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à toutes les habitudes de ceux qui lui commandent; il prend le ton de la maison qu'il habite. Lorsqu'on lui a confié pendant la nuit la garde de la maison, il devient plus fier, et quelquefois féroce; il veille, il fait la ronde; il sent de loin les étrangers; et, pour peu qu'ils s'arrêtent ou tentent de franchir les barrières, il s'élance, s'oppose, et, par des aboiements réitérés, des efforts et des cris de colère, il donne l'alarme, avertit et combat: aussi furieux contre les hommes de proie que contre les animaux carnassiers, il se précipite sur eux, les blesse, les déchire, leur ôte ce qu'ils s'efforçaient d'enlever; mais, content d'avoir vaincu, il se repose sur les dépouilles, n'y touche pas, même pour satisfaire son appétit, et donne en même temps des exemples de courage, de tempérance et de fidélité.

LE CHEVAL.

La plus noble conquête que l'homme ait jamais faite, est celle de ce fier et fougueux animal, qui partage avec lui les fatigues de la guerre et la gloire des combats: aussi intrépide que son maître, le cheval voit le péril et l'affronte; il se fait au bruit des armes, il l'aime, il le cherche, et s'anime de la même ardeur. Il partage aussi ses plaisirs : à la chasse, aux tournois, à la course, il brille, il étincelle. Mais, docile autant que courageux, il ne se laisse pas emporter à son feu; il sait réprimer ses mouvements: non seulement il fléchit sous la main de celui qui le guide, mais il semble consulter ses désirs; et, obéissant toujours aux impressions qu'il en reçoit, il se précipite, se modère ou s'arrête, et n'agit que pour y satisfaire. C'est une créature qui renonce à son être pour n'exister que par la volonté d'un autre ; qui sait même la prévenir; qui, par la promptitude et la précision de ses mouvements, l'exprime et l'exécute; qui sent autant qu'on le désire, et ne rend qu'autant qu'on veut; qui, se livrant sans réserve, ne se refuse à rien, sert de toutes ses forces, s'excède, et même meurt pour mieux obéir.

LE SERIN ET LE ROSSIGNOL.

Si le rossignol est le chantre des bois, le serin est le musicien de la chambre; le premier tient tout de la nature, le second participe à nos arts: avec moins de force d'organe, moins d'étendue dans la voix, moins de variété dans les sons, le serin a plus d'oreille, plus de facilité d'imitation, plus de mémoire; et, comme la différence du caractère, surtout dans ces animaux, tient de très près à celle qui se trouve entre leurs sens, le serin, dont l'ouïe est plus attentive, plus susceptible de recevoir et de conserver les impressions étrangères, devient aussi plus social, plus doux, plus familier. Il est capable de connaissance et même d'attachement; ses caresses sont aimables, ses petits dépits innocents, et sa colère ne blesse ni n'offense. Ses habitudes naturelles le rapprochent encore de nous: il se nourrit de graines, comme nos autres oiseaux domestiques; on l'élève plus aisément que le rossignol, qui ne vit que de chaire ou d'insectes, et qu'on ne peut nourrir que de mets préparés. Son éducation, plus facile, est aussi plus heureuse. On l'élève avec plaisir, parce qu'on l'instruit avec succès; il quitte la mélodie de son chant naturel pour se prêter à l'harmonie de nos voix et de nos instruments; il applaudit, il accompagne, et nous rend au-delà de ce qu'on peut lui donner.

Le rossignol, plus fier de son talent, semble vouloir le conserver dans toute sa pureté ; au moins paraît-il faire assez peu de cas des nôtres : ce n'est qu'avec peine qu'on lui apprend à répéter quelques unes de nos chansons. Le serin peut parler et siffler; le rossignol méprise la parole autant que le sifflet, et revient sans cesse à son brillant ramage. Son gosier, toujours nouveau, est un chef-d'œuvre de la nature auquel l'art humain ne peut rien changer ni ajouter ; celui du serin est un modèle de grâces, d'une trempe moins ferme, que nous pouvons modifier. L'un a donc bien plus de part que l'autre aux agréments de la société. Le serin chante en tout temps; il nous récrée dans les jours les plus

sombres; il contribue même à notre bonheur; car il fait l'amusement de toutes les jeunes personnes et charme les âmes innocentes et captives.

PLINE, LE NATURALISTE.

Pline a voulu tout embrasser, et il semble avoir mesuré la nature et l'avoir trouvée trop petite encore pour l'étendue de son esprit. Son histoire naturelle comprend, indépendamment de l'histoire des animaux, des plantes et des minéraux, l'histoire du ciel et de la terre, la médecine, le commerce, la navigation, l'histoire des arts libéraux et mécaniques, l'origine des usages, enfin toutes les sciences naturelles et tous les arts humains; et ce qu'il y a d'étonnant, c'est que dans chaque partie Pline est également grand. L'élévation des idées, la noblesse du style, relèvent encore sa profonde érudition: non seulement il savait tout ce qu'on pouvait savoir de son temps, mais il avait cette facilité de penser en grand qui multiplie la science; il avait cette finesse de réflexion de laquelle dépendent l'élégance et le goût, et il communique à ses lecteurs une certaine liberté d'esprit, une hardiesse de penser qui est le germe de la philosophie. Son ouvrage, tout aussi varié que la nature, la peint toujours en beau : c'est si l'on veut, une compilation de tout ce qui avait été fait d'excellent et d'utile à savoir; mais cette copie a de si grands traits, cette compilation contient des choses rassemblées d'une manière si neuve, qu'elle est préférable la plupart des ouvrages

originaux qui traitent des mêmes matières.

MABLY.

MABLY (GABRIEL BONNOT, abbé de) naquit à Grenoble le 14 mars 1709. La lecture des Vies des hommes illustres de Plutarque le remplit d'une vive admiration. Il retrouva dans les héros de l'antiquité ce qu'il sentait en lui, une grande fermeté de principes, des mœurs pures et austères et un mépris absolu des richesses et des hommes. Tous

les ouvrages de Mably ont été inspirés par une pensée noble et élevée ; l'ambition d'être utile était la seule qui l'animait. Son traité de l'Etude de l'Histoire, livre destiné à l'éducation du duc de Parme, élève de Condillac, et ses Entretiens de Phocion lui ont acquis une juste réputation comme philosophe et comme écrivain. Mably ne voulut pas se présenter à l'Académie française, parce qu'il trouvait contraire à ses principes de faire l'éloge du cardinal de Richelieu; c'était un tribut exigé alors de tout récipiendaire.

Mably mourut à Paris le 23 avril 1785 dans un état voisin de l'indigence.

DE LA SITUATION DU PEUPLE À L'AVÈNEMENT DE HUGUESCAPET.

Quoiqu'à l'avènement de Hugues-Capet au trône on distinguât l'homme libre du serf, cette distinction ne laissait presque aucune différence entre eux. La souveraineté que les seigneurs avaient usurpée dans leurs terres, ouvrage de l'avarice et de la vanité, était devenue la tyrannie la plus insupportable...

Chaque terre fut une véritable prison pour ses habitants. Ici, ces prétendus hommes libres ne pouvaient disposer de leurs biens ni par testament ni par acte entre vifs, et leur seigneur était leur héritier, au défaut d'enfants domiciliés dans son fief; là, il ne leur était permis de disposer que d'une partie médiocre de leurs immeubles ou de leur mobilier; ailleurs, ils ne pouvaient se marier qu'après en avoir - acheté la permission. Chargés partout de corvées fatigantes, de devoirs humiliants et de contributions ruineuses, ils avaient continuellement à craindre quelque amende, quelque taxe arbitraire, ou la confiscation entière de leurs biens. La qualité d'homme libre était devenue à charge à une foule de citoyens. Les uns vendirent par désespoir leur liberté à des maîtres qui furent du moins intéressés à les faire subsister; et d'autres, qui s'étaient soumis pour eux et pour leur postérité à des devoirs serviles envers une église ou un monastère, consentirent sans peine que leur dévotion devînt un titre de leur esclavage.

Cette tyrannie des seigneurs avait commencé dans les

campagnes, et elle en chassa les plus riches habitants, qui se réfugièrent dans les villes, où ils se flattaient de vivre sous la protection des lois; mais les maux qu'ils fuyaient les y poursuivirent, quand les comtes eurent changé leurs gouvernements héréditaires en des principautés souveraines.

Ces nouveaux seigneurs exercèrent à leur tour sur les bourgeois la même autorité que les autres seigneurs avaient acquise sur les vilains de leurs terres. Les péages, les droits d'entrée, d'escorte et de marché se multiplièrent à l'infini. Les villes furent sujettes, comme les campagnes, à une taille arbitraire, et obligée de défrayer leur seigneur et ses gens quand il y venait. Vivres, meubles, chevaux, voitures, tout était alors enlevé, et on aurait dit que les maisons des bourgeois étaient au pillage.

(Observations sur l'histoire de France.)

RAYNAL.

RAYNAL (GUILLAUME-THOMAS-FRANÇOIS, abbé) naquit à SaintGeniès en Rouergue, en 1711. Son Histoire du parlement d'Angleterre et celle du Stathoudérut sont aujourd'hui complétement oubliées; sa réputation n'est fondée que sur son Histoire philosophique et politique des deux Indes, qui obtint dans le dernier siècle un grand succès de parti. Cet ouvrage, rempli de declamations philosophiques contre les lois et les gouvernants, plut alors par ses défauts mêmes. Aujourd'hui, tout en faisant la part des erreurs, des inexactitudes et des contradictions nombreuses que renferme ce livre, on est forcé de reconnaître qu'il présente des faits curieux et des tableaux intéressants, que la narration en est vive, rapide, animée et que le style en est souvent noble et élevé.

Ravnal mourut à Passy près Paris le 6 mars 1796.

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Brama a divisé le peuple en tribus ou castes, séparées les unes des autres par des principes de politique et de religion....

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