Page images
PDF
EPUB

XX. Autre manière (communiquée par Racine fils à l'éditeur de Boileau en 1740).

Du théâtre françois l'honneur et la merveille,
J'ai su ressusciter Sophocle dans mes vers,

[blocks in formation]

Et, sans me perdre dans les airs,

Voler aussi haut qué Corneille.

Vers pour mettre sous le portrait de M. de La Bruyère, au-devant de son livre des Caractères du temps.

1693.

Tout esprit orgueilleux qui s'aime

Par mes leçons se voit guéri;
Et dans mon livre si chéri
Apprend à se naïr soi-même.

XXII. — Épitaphe de M. Arnauld, docteur de Sorbonne

1694.

Au pied de cet autel de structure grossière',
Gît sans pompe, enfermé dans une vile bière,
Le plus savant mortel qui jamais ait écrit;
Arnauld, qui, sur la grâce instruit par Jésus-Christ,
Combattant pour l'Église, a, dans l'Église même,
Souffert plus d'un outrage et plus d'un anathème.
Plein du feu qu'en son cœur souffla l'esprit divin,
Il terrassa Pélage, il foudroya Calvin,

De tous les faux docteurs confondit la morale.
Mais, pour fruit de son zèle, on l'a vu rebuté,
En cent lieux opprimé par leur noire cabale,
Errant, pauvre, banni, proscrit, persécuté;
Et même par sa mort leur fureur mal éteinte
N'auroit jamais laissé ses cendres en repos,
Si Dieu lui-même ici de son ouaille sainte
A ces loups dévorans n'avoit caché les os.

XXIII.

A Mme la présidente de Lamoignon, sur le portrait du père Bourdaloue qu'elle m'avoit envoyé.

1704.

Du plus grand orateur dont la chaire se vante,
M'envoyer le portrait, illustre présidente,

1. Antoine Arnauld, mort en Flandre le 8 août 1694, dans sa quatrevingt-troisième année, est enterré dans un faubourg de Bruxelles, sous l'autel d'une petite chapelle.

C'est me faire un présent qui vaut mille présens.
J'ai connu Bourdaloue, et dés mes jeunes ans
Je fis de ses sermons mes plus chères délices.
Mais lui, de son côté lisant mes vains caprices,
Des censeurs de Trévoux n'eut point pour moi les yeux.
Ma franchise surtout gagna sa bienveillance.
Enfin après Arnauld, ce fut l'illustre en France
Que j'admirai le plus ét qui m'aima le mieux.

XXIV. - Énigme.

1653.

Du repos des humains implacable ennemie,
J'ai rendu mille amans envieux de mon sort.
Je me repais de sang, et je trouve ma vie
Dans les bras de celui qui recherche ma mort'.

XXV. Sur le cheval de don Quichotte.
1653-1656.

Tel fut ce roi des bons chevaux,
Rossinante, la fleur des coursiers d'Ibérie,
Qui trottant nuit et jour et par monts et par vaux,
Galopa, dit l'histoire, une fois en sa vie.

[ocr errors]

- Autre fragment de la relation d'un voyage à Saint-Prix.

1653-1656.

J'ai beau m'en aller à Saint-Prit :
Ce saint qui de tous maux guérit,

Ne sauroit me guérir de mon amour extrême.
Philis, il le faut avouer,

Si vous ne prenez soin de me guérir vous-même,
Je ne sais plus du tout à quel saint me vouer.

4. Une puce. (B.)

2. Boileau, âgé de dix-sept à vingt ans, avoit une maîtresse à SalmPrix. Il étoit allé la voir, monté sur un très-mauvais cheval, et avoit fait une relation de ce voyage, dont il reste ces vers et ceux que nous donnons ensuite.

XXVII.

Vers pour mettre au-devant de la Macarise1, roman allégorique de l'abbé d'Aubignac où l'on expliquoit toute la morale des stoïciens.

1664.

Lâches partisans d'Epicure,

Qui brûlant d'une flamme impure,

Du Portique fameux fuyez l'austérité,
Souffrez qu'enfin la raison vous éclaire.
Ce roman, plein de vérité,

Dans la vertu la plus sévère

Vous peut faire aujourd'hui trouver la volupté.

[blocks in formation]

Le dos chargé de bois, et le corps tout en eau,
Un pauvre bûcheron, dans l'extrême vieillesse,
Marchoit en haletant de peine et de détresse.
Enfin, las de souffrir, jetant là son fardeau,
Plutôt que de s'en voir accablé de nouveau,
Il souhaite la Mort, et cent fois il l'appelle.
La Mort vint à la fin : « Que veux-tu ? cria-t-elle.
· Qui? moi! dit-il alors prompt à se corriger :
Que tu m'aides à me charger. >>

[merged small][ocr errors]

Impromptu à une dame qui demandoit à l'auteur un quatrain sur la prise de Mons.

1691.

Mons étoit, disoit-on, pucelle

Qu'un roi gardoit avec le dernier soin.

Louis le Grand en eut besoin :

Mons se rendit, vous auriez fait comme elle.

1. Macarise, ou la Reine des les fortunées, 2 vol. in-8° publiés en 1664.

2. François Hédelin, abbé d'Aubignac, étoit né à Paris en 1604; il mourut à Nemours en 1676. Son traité de littérature dramatique, inti. tulé Pratique du Théâtre, est son meilleur ouvrage.

3. L'école de Zénon. (B.)

[blocks in formation]

Ἤειδον μὲν ἐγών, ἐχάρασσε δὲ θεῖος Ομηρος '.

Quand la dernière fois, dans le sacré vallon,
La troupe des neuf Sœurs, par l'ordre d'Apollon,
Lut l'Iliade et l'Odyssée,

Chacune à les louer se montrant empressée,
<< Apprenez un secret qu'ignore l'univers,
Leur dit alors le dieu des vers:

Jadis avec Homère, aux rives du Permesse,
Dans ce bois de lauriers où seul il me suivoit,
Je les fis toutes deux plein d'une douce ivresse :
Je chantois, Homère écrivoit. >>

[blocks in formation]

Agréables jardins, où les Zéphyrs et Flore
Se trouvent tous les jours au lever de l'aurore;
Lieux charmans, qui pouvez dans vos sombres réduits
Des plus tristes amans adoucir les ennuis,
Cessez de rappeler dans mon âme insensée

De mon premier bonheur la gloire enfin passée.
Ce fut, je m'en souviens, dans cet antique bois
Que Philis m'apparut pour la première fois;
C'est ici que souvent, dissipant mes alarmes,
Elle arrêtoit d'un mot mes soupirs et mes larmes;
Et que, me regardant d'un œil si gracieux,
Elle m'offroit le ciel ouvert dans ses beaux yeux.
Aujourd'hui cependant, injustes que vous êtes,
Je sais qu'à mes rivaux vous prêtez vos retraites,
Et qu'avec elle assis sur vos tapis de fleurs,
Ils triomphent contens de mes vaines douleurs.
Allez, jardins dressés par une main fatale,
Tristes enfans de l'art du malheureux Dédale :
Vos bois, jadis pour moi si charmans et si beaux,
Ne sont plus qu'un désert, refuge de corbeaux,
Qu'un séjour infernal, où cent mille vipères,

Tous les jours en naissant, assassinent leurs mères 2.

[ocr errors]

1. Vers grec de l'Anthologie. (B.) Le dernier vers de cette pièce est une traduction de ce vers grec.

2. Ce sont des vers de Le Verrier, refaits et développés par Boileau.

FIN DES POÉSIES DIVERSES.

[blocks in formation]

III.

Sur une personne fort connue.

De six amans contens et non jaloux,

Qui tour à tour servoient madame Claude,

Le moins volage étoit Jean, son époux.

Un jour pourtant, d'humeur un peu trop chaude,
Serroit de près sa servante aux yeux doux,
Lorsqu'un des six lui dit : « Que faites-vous?
Le jeu n'est sûr avec cette ribaude;

Ah! voulez-vous, Jean-Jean, nous gâter tous? »

IV.

[ocr errors]

Sur un frère aîné que j'avois, et avec qui j'étois brouillé.

De mon frère, il est vrai, les écrits sont vantés;

Il a cent belles qualités;

Mais il n'a point pour moi d'affection sincère.
En lui je trouve un excellent auteur,

Un poëte agréable, un très-bon orateur;

Mais je n'y trouve point de frère.

V. Contre Saint-Sorlin.

Dans le palais hier Bilain'
Vouloit gager contre Ménage,

1. Avocat dont le vrai nom étoit Vilain.

« PreviousContinue »