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CRITIQUE

DU GENIE DU CHRISTIANISME,

PAR M. DUSSAULT.

(Extrait du Journal des Débats, du 20 floréal an x.)

Les premiers jours du dix-huitième siècle furent marqués par la naissance de la philosophie anti-religieuse, et par des ouvrages où commençait à percer le mépris des plus anciennes et des plus respectables institutions; le siècle dans lequel nous entrons s'ouvre sous des auspices plus fortunés: ce sont les voies trompeuses de la philosophie même, qui nous ont ramenés aux sentiments qu'elle a voulu réprouver, et aux maximes qu'elle s'étudiait à proscrire.

Ses systèmes, ses déclamations et ses fureurs ont alimenté et soutenu pendant plus de soixante ans la littérature, qui était tombée avec elle dans l'épuisement, la langueur et le discrédit. Il fallait qu'une nouvelle source d'idées rendît à ce champ devenu stérile son ancienne fraîcheur et sa fécondité passée. Mais les seuls principes du bon sens, quoique oubliés depuis si long-temps, quoique rajeunis par la désuétude, n'eussent peut-être pas été capables de piquer et d'attacher des esprits que le long usage des discussions philosophiques a rendus avides des spéculations les plus relevées. C'était à la religion qu'il appartenait de se mettre au niveau de nos pensées, sans perdre de vue ces humbles, mais solides maximes qui sont le fonds de la sagesse universelle, et de trouver le point fixe où le bon sens peut s'unir avec la philosophie, où les prétentions de l'esprit se rencontrent avec la simplicité de la raison: elle se lie en effet, par son histoire, par ses antiquités, par l'influence qu'elle a exercée

par

sur le monde depuis près de vingt siècles, les révolutions et les changements qu'elle a opérés, par ses établissements, par ses combats et par ses triomphes, aux méditations les plus sublimes. Elle peut même intéresser ce goût et cette passion pour la nouveauté qui forment le caractère du temps où nous vivons; car il n'est rien de plus neuf aujourd'hui, pour la plupart des esprits, que la religion chrétienne: nous ne la connaissons guère que par les sarcasmes que l'on a lancés contre elle, que par le ridicule dont on a cherché à la couvrir; elle a été l'objet de nos dérisions et non de nos réflexions; elle n'a été jugée que par la partialité; elle nous est véritablement inconnue. Il n'est donc pas indigne du génie philosophique qui préside aujourd'hui à la littérature de tourner ses regards vers ce nouveau point de vue; d'examiner si ces reproches et ces accusations si rebattues sont fondées; si ces railleries tant vantées sont aussi solides qu'elles sont piquantes: j'oserai même dire que

c'est le seul aliment qui lui reste à présent, et le meilleur usage qu'il puisse faire de cette force qui l'a entraîné si loin, et de cette activité qui le tourmentera en pure `perte, si, au défaut des ressources que le temps a usées et que l'expérience a décriées, il ne se fixe sur un objet important et nouveau, capable de suppléer à ce qui lui manque.

Chose étrange! peut-être sommes-nous aujourd'hui dans la position la plus avantageuse où l'on ait jamais été pour apprécier le christianisme : la révolution, en l'éloignant de nous pour un temps, l'a placé à ce point de perspective qui montre les objets dans leur ensemble et sous leurs véritables dimensions; on l'a examiné comme une institution avec laquelle on ne pouvait plus avoir que des rapports éloignés, et c'est parce qu'il a appartenu un moment à l'histoire, qu'il a cessé d'avoir la passion pour juge. L'esprit philosophique lui-même, s'il est bien dirigé, ne peut que lui être favorable : ce se

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