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D'un ami de la vérité

Qui peut reconnoître l'image?

XIII.

-

Sur le buste de marbre qu'a fait de moi M. Girardon
premier sculpteur du roi.

Grâce au Phidias de notre âge,

Me voilà sûr de vivre autant que l'univers;
Et ne connût-on plus ni mon nom ni mes vers,
Dans ce marbre fameux, taillé sur mon visage,
De Girardon toujours on vantera l'ouvrage.

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Vers pour mettre au bas du portrait de Tavernier,
le célèbre voyageur.

1668.

De Paris à Delhi', du couchant à l'aurore,
Ce fameux voyageur courut plus d'une fois;
De l'Inde et de l'Hydaspe3 il fréquenta les rois,
Et sur les bords du Gange on le révère encore.
En tous lieux sa vertu fut son plus sûr appui;
Et, bien qu'en nos climats de retour aujourd'hui
En foule à nos yeux il présente

Les plus rares trésors que le soleil enfante",
Il n'a rien rapporté de si rare que lui.

XV.

Vers pour mettre au bas d'un portrait de monseigneur le duc du Maine, alors enfant, et dont on avoit imprimé un petit volume do lettres, au-devant desquelles ce prince étoit peint en Apollon, avec une couronne sur la tête.

1677.

Quel est cet Apollon nouveau,
Qui presque au sortir du berceau
Vient régner sur notre Parnasse ?
Qu'il est brillant! Qu'il a de grâce!
Du plus grand des héros je reconnois le fils.
Il est déjà tout plein de l'esprit de son père;
Et le feu des yeux de sa mère

A passé jusqu'en ses écrits.

1. François Girardon, sculpteur, né à Troyes en 1630, mort à Pari le 1er septembre 1715, le même jour que Louis XIV.

2. Ville et royaume des Indes. (B.) 3. Fleuves du même pays. (B.) 4. Il étoit revenu des Indes avec près de 3 millions de pierreries. (R.

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Vers pour mettre au bas du portrait de Mlle de Lamoignon.

1687.

Aux sublimes vertus nourrie en sa famille,
Cette admirable et sainte fille

En tous lieux signala son humble piété;
Jusqu'aux climats où naît et nit la clarté,
Fit ressentir l'effet de ses soins secourables,
Et jour et nuit pour Dieu pleine d'activité,
Consuma son repos, ses biens et sa santé,
A soulager les maux de tous les misérables.

XVII. Vers pour mettre au bas du portrait de défunt M. Hamon, médecin de Port-Royal.

1687.

Tout brillant de savoir, d'esprit et d'éloquence,

Il courut au désert chercher l'obscurité,

Aux pauvres consacra ses biens et sa science,
Et trente ans dans le jeûne et dans l'obscurité,
Fit son unique volupté

Des travaux de la pénitence.

XVIII.. Vers pour mettre sous le buste du roi, fait par Girardon, l'année que les Allemands prirent Belgrade.

1688.

C'est ce roi si fameux dans la paix, dans la guerre,
Qui seul fait à son gré le destin de la terre.
Tout reconnoît ses lois, ou brigue son appui.
De ses nombreux combats le Rhin frémit encore;
Et l'Europe en cent lieux a vu fuir devant lui
Tous ces héros si fiers, que l'on voit aujourd'hui
Faire fuir l'Ottoman au delà du Bosphore.

XIX.

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Vers pour mettre au bas du portrait de M. Racine.

Du théâtre françois l'honneur et la merveille,

Il sut ressusciter Sophocle en ses écrits;

Et dans l'art d'enchanter les cœurs et les esprits,
Surpasser Euripide et balancer Corneille.

4. Mlle de Lamoignon faisoit tenir de l'argent à beaucoup de missionnaires jusque dans les Indes orientales et occidentales. (B.) - L'édition de 1713 insère dans cette note les mots : « sœur de M. le premier président. >>

XX. Autre manière (communiquée par Racine fils à l'éditeur de Boileau en 1740).

Du théâtre françois l'honneur et la merveille,
J'ai su ressusciter Sophocle dans mes vers,

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Et, sans me perdre dans les airs,

Voler aussi haut qué Corneille.

- Vers pour mettre sous le portrait de M. de La Bruyère, au-devant de son livre des Caractères du temps.

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Au pied de cet autel de structure grossière',
Gît sans pompe, enfermé dans une vile bière,
Le plus savant mortel qui jamais ait écrit ;
Arnauld, qui, sur la grâce instruit par Jésus-Christ,
Combattant pour l'Église, a, dans l'Église même,
Souffert plus d'un outrage et plus d'un anathème.
Plein du feu qu'en son cœur souffla l'esprit divin,
Il terrassa Pélage, il foudroya Calvin,

De tous les faux docteurs confondit la morale.
Mais, pour fruit de son zèle, on l'a vu rebuté,
En cent lieux opprimé par leur noire cabale,
Errant, pauvre, banni, proscrit, persécuté;
Et même par sa mort leur fureur mal éteinte
N'auroit jamais laissé ses cendres en repos,
Si Dieu lui-même ici de son ouaille sainte
A ces loups dévorans n'avoit caché les os.

XXIII.

A Mme la présidente de Lamoignon, sur le portrait du père Bourdaloue qu'elle m'avoit envoyé.

1704.

Du plus grand orateur dont la chaire se vante,
M'envoyer le portrait, illustre présidente,

1. Antoine Arnauld, mort en Flandre le 8 août 1694, dans sa quatrevingt-troisième année, est enterré dans un faubourg de Bruxelles, sous l'autel d'une petite chapelle.

C'est me faire un présent qui vaut mille présens.
J'ai connu Bourdaloue, et dés mes jeunes ans
Je fis de ses sermons mes plus chères délices.
Mais lui, de son côté lisant mes vains caprices,
Des censeurs de Trévoux n'eut point pour moi les yeux.
Ma franchise surtout gågña sa bienveillance.
Enfin après Arnauld, ce fut l'illustre en France
Que j'admirai le plus et qui m'aima le mieux.

XXIV. — Énigmë.

4653.

Du repos des humains implacable ennemie,
J'ai rendu mille amans envieux de mon sort.
Je me repais de sang, et je trouve ma vie
Dans les bras de celui qui recherche ma mort'.

XXV. Sur le cheval de don Quichotte.

1653-1656.

Tel fut ce roi des bons chevaux,
Rossinante, la fleur des coursiers d'Ibérie,
Qui trottant nuit et jour et par monts et par vaux,
Galopa, dit l'histoire, une fois en sa vie.

XXVI.

· Autre fragment de la relation d'un voyage à Saint-Prix.

1653-1656.

J'ai beau m'en aller à Saint-Prit :
Ce saint qui de tous maux guérit,

Ne sauroit me guérir de mon amour extrême.
Philis, il le faut avouer,

Si vous ne prenez soin de me guérir vous-même,
Je ne sais plus du tout à quel saint me vouer.

4. Une puce. (B.)

2. Boileau, âgé de dix-sept å vingt ans, avoit une maîtresse à Sal Prix. Il étoit allé la voir, monté sur un très-mauvais cheval, et avoit fait une relation de ce voyage, dont il reste ces vers et ceux que nous donnons ensuite.

XXVII.

Vers pour mettre au-devant de la Macarise 1, roman allégorique de l'abbé d'Aubignac2 où l'on expliquoit toute la morale des stoïciens.

1664.

Lâches partisans d'Epicure,

Qui brûlant d'une flamme impure,

Du Portique fameux fuyez l'austérité,
Souffrez qu'enfin la raison vous éclaire.
Ce roman, plein de vérité,

Dans la vertu la plus sévère

Vous peut faire aujourd'hui trouver la volupté.

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Le dos chargé de bois, et le corps tout en eau,
Un pauvre bûcheron, dans l'extrême vieillesse,
Marchoit en haletant de peine et de détresse.
Enfin, las de souffrir, jetant là son fardeau,
Plutôt que de s'en voir accablé de nouveau,
Il souhaite la Mort, et cent fois il l'appelle.
La Mort vint à la fin : « Que veux-tu ? cria-t-elle.
Qui? moi! dit-il alors prompt à se corriger :

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XXIX. - Impromptu à une dame qui demandoit à l'auteur un quatrain sur la prise de Mons.

1691.

Mons étoit, disoit-on, pucelle

Qu'un roi gardoit avec le dernier soin.

Louis le Grand en eut besoin :

Mons se rendit, vous auriez fait comme elle.

1. Macarise, ou la Reine des les fortunées, 2 vol. in-8o publiés

en 1664.

2. François Hédelin, abbé d'Aubignac, étoit né à Paris en 1604; il mourut à Nemours en 1676. Son traité de littérature dramatique, intitulé Pratique du Théâtre, est son meilleur ouvrage.

3. L'école de Zénon. (B.)

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