Cette mine intacte renfermait donc des trésors capables d'enrichir le talent. Il ne fallait donc avoir qu'un esprit droit pour juger cette religion, des yeux pour l'examiner, et un pinceau pour la peindre! Le nuage de nos passions et de nos préventions l'environnait ; l'auteur du Génie du Christianisme l'a dissipé: il a levé le voile qui dérobait tant de beautés à nos regards. Je laisse à d'autres le triste soin de remarquer, avec plus d'affectation peut-être et de mauvaise foi que de vraie critique, quelques phrases incorrectes ou quelques expressions trop hardies, échappées dans le feu d'une composition si franche et si naturelle; je craindrais de flétrir, par de froides dissections et par une analyse sèche, un ouvrage qui® ne laisse dans l'esprit que de grandes images, dans le cœur que de grands sentiments, soit que l'auteur nous plonge dans les térieuses profondeurs de la religion, soit qu'il nous la montre brillante de toutes

mys

ses pompes et parée de tous ses bienfaits.

Je le louerais d'avoir osé braver les sarcasmes de quelques mauvais plaisants, en s'occupant dans la première partie de son livre, d'objets qui, depuis long-temps, sont en possession de fournir de l'esprit à ceux qui n'en ont pas, si les grands talents ne portaient en eux-mêmes un instinct courageux, qui leur fait mépriser les traits de la populace des railleurs: il n'a pás craint de nommer, dans ses premiers chapitres, l'Eucharistie, la Pénitence, l'ExtrêmeOnction; et ce langage, qui paraît si étranger au ton du jour et aux idées actuelles, prouve que si dans les autres parties l'auteur semble s'y conformer davantage, c'est moins par une condescendance calculée, que par un sentiment réel et sincère des vérités qu'il expose: il a écrit un ouvrage neuf avec une foi antique : les beautés de la religion, qu'il a mises dans tout leur jour, ne semblent s'accorder plus particulièrement avec le goût qui règne aujourd'hui, pour les arts et pour les choses

d'imagination, que parce que ce sont des beautés de tous les temps, faites pour frapper les esprits à toutes les époques, dès qu'une main habile aura su les leur pré

senter.

Il est pourtant vrai de dire que, malgré l'influence de la philosophie, les imaginations n'ont jamais été plus disposées qu'elles le sont maintenant à accueillir tout ce qui peut les flatter, et c'est encore une circonstance qui me paraît très-favorable au christianisme: nous avons plus que jamais l'enthousiasme des arts; les merveilles qui sont le fruit de nos conquêtes ont donné une nouvelle activité à cette passion qui est si naturelle; les monuments et les chefs-d'œuvre dont nous sommes environnés, ont exalté notre sensibilité. Une religion qui ne se montrerait qu'hérissée d'arguments serait rebutée dans un siècle où l'on se pique beaucoup de raisonner, et dans lequel on hait tout ce qui a l'air du raisonnement; mais le christianisme s'offrant avec toutes ses pompes et toutes ses

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